1837: les joyaux de la couronne sont en danger. Le Tsar Nicolas souhaite étendre l'Empire de Russie vers les confins asiatiques. Après avoir repoussé l'ogre napoléonien, restauré l'ordre autocratique en Europe et discipliné les Ottomans, rien ne peut arrêter la marche vers la suprématie russe. Les cosaques, jadis envoyés soumettre les peuples de Sibérie, coursent vers l'océan Pacifique. La Chine moribonde est mûre à croquer, l'Asie prête à devenir un gigantesque vassal russe.
Les serres de l'aigle bicéphale ne se contentent pas de ces conquêtes, les salons de Pétersbourg bouillonnent de spéculations. Un port au large du Pacifique? Certes! Mais ne faudrait-il pas également s'émanciper des clivages de la Caspienne et tendre vers des routes maritimes plus lucratives, telles l'océan Indien? Pensons large, pensons à l'universalité de la croyance orthodoxe, de la mission restauratrice du Tsar.
Les Britanniques prennent lentement pied en Inde, se gargarisent des merveilles qu'ils en rapportent. Eux pensent comme des commerçants. Ambitieux certes, mais au fond des roturiers de bas étage, toujours à gratter le sol pour en retirer quelques pennies. Sans nulle comparaison possible avec les nobles desseins de la Russie, notre légitimité doit s'accompagner d'un exercice de pouvoir réel. Les Britanniques ne savent pas se battre, ils ne sauront s'opposer à notre prise, qui vise précisément ce qui leur est si cher, les joyaux de la couronne, le sous-continent indien.
Le chemin menant aux maharadjahs et sultans est parsemé d'obstacles, un terrain idéal pour nos jeunes officiers et diplomates, impatients d'en découdre. Mettre main sur l'Asie Centrale, voilà la clé vers l'Inde. Une première expédition est mise sur pieds. Quelques milliers d'hommes, des généraux de valeur. Le grand jeu, The Great Game comme le formulent les Britanniques, conscients de ce qu'ils ont à perdre, vient de commencer.