J’envoie chier un diplomate qui voudrait bien voir sa paperasse inutile transportée par mes vaisseaux d’élite. Les 25 000£ proposés ne valent pas le coup pour un détour en Arabie alors que la Compagnie a d’autres plans. En effet, ce cher ventremou de Griffon doit chasser les pirates pour Sa Majesté tondeuse de moutons. Jagou le croquant fait régner la terreur aux alentours de Bombay. Le problème, c’est qu’aux alentours de Bombay, eh bien …
… c’est le calme plat. Mais plat de chez plat, pire que la campagne brandebourgeoise (et je m’y connais en platitude brandebourgeoise, croyez-moi). Il faudra deux mois entiers pour dénicher une pauvre barcasse osant arborer des délicatesses canines. Une salve d’artillerie du Cardigan, notre glorieux galion, et le Jagou part nourrir le plancton.
Griffon a d’autres chats à fouetter, un riche marchand londonien désire se couvrir de fourrures d’animaux terrifiants pour compenser … enfin pour décorer sa demeure. Rien de plus simple, Zanzibar regorge de ces marchandises. En plus, Normand Wescott-Griffon commence à maîtriser quelques gestes allant au-delà du schéma bouteille de rhum → binette.
Mieux : notre épique victoire contre l’armée de pirates jagoulesque inspire le respect aux compagnies européennes. Nous signons généreusement des pactes avec deux d’entre elles contre force monnaie.

Il faut dire que la Compagnie des Indes Orientales reprend de la graine. Un brig rejoint notre flotte, finement ciselé par un maître de chantier flamand kidnappé par mes soins, le cher Eugen Lafrite. Ce sera Emrys Fulke qui commandera le joyau de notre flotte marchande. Le brig a 80 tonnes de capacité de transport et atteint une vitesse de 10 nœuds (notre galion arrive à 8). Ce capitaine se nomme lui-même « Reborn », car il prétend être né une seconde fois lorsqu’il s’est converti à ce qu’il pense être la véritable foi. Ce n’est pas pour dire, mais si j’étais à la place de cet avale-porridge de Jacques Ier, je me débarasserais vite fait bien fait de ces personnages bizarres. Quoi qu’il en soit, messire prétend pouvoir naviguer et tenir les braillards qui lui servent d’équipage en laisse. Nous l’observerons de près.

Il a intérêt à faire des étincelles, car l’immondissime Wenceslaw Thrawn nous a joué un tour! Il a engagé une pseudo-princesse africaine pour faire les beaux yeux au vieux Griffon tout bouffi de voir une jeune créature lui faire la cour selon toutes les règles de l’art, et ce à Luanda, port ami de l’Angleterre … son retour s’en est retardé d’un mois entier, et voilà que le marchand impotent réclamant des peaux de lions se retrouve en droit d’infliger une amende à la Compagnie.

Je garde ce pataud en service, il a failli étrangler l’Earl Thrawn quand il a apprit qu’il s’est fait rouler. Le pauvre Wenceslaw ne court plus bien vite depuis qu’il a la goutte, et ses hallebardiers ont eu du mal à tenir le capitaine à distance. De peu il les aurait transformés en pâté, mais le sobriquet d’ « écorcheurs de crapauds » a bien suffi pour marquer son opinion envers les gardes. En tous cas, les comptes sont maigres en ce moment. La construction d’un brig (qui sera bientôt rejoint par un second de sa sorte) a plombé notre bilan.
Et pourtant, cela ne suffit pas à tenir tête aux autres compagnies européennes. Nous ne disposons que du plus faible tonnage. La France dispose de plus de navires de guerre que nous de navires en général.
Pas étonnant que dans ces conditions, je refuse à Jacquer Ier l’incompétent d’attaquer les Portugais (et puis quoi encore ?). Je peine à faire tourner la machinerie, et même les nouveaux brigs ne font pas de miracles. Toutefois, mes résultats devraient suffire à convaincre Sa Majesté de me confirmer dans mes fonctions.
Le port de Cochin connait une expansion timide (et expressément ordonnée par la Couronne). Il vaudrait mieux développer un peu les défenses et envoyer quelques trouffions garder le tout, mais les fonds manquent. Les soutes ne se remplissent de marchandises lucratives qu’à grand coup de capital, et on ne peut être présent partout (si vous versez une larme ici, veuillez faire don d’un obole dans la coupelle d’or à gauche de l’entrée, merci).
Une grande demande de fer à Jadida (Maroc) remplit un peu les caisses. Je n’ai aucune idée de ce que l’on peut bien faire avec autant de fer (construire une tour ? haha), mais grand bien fasse au sultan tant qu’il paye séance tenante.
Les nombreux aller-retours rendus possibles par cette courte distance de commerce ont permis au capitaine Griffon de se soucier d’autre chose que de sa réserve de rouge, qui ne suffit jamais à combler ses besoins jusqu’en Inde et l’oblige à acheter toutes sortes de breuvages alcoolisés sur son chemin. Ces quelques moments de lucidité s’avèrent précieux pour la Compagnie, le brave homme accumule quelques connaissances. Il était temps.
Reborn aussi revient d’un long voyage, et le voilà enfin qui nous amène des cales pleines de thé. 160 tonnes ! Le capital de la Compagnie fait un bon énorme en avant ! Histoire de ne pas laisser ce succès lui monter à la tête, je le renvoie aussi sec livrer quelques documents diplomatiques à Sainte-Hélène, pour continuer ensuite vers l’Inde avec une cargaison d’argent et d’outils - les indigènes aiment ça.