Semaine du 23 juillet 1942
Une fraicheur bienvenue, après la journée torride, envahit le fameux bureau d'angle du Kremlin,
décoré des portraits de Marx, Lenine et Engels. Dans un nuage de fumée "Herzegovina flor"
dispensé par le maitre des lieux, le maréchal Chapochnikov commence son exposé de situation
de fin d'après-midi, devant l'ensemble de la Stavka. Le camarade Chaudarenko, de la section
historique de l'état-major, prend fébrilement les minutes de la réunion.
Chapochnikov :
Voici tout d'abord, avant de passer aux détails, un carte de situation générale du front, à grande échelle.
Elle permet de se faire une idée globale de la situation. Les services de renseignements du GRU,
les langues capturées, ainsi que les renseignements issus des bataillons de partisans, ont permis
d'identifier les principaux axes d'effort de l'ennemi. Il nous semble probable que les fascistes vont
tenter une importante attaque vers Kalinine, afin d'attaquer Moscou par le nord, sachant que l'essentiel
des fortifications du district militaire de Moscou est orienté face à l'Ouest. Nous ne devons pas écarter la
possibilité d'attaques secondaires du front de Kalinine, menaçant directement le DM de Moscou.
Nous avons identifié également une poussée de l'ennemi, tentant d'envelopper le saillant entre Viazma et Orel.
De ce point de vue, la retraite du front de Briansk effectuée par le camarade Vatutin nous semble pleinement justifiée.
Plus au sud, l'ennemi semble vouloir border le Don, avant peut-être d'effectuer une offensive vers Stalingrad,
où sont concentrées d'importantes usines de blindés.
Il ne nous semble pas que l'ennemi veuille envahir les steppes caucasiennes du Kouban et des Kalmouks.
Les troupes disposées autour de Rostov sont des roumains aux qualités discutables.
Il faudrait peut-être profiter de cette opportunité pour lancer une offensive vers Taganrog, où 3
divisions tiennent encore le port, même si celui-ci souffre sévèrement des bombardements.
Staline :
Il est vital de juguler toute tentative de percée vers Kalinine. Comme en 41, le gouvernement restera
à Moscou pour diriger la défense... Et quant à Vatutin, il est responsable sur sa tête de la tenue
de ses lignes... Orel doit être défendue à outrance.
Concernant la poussée vers la boucle du Don, je peux vous annoncer que des armées de la réserve générale
se tiennent prêtes sur la rive orientale. Nous avons de quoi parer aux attaques dans ce secteur. Maintenant,
Boris Nikolaïevitch, veuillez passer aux détails des fronts.
Chapochnikov:
Nous allons procéder comme d'habitude du nord au sud.

Dans le secteurs de fronts de Leningrad et du Volkhov, l'ennemi a contre-attaqué la 30° armée qui a dû lâcher
le terrain, perdant plus de 2600 hommes. Le reste du front du Volkhov a pu se replier sans difficulté sur
ses fortifications. Le terrain difficile, ainsi que le manque d'objectifs dans la région, nous laissent espérer un peu de tranquillité dans cette zone.

Le long du front du Nord Ouest, la 48° armée a efficacement refoulé la 88. ID ennemie. Mais la situation gênante
est au sud. Partant de Vishnyi Volochek, le LVI. Pzkorps de von Manstein a bousculé la 4° armée de choc. A l'ouest
de Kalinine, la situation est confuse. Les 33° et 31° armée, de la Stavka, ont pu contrer les X. et II. corps
ennemis, mais la 22° armée, au sud immédiat de Kalinine, a reculé devant les assauts du LVII. Pzkorps ennemi.

Le long du front de Kalinine du camarade Eremenko, les XXXIX. et LVII. Pzkorps ennemis ont pu conquérir
une tête de pont au delà de la Volga, à l'Ouest de Rzhev. La 39° armée de la Stavke, est en ligne à
cet endroit pour renforcer les armées du camarade Eremenko.
Ces deux offensives (celle de Kalinie et celle-ci) semblent dessiner une pince dont le but est Volokolamsk,
qui constituerait une base d'attaque idéale pour le Nord de Moscou.
Staline :
Nous devons impérativement protéger Moscou ! La ville n'a pas fléchi en 41, elle doit tenir encore en 42 !
Cependant, j'autorise le camarade Eremenko à retraiter sur des positions aménagées s'il l'estime nécessaire.
Le maréchal Chapochnikov exprime un grand soupir (intérieur) de soulagement. Il craignait que le vojd
oblige Eremenko à résister sur place, quitte à risquer un encerclement.
Chapochnikov:
Le sud du front Ouest fait l'objet d'une offensive ennemie, soit dirigée vers Kaluga, soit vers le sud-ouest,
pour tenter un encerclement du saillant Viazma-Orel. Mais le camarade Vatutin a su se replier intelligemment,
et il attaque agressivement le sud de l'offensive ennemie, pour l'empêcher de pénétrer dans son dispositif.
Le secteur du front de Voronej est calme.

Le front de Stalingrad, violemment pris à partie sur toute son étendue, est contraint à faire repli
vers le cours du Don. Nous avons identifié la I. Pzarmee qui attaque les 26° et 6° armées. L'Etat-major
demande à la Stavka d'autoriser Kirponos à un repli derrière la rivière Kalitva, où il pourra organiser sa défense.
Staline approuve d'un hochement de tête.

Chez Timochenko, l'ennemi a enfoncé la 18° armée, et pousse vers l'est. Là encore, l'Etat-major demande à
la Stavka l'autorisation pour le front Sud de se rétablir derrière la Kalitva.
Le vojd, qui pardonne beaucoup à Timochenko, autorise encore.
Le long du Don, à l'est de Rostov, le front du Transcaucase maintient la pression contre le flanc sud de
l'offensive ennemie. A l'ouest de Rostov, deux divisions ennemies ont pu traverser le Don, et ne sont plus qu'à 50km de
Taganrog, où 3 divisions retiennent d'importantes forces ennemies. Nous espérons parvenir à les délivrer.
En Crimée, l'ennemi na pas encore essayer de forcer la défense des isthmes.
Staline:
Camarades ! La situation est claire ! en aucun cas, nous ne livrerons Moscou à la soldatesque germanique.
Et Stalingrad restera inviolée ! La Stavka autorise pour le moment quelques replis tactiques, mais il viendra
un moment où nous ne nous permettrons plus un pas en arrière !
Sans le savoir, le gratte-papier Chaudarenko venait d'assister à la genèse du fameux ordre n° 227...