Je m’appelle Capet. Yves Capet. Comme mon nom l’indique –ainsi qu’un arbre généalogique à l’authenticité indiscutable- je suis le descendant direct d’Hugues Capet, le fondateur de la plus grande dynastie royale de France. Cependant, contrairement aux autres prétendants aux trône tels mes cousins Bourbons et Orléans sans parler des héritiers de Bonaparte qui végètent en attendant une restauration hypothétiques, moi j’agis.
« Yves, me dit-il, j’ai une importante nouvelle à t’annoncer. »
Je me crispe instantanément. Cette familiarité perpétuelle m’exaspère au plus haut point et j’ai la vague impression que le Président se fait un malin plaisir à en abuser devant moi.
« Je vais démissionner, poursuit-il d’une voix neutre. Ce soir, c’est toi qui seras à ma place dans ce fauteuil. »
« Tu es surpris ? reprend t-il. Cela ne m’étonne pas, évidemment. A part ma femme personne n’est encore au courant.
-Mais enfin…parvins-je à articuler non sans difficulté. Pourquoi ???
-Il faut regarder la vérité en face, mon cher Capet ! Mon bilan est catastrophique : un chômage en hausse, des déficits qui se creusent, une croissance en berne…rien de bien brillant pour tout dire ! Plutôt que d’être humilié aux élections en 2012 je préfère prendre les devants en démissionnant. »
Je ne réponds rien, étant parfaitement d’accord avec lui. D’ailleurs je ne l’écoute presque plus, pensant déjà à mon futur rôle de chef de l’Etat. Un rôle très provisoire malheureusement, car je sais que des nouvelles élections présidentielles devront être organisés aussi vite que possible. Mais pendant que le futur ex-président déblatère sur la solitude du pouvoir et l’ingratitude du peuple, une idée germe dans mon esprit…
Le soir même, pendant que la nouvelle de la démission du Président fait la une des journaux du monde entier, je reçois au Luxembourg le président du PFR, Jean-Michel Laret. Je n’ai jamais pu le sentir avec son air d’hypocrite, mais j’ai néanmoins besoin de lui pour réaliser mon projet.
Après les salutations et félicitations d’usage suite à ma future nomination, nous entrons dans le vif du sujet en abordant les prochaines élections :
« Les élections présidentielles anticipées sont prévues le 27 juin prochain, dis-je en observant attentivement Laret. Inutile de dire qu’au vu de la situation économique actuelle, tout candidat du PFR a peu de chance de l’emporter.
-J’en ai malheureusement bien peur, répond Laret en restant sur la réserve. Il faut reconnaitre que la démission anticipée du Président nous prend de cours. Personne de chez nous n’a eu le temps de se forger une carrure de présidentiable.
-Le Premier Ministre, peut-être ?"
je sais que lui et Laret se détestent cordialement depuis qu’ils visent tout deux les élections de 2017.
"Lui ? s’offusque Laret avec rage. C’est une plaisanterie ! Il a entièrement suivi la politique du Président et l’opposition pourrait s’en servir contre lui !
-Et vous ?
-Moi ? répond Laret, troublé. Je…je ne sais pas. »
Je sais parfaitement qu’il ne veut pas se griller maintenant en perdant une élection majeure.
Le laissant à ses fausses interrogations, je rencontre peu après le Premier Ministre en lui tenant un même discours où j’obtiens les mêmes réponses évasives. Deux jours plus tard, j’apprends que le Premier Ministre et Laret se rencontrent dans un grand restaurant parisien.
Et ce qui devait arriver arriva : le premier avril, Laret me demande officiellement d’être candidat aux élections présidentielles au nom du PFR. Ils s’imaginent que je vais perdre d’avance les élections pendant qu’ils se préserveront pour 2016…
Je jubile en mon fort intérieur en acceptant ce qu'ils pensent être un cadeau empoisonné, alors que je sens que je tiens là une chance unique.
A suivre...