Chapitre 3: Unis contre les faibles
Troisième guerre gréco-turque (29 octobre-30 novembre 1937), Quatrième guerre balkanique (29 octobre 1937-13 février 1938)
Le 29 octobre 1937, à l’occasion du Jour de la République, le président de la république de Turquie, Mustafa Kemal Atatürk, exigea au gouvernement grec les cessions des provinces de Kavala, Salonika et des Dardanelles. La Turquie avait engagé un programme de modernisation et de renforcement de l’armée, et établi une alliance entre l’Allemagne et l’Italie. Quand bien même les Grecs riposteraient, ils auraient à faire avec deux des plus grandes puissances européennes.
A 9 heures du matin, les armées du maréchal Inonü et du maréchal Cakmak reçoivent l’ordre de quitter Istanbul pour fondre sur Kavala, dans un but : sécuriser Istanbul le plus vite possible. 24 heures plus tard, le roi de Yougoslavie, Pierre II Karadjordjevic, vole au secours de son homologue grec, Georges II d’Oldenbourg. La Bulgarie et la Roumanie saissisent l’occasion pour rejoindre l’Axe et concrétiser leurs rêves de dépéçage de la Yougoslavie. La Grande-Bretagne, garante de l’indépendance grecque, se contente de rompre ces liaisons diplomatiques avec la Turquie. La quatrième guerre balkanique a commencé.
Alors que les Italiens, les Bulgares et les Roumains rassemblent leurs armées en vue de l’invasion de la Yougoslavie, les troupes turques longent la côte de la mer Egée, progressant rapidement au cœur du pays : Salonika, ville natale du président turc, est occupéée le 19 novembre ; le 29, le maréchal Cakmak entre à Athènes. La veille, le général Metaxas, accusant le roi Georges II d’avoir trahi la Grèce, avait exécuté son roi ; lorsque les troupes bulgares le rattraperont aux environs d’Edessa, il subira le même sort.
Le 30 novembre 1937, le nouveau roi, Paul de Grèce, signe le traité d’annexion de son pays aux mains de la Turquie, prévoyant le partage de l’ancien Etat grec, qui avait gagné chèrement son indépendance sur l’Empire ottoman au début du XIXeme siècle, entre la Bulgarie, la Turquie et l’Italie. En échange, il obtient de pouvoir s’exiler librement avec sa famille en Suisse. Edessa et Kavala sont annexées par la Bulgarie, Rhodes rejoint le royaume d’Italie. Mustafa Kemal, lui, fulmine : la Grèce est coupée du reste de la Turquie par le rival bulgare…
Après l’invasion du Kosovo pendant le mois de décembre, l’état-major turc décide d’établir une tête de pont vers Podgorica en envahissant l’Albanie, sans aucun préavis, le 21 décembre ; avant que les troupes turques n’aient atteint Tirana, le roi Zog négocie avec les Allemands la capitulation le 29, permettant au pays de rester indépendant, même en tant qu’Etat fantoche, et de perdre sa province de Vlorë au profit de celle de Pristina.
Ce même phénomène se reproduit pendant la campagne de Serbie, en janvier 1938 : alors que les armées turques arrachent Belgrade, Sarajevo et Mostar au prix d’âpres combats, ils sont précédés dans les provinces abandonnées par leurs homologues bulgares, italiens ou roumains ; les clauses du traité d’alliance prévoyait que chaque province appartiendrait au premier arrivé, sauf modifications. Par ce sentiment, le maréchal Ismet Inonü, dauphin officieux d’Atatürk, se sent blousé, pensant qu’il n’a fait que travailler pour les voisins et rivaux de la Turquie.
Le 13 février 1938, à Uzice, alors qu’un avion l’attend pour l’emmener à Londres, le roi Pierre II de Yougoslavie signe son abdication et la capitulation totale de son pays devant le maréchal Inonü, le comte Galeazzo Ciano, le ministre bulgare Georgi Kioseivanov, le ministre roumain Miron Cristea et le général allemand Erwin Rommel ; la Yougoslavie sera divisée entre l’Italie, la Roumanie et la Bulgarie : trois Etats indépendants, la Serbie, la Croatie et la Slovénie seront crées sur ces restes. A la tête de la Serbie, Tomislav Karadjordjevic, âgé de 10 ans, le frère du roi Pierre II ; en Croatie, Aimone d’Aoste, sous le nom de Tomislav II ; en Slovénie, le prince Junio Valerio Borghèse, ou Valére 1er.
Malgré la défaite totale des deux principaux ennemis, cette guerre laissa un goût amer dans la bouche des Turcs, pensant avoir mâché le travail pour leurs rivaux roumains et bulgares, qui s’étaient considérablement agrandis aux dépens de leurs armées.
