La France et son armée
Avec sa terrible défaite en 1871, la France paya la légèreté avec laquelle elle s'était occupée de sa défense au prix fort. Le Traité de Francfort enterrine la perte de l'Alsace et de la Moselle, les Prusso-Allemands ont défilé à Paris.
"Les grands désastres renferment de grands enseignements. La sagesse consiste à les comprendre, le courage à en profiter. Loin de se laisser abattre par ses revers, une nation qui ne consent point à déchoir en étudie les causes, se met hardiment à l'oeuvre, réformer tout ce qui a pu l'affaiblir et parvient à se relever quelquefois plus puissante après les épreuves, qu'il entre peut-être dans les desseins de la Providence d'imposer aux peuples comme aux individus, pour mieux leur montrer leurs devoirs et rendre plus forts ceux qui savent les supporter.
Voilà, Messieurs ce que vous voulez; voilà, nous en avons l'espoir, ce que fera la France." Ainsi parla Justin de Chasseloup-Laubat, rapporteur de la commission chargée de préparer la nouvelle loi sur le recrutement militaire, devant l'Assemblée nationale en 1871.
La défaite eut ceci de bénéfique qu'elle permit, tant aux politiques qu'à l'assemblée et à l'opinion, aux mirages du pacifisme et "du peuple en armes" de s'évanouir. La revanche ou à tout le moins, la défense face à une nouvelle attaque Allemande était à l'ordre du jour.
Dès 1873, les projets militaires -suite à l'opposition de la Chambre- défunts du second Empire sont retravaillés. Le 27 juillet, la loi sur le recrutement militaire est adoptée. Parmi ses dispositions principales, la plus notable est le rétablissement du principe de la conscription.
L'année suivante, le dispositif fortifié "Séré de Rivières" est mis en place. Il s'agit d'organiser la défense des frontières de l'Est.
Les innovations rapide en matières d'artillerie (obus à la mélinite...) posèrent rapidement la question de l'efficience d'un tel système de fortification, la plupart des ouvrages furent néanmoins scrupuleusement entretenus et modernisés. En 1914, ils représentent sur les frontières de l'Est un atout des plus important pour le plan de bataille Français.
Les efforts de modernisation ne s'arrêtèrent pas là. En 1886, l'armée touche les premiers "Lebel", fusil très moderne bien que non exempt de défaut, en 1897, c'est l'arrivé du fameux "75" et en 1907, les premières mitrailleuses efficacent entrent en dotation. Certes, l'Armée Française manque d'artillerie lourde façe à sa rivale Allemande, mais le reste de son matériel n'a guère a rougir de la comparaison.

Soldat avec son Lebel

Le fameux canon de 75 (ici pendant les grandes manoeuvre de Picardie en 1911)

Mitrailleuse Saint Etienne modèle 1907.
Certes, reste encore l'épineuse question de l'habillement. L'armée Française de 1914 est en effet haute en couleurs.

La tenue du fantassin, qui n'a guère variée depuis 1870 n'est pas un modèle de discrétion, renforcée qui plus est de nombreux boutons et autres ornements brillants. La question de l'habillement de la troupe déchaine les passions, mais à la déclaration de guerre, les tentatives de réformes ont échouées. "Le pantalon rouge, c'est la France!" clament des députés à la Chambre. Et que dire de la tenue des pauvres Cuirassiers qui elle n'a guère été modifiée depuis Waterloo, ou encore des Zouaves et autres Dragons...
La défaite de 1870 eut un dernier impact profond sur l'armée et ses chefs: l'obsession du plan de bataille. Après les premiers plans, conçus dans l'urgence et visant à défendre le pays face à l'Allemagne, l'Etat-Major s'orienta de plus en plus vers l'offensive, tâtant plusieurs voies, telles que le passage en Belgique ou en Suisse.
Le plan d'action Français en 1914 est le plan XVIIb ( b parce que modifié par mes soins).
Prévoyant l'offensive Allemande à travers la Belgique, la 4ème Armée de Foch, assistée de 2 Corps de Cavalerie (Guillaumat et Maistre) doit porter assistance aux Belges, à tout le moins retarder l'avancée Allemande.
La 3ème Armée de Pétain est chargée de la défense face au Luxembourg et à la place de Metz.
Les 1ères (Dubail) et 2ème Armées (Castelnau) ont pour objectif de lancer l'offensive par le sud de l'Alsace, remontant le long de la vallée du Rhin afin d'encercler, si les choses se passent pour le mieux, les forces Allemandes en Rhénanie et en Belgique. Le temps voulu, la 3ème armée de Pétain ainsi que les CA frontaliers (destinés à tenir les fortifications et à ne pas révéler avant guerre aux Allemands où se portera notre effort) des Généraux Franchet d'Esperey et Armau du Pouydraguin prendront eux aussi l'offensive: certainement une fois que Mulhouse et Colmar auront été investies.
(Il est a noté que en l'attente de la décision Italienne de neutralité -ou non-, 2 CA formant l'Armée des Alpes garnissent les frontières face à un possible second Front; tandis que deux autres CA sont disposés en Bourgogne, destinés a renforcer les Alpes si besoin ou , si l'Italie devient neutre, à renforcer l'offensive d'Alsace.)
Tout celà révèle l'esprit fortement offensif des Elites militaires de 1914. Le choc prime sur le feu, la troupe doit être entrainée et conduite dans cette esprit agressif. C'est par l'attaque baionnette au canon que doit être acquise la Victoire. Reste à apprendre à l'Etat Major que le feu tue...
Quoi qu'il en soit, jamais Nation et Armée ne furent (éducation primaire et conscription aidant) autant liées. L'armée est en 1914 prête dans les grandes lignes, malgré quelques faiblesses, a affronter l'ennemi. Reste a voir si cette préparation fut suffisante et efficace...