Chapitre 7: 1460-1470
Les batailles se multipliaient, l'Autriche combattait une véritable hydre! L'armée impériale combattait ferme, repoussant Alphonse III du Trentin, détruisant les restes de son armée et des renforts orléanais en Suisse, et repoussant toutes les tentatives françaises de débarquer en Istrie. Johann Ier avait lui réussi à empêcher une invasion de la Souabe, et avec ses 6000 cavaliers infligea une défaite sanglante à Jean-Antoine de la Mothe dans le Tyrol. Gaston Ier d'Orléans perdit toutes ses hommes durant une embuscade manquée.
Une fois la confusion de ces violents affrontements en Autriche terminés momentanément, Johann Ier procéda à une répartition des tâches. Rainer-Friedrich von Stubenrauch défendrait les possessions italiennes et la côte dalmate face aux intrusions provencales et orléanaises, tandis que Johann même s'efforcerait de repousser les Francs et Lorrains venus du Nord. Le Bade et Anvers furent abandonnés. Cette réorganisation et ce resserrement de ce qui était devenu une guerre purement défensive coûtèrent cher à l'Empereur, qui était pourtant tout sauf un sentimental. Mais comment rester impassible en laissant de loyaux sujets sur le chemin, et en voyant les Francs piller les terres de ses ancêtres?
Fort heureusement tous les combats des envahisseurs dispersés menèrent à leur perte. Bientôt les rôles purent être échangés et von Stubenrauch s'enfoncer avec son infanterie en territoire badois, occupé par la France. La guerre faisait rage en Italie où Johann courait d'un siège à l'autre pour combattre le flux ininterrompu de soldats et mercenaires français qui se déversait au Nord du Po.
Des Lombards échauffés par l'absence de grande garnison autrichienne à Trévise fomentèrent une révolte armée contre l'autorité impériale. Henri II n'avait pas l'intention d'encourager le patriotisme local et considérait toute révolte comme ombrage à sa magnificience. Il défit l'armée rebelle, fit couper les mains de tous les participants et pendre les meneurs. Le Roi de France servit ainsi par deux fois les intérêts de l'Autriche, d'une en affaiblissant ses propres régiments lors d'une bataille inutile, et de deux en calmant les ardeurs lombardes.
La lutte pour la prédominance en Italie fut longtemps indécise, jusqu'a ce que Johann Ier parvienne à encercler les rescapés de très nombreux contingents français. Ils s'étaient tous réfugiés au Krain, bordant la Hongrie qui ne comptait pas autoriser le passage des ennemis de sa grande amie l'Autriche. Épuisés, maintes fois battus, affamés et en grand manque de pillage, près de 35 régiments furent exterminés par l'Empereur, surpris en train de fourrager honteusement en terre habsbourgeoise. Cette victoire était un signe de Dieu!
Ceci étant, le même mois de janvier 1461 vit un von Stubenrauch triomphant des armées franco-lorraines dans le Brisgau. Les habitants se rallièrent instantanément à leur libérateur, facilitant la poursuite de la campagne. L'armée impériale fit un détour en Suisse, écrasant à nouveau impitoyablement les armées d'Alphonse III de Provence, qui était désormais appellé "le malchanceux" dans toute la noblesse provencale.
Cette série de victoires réjouissait autant l'archiduc qu'elle l'inquiétait. Les frontières du début de guerre avaient presque été rétablies, la France avait appris à craindre l'Autriche. Cependant le Roi de France se refusait à toute paix désavantageuse pour lui, et les soldats venaient à manquer. Combien de temps encore de solides hommes d'armes se laisseraient-ils trouver dans Saint-Empire? Seront-ils suffisants pour combler les rangs régulièrement déchirés par les flèches ennemies?
Une armée lorraine venait justement d'être écrasée durant la reconquête du Bade lorsqu'une infâme nouvelle parvint aux oreilles de l'Empereur: la Bavière nous déclarait la guerre! Comment ces chiens galeux osaient-ils nous poignarder ainsi, alors que nous défendions les droits de l'Empire contre l'ennemi suprême, la France? Le comté de Württemberg avait osé rejoindre cette ligue vérolée. Nos alliés de Mayence et Gênes nous soutinrent, mais n'avaient pas de troupes à nous envoyer dans l'immédiat.
L'Empereur choisit d'ignorer ces traitres et décida de se porter au secours de Rainer-Friedrich von Stubenrauch en Alsace, où le duc Clément de Neufchâtel avait rassemblé une immense armée et menaçait d'engloutir tout le Bade en quelques semaines. L'ennemi était trop confiant et fut surpris près de Reichswiller. Les immenses colonnes de chevaliers autrichiens firent de leur mieux pour faire payer cher leur arrogance aux Français. La bataille fit rage jusqu'au soir et vit bien des Francs tomber.
Une fois ce danger écarté, Johann Ier pouvait s'en retourner vers le Bade, où s'étaient déjà installées les troupes du Württemberg. Le comté faisait maigre figure avec ses 3 000 hommes, ce fut encore pire lorsqu'il les perdit à la bataille de Donaueschingen. La route vers la Bavière était libre, Rainer-Friedrich von Stubenrauch s'en alla assiéger Munich, tandis que l'Empereur galoppa vers l'Istrie pour apporter de l'aide aux garnisons locales.
Lors de cette cavalcade, une missive du Roi de France arriva. Henri II se voulait magnanime et prétendait "offrir" la paix si on lui cédait le Brisgau et 25 000 Gulden. La peste soit du fat! L'Autriche n'a pas pris les armes pour céder des terres impériales aux Francs!
Et de fait, l'Empereur put se réjouir de la prise de Munich le 24 mars 1462, après 200 jours de siège. Le duc de Bavière, qui avait bêtement perdu son armée au détour d'une invasion manquée de la Styrie, était forcé de signer la paix. Impitoyable, Johann demanda à ce que tout le trésor duchal lui soit versé en compensation de ce manquement intolérable. Maximilien de Bavière, surpris par cette demande, s'offusqua et fit mine de refuser. L'Empereur menaça alors de mettre à sac la capitale, laissant la ville durant trois jours aux soldats. Le duc n'eut plus d'autre choix que d'accepter, et quand fut évalué la richesse bavaroise, l'Empereur comprit pourquoi il avait eu affaire à tant de réticence.

1 375 000 Gulden! Voilà qui résoudrait tous les problèmes d'argent autrichiens durant un bon bout de temps! Cette contribution involontaire était d'autant plus importante que le financement de nouvelles levées ne pouvait jusque là être garanti qu'en rognant les pièces d'or existantes, causant une inflation des plus désagréables.
La campagne de Bavière avait permit à la France de se réapproprier intégralement le Bade. Cette guerre faisait maintenant rage depuis plus de quatre ans, et l'Autriche était toujours sur la défensive! La France ne s'était pas tout à fait remise de précédents conflits, sa population commençait à grogner, désapprouvant ces guerres incessantes. La paysannerie autrichienne était heureusement très loyale, aucune révolte n'était à craindre, si ce n'est en Istrie ou en Lombardie, des territoires qui n'avaient pas encore été entièrement pacifiés.
Seulement, il devenait de plus en plus dur de trouver des hommes prêts à s'engager dans le métier des armes. L'Empereur était forcé d'utiliser ses deux grandes armées, l'armée impériale et l'armée des chevaliers, de concert. Celà limitait les initiatives et ne permettait des offensives que lorsque l'ennemi était très affaibli. Les troupes autrichiennes avaient fondu jusqu'a ne compter plus que 20 000 hommes, heureusement pour la plupart des chevaliers, à la gloire inégalée sur le champ de bataille. La France souffrait des mêmes problèmes, nos espions estimaient ses forces à 75 000 hommes.

Alphonse III avait encore perdu une armée entière dans le Frioul en décembre 1462, il portait désormais le surnom "le maudit". D'autres corps d'armée français firent encore les frais de la fureur de l'Empereur en Italie du Nord. Ces affrontements étaient relativement modestes et permettaient de remplir lentement les rangs autrichiens, tout en maintenant l'ennemi franc en haleine. L'expédition italienne, menée par Joachim de Siorac, fut un grand désastre pour la France.
À l'été 1463, Johann Ier se sentait si sûr de sa force qu'il décida de reconquérir le margraviat de Bade une enième fois. Au passage, il détruisit à Constance une armée provencale menée par ... Alphonse III, nouvellement nommé "l'incapable notoire" par ses sujets. Tandis que Rainer-Friedrich von Stubenrauch écrasait Blaise de Beauharnais avec quelques milliers de cavaliers égarés dans les environs de Fribourg, l'Empereur tomba sur adversaire à qui parler à Rastatt. C'était le sanglant Ignace de Saint-Germain, à la tête d'une armée colossale!
Henri II se sentait maintenant sur de sa victoire, il réclama 200 000 Gulden de la part de l'archiduché d'Autriche. Folie! Von Stubenrauch avait encore une armée intacte et croisa le fer à Fribourg. Hélas, une manoeuvre exécrable du fougueux Greiffenau von Wolfsberg mena toute une colonne de cavalerie vers des bois infestés d'archers. La bataille se termina en une sanglante défaite pour l'Autriche, l'armée impériale devait retraiter vers le Tyrol.
C'est le moment que choisirent divers hérétiques dans le Krain pour se révolter. Leur dirigeant Wolf Dietrich Amanshauser voulait y instaurer sa théocratie. Il ne restait qu'une réponse à ces inepties: la mort pour trahison. L'Empereur se chargea personnellement de la punition, avant de retourner vers le Nord pour sauver les restes de l'armée impériale. Ignace de Saint-Germain voulait à tout prix réduire cette armée, et négligea le ravitaillement de ses hommes pour gagner en vitesse. Nombreux furent les déserteurs en ce temps! L'attaque de Johann sur ses arrières le surprit complètement alors qu'il arpentait les chemins du margraviat d'Ansbach, son armée fut exterminée.
Et pourtant, il n'y avait toujours pas de perspective de victoire. La lassitude croissait aussi en terre autrichienne, la moindre défaite pouvait avoir des conséquences terribles. Beaucoup d'aventuriers et de criminels de tout bord n'attendaient que celà, que la légitimité des Habsbourgs soit remise en cause.
Suite à ces grandes batailles, l'archiduché comme le royaume ennemi s'appliquèrent à préparer une nouvelle campagne. Dans l'immédiat, tous deux léchaient leurs plaies. La France avait souffert de plus grandes défaites, mais gardait un bien meilleur potentiel pour se redresser. La guerre fut à peine remarquée entre août 1463 et mars 1465, à peine quelques capitaines d'industrie osèrent-ils débarquer en Istrie, d'où ils furent promptement repoussés. Les armées françaises restèrent derrière le Rhin, si bien que le Bade put être tranquillement repris. Henri II ne s'opposa qu'une fois aux troupes autrichiennes, il fut battu.
Personne n'avait cru que l'Empereur pourrait arrêter la France et lui infliger de telles défaites. Certes, Liège et le Brabant étaient entrés dans le giron français, mais du moins le Saint-Empire avait pu montrer ses dents. Henri II y réfléchirait à deux fois avant d'attaquer un autre membre de l'Empire! Le prestige de l'archiduché était par conséquent immense.
La campagne de 1465 débuta avec des accents différents. Gaston de la Tour d'Auvergne débarqua en Istrie avec 25 régiments, tandis que l'armée impériale marchait vers l'Alsace avec 13 000 hommes. La manoeuvre française eut à souffrir des contrées hostiles et du peu de ravitaillement emporté, ce qui fit que Johann Ier eut la part belle pour repousser l'envahisseur. Ses cavaliers brisèrent à nouveau les lignes de piquiers et d'arquebusiers sans discipline, tandis que les maigres contingents montés ennemis ne combattaient plus qu'avec l'énergie du désespoir. Le 22 juin 1465, les quelques centaines de survivants français, abandonnés par leur général, se rendirent à l'Empereur.
Celà permit à Rainer-Friedrich von Stubenrauch de s'emparer de l'archévêché d'Alsace, avant même que le roi Henri II puisse intervenir. À la bataille de Wissembourg, ils s'opposèrent de toute force les armées qu'ils avaient patiemment rassemblées durant la trêve implicite des derniers mois. Le combat fut longtemps indécis, notamment à cause de quelques actions osées des Francs. L'entrainement excessif des troupes autrichiennes sauva leur mise, car même quand ils furent coincés entre deux échiquiers de chevaliers de grande noblesse, les Landsknechten tinrent fermement leur position, si bien que la cavalerie impériale eut le temps de charger les arrières des Francs. La bataille se termina en milieu d'après-midi, Henri II s'était retiré, mais l'armée de von Stubenrauch était dangereusement affaiblie.

Sa situation devint encore plus précaire lorsqu'Ignace de Saint-Germain lui contesta la maîtrise des lieux un mois plus tard. Il put être repoussé avec grand mal seulement, tous les renforts reçus furent engloutis. Les régiments autrichiens continuaient à être grignotés ... en novembre, c'était les hommes de François de Fournay qui cherchaient querelle à nos braves, lui aussi put être vaincu à grands frais. La stratégie française devenait évidente: affaiblir l'armée impériale avec de petites armées, avant de lui porter le coup de grâce au moyen de l'armée royale qui se massait en Lorraine. Même l'archévêché de Trêves envoya le capitaine mercenaire Rainer Corgell avec deux mille hommes, ceux-ci furent écrasés sans douleur, tellement ils s'y prirent mal.
Johann Ier traversa les Alpes avec son armée de chevaliers pour prêter main forte à son lieutenant. Von Stubenrauch réussit à défendre l'Alsace jusqu'a son arrivée, il put même mener un raid vers Worms, dont les dignitaires lui ouvrirent les portes plein de contentement! Henri II, pris dans une pince, fut battu par deux fois, avec lui Gaston Ier d'Orléans, qui dut fuir déguisé en garçon vacher après la destruction de ses armées.
Les armées autrichiennes se remirent de tous ces efforts durant l'hiver, et reprirent l'offensive en été 1466. Koblenz comme Metz furent assiégées. Les techniques d'entrainement furent perfectionnées au vu de l'expérience acquise sur le champ de bataille.
La France était très épuisée par tous ces combats, alors même que l'Autriche se portait encore relativement bien. La situation financière était très bonne, la paysannerie se comportait de manière absolument loyale malgré les différentes ponctions et réquisitions, seules les possibilités de recrutement étaient très limitées. C'était bien pire dans le royaume ennemi, car nos espions rapportaient que Henri II ne pouvait aligner en tout et pour tout plus que ... 26 000 hommes! Les forces impériales autrichiennes en comptaient 27 000 selon les derniers rapports!
Pas question donc d'envisager une quelconque paix avant d'avoir libéré d'autres territoires de l'emprise néfaste des Français. Pourtant les sièges de Metz et Koblenz furent extrêmement rudes, les contrées avaient déjà été dévastées par les armées ennemies, la récolte avait été brûlée et bon nombre d'habitants avaient fuit la région. À quels barbares avions-nous à faire! Leur tactique fut efficace, car jusqu'a l'hiver nos armées ne comptaient plus que 6 000 hommes chacune ...
Dans ce moment de peur, Jakob II de Lorraine déboula avec une armée venant du Sud, bouleversant complètement la maigre ceinture d'hommes d'armes qui entourait la forteresse de Metz. Johann Ier retraita en catastrophe et signa son arrêt de mort sur le Rhin, où il fut intercepté par Henri II. Toute l'armée des chevaliers avait été exterminée! Seul l'Empereur et quelques fidèles purent passer le fleuve avec quelques barques désaffectées!

Von Stubenrauch tenta de sauver ce qui pouvait encore l'être, et s'engagea sur le chemin du retour, abandonnant le siège de Koblenz. Il croisa le fer avec Gaston le vacher en Alsace, et avec Ignace de Saint-Germain à Worms où il fut forcé de se replier. Pour couronner le tout, Henri II l'intercepta alors qu'il passait le château de Heidelberg. Son génie lui évitèrent une défaite totale, comme par miracle il put s'enfuir vers le Württemberg avec 7 000 hommes, tout ce qu'il restait des forces autrichiennes. Après un détour dans le Trentin où il annihila l'armée de Louis IV de Provence et profita des renforts que l'Empereur lui avait envoyés, il tenta de sauver le Bade, malmené par Henri II.
Ce fut une prouesse sans nom qu'il accomplit en repoussant le Roi des Francs. En Autriche, Johann faisait tout pour remettre une armée de chevaliers sur pieds. Ils se crurent forts et voulurent violenter la Lorraine, persuadés que la France ne pourrait se remettre de ses défaites. Après une défaite exemplaire à Épinal, les restes pitoyables de leurs armées se retirèrent à nouveau derrière le Rhin. Il avaient comptés plus de 30 000 hommes en face, dont au moins 20 000 chevaliers. Nous écrivons l'année 1470, et l'hydre française continue à répandre son fiel ...