Fin mai 1857
La confusion diplomatique est totale. Le Royaume de Bavière a autorisé le passage des troupes françaises, mais reste en guerre avec les alliés de la France, le Royaume-Uni. Le monde assiste, ébahi, à un croisement loufoque des troupes autrichiennes et françaises en Franconie, aucun maréchal n'osant donner l'ordre d'attaque, de peur des répercussions diplomatiques.
Au bout de quelques jours d'absurdes jeux d'évitement, une altercation a lieu. On ne saura reconstruire précisément qui a attaqué et qui a défendu, en tous cas des renforts de part et d'autre sont arrivés bien vite. L'armée du maréchal Jean-Baptiste Vaillant est battue à plate couture!
Suite à la bataille de Würzburg, et non sans pression intense venant de Vienne, le Royaume de Bavière finit par déclarer la guerre à la France. Voilà qui offre un peu plus de clarté, bien que la position du Hesse-Darmstadt avoisinant reste aussi opaque qu'auparavant.
Les opérations étant ouvertement possibles, les trois armées autrichiennes en Franconie s'empressent de sécuriser les points stratégiques de la région. Il s'agit avant tout d'empêcher une incursion française et de forcer Canrobert à la retraite. L'armée von Schlik, encore en Bohême, avancera pas à pas vers la Franconie, avec pour ordre de prendre de soin de rester en ordre de bataille.
En Bucovine, le général Bosquet a une fois de plus échoué à surmonter les fortifications de Tschernowitz. Nos courriers et espions travaillent nuit et jour pour obtenir les meilleurs renseignements sur l'état de ses forces. Il semblerait qu'elle se limite à la 53e division de réserve, bien mal en point. Le duc zu Schwarzenberg devrait les battre avec facilité.
Sur le volet économique, la chancellerie impériale a enregistré comme attendu la licence d'une usine de meubles au nom de M. Budi-Budi, qui étend son empire à Cracovie.
Le ministre des finances, ce cher baron Graujäger, dont la cuisinière sert le meilleur rôti Orloff de Vienne, me rapporte une situation fiscale hors du commun. Plus de deux millions de couronnes dorment au trésor, il est temps d'en dépenser quelques-unes! Un programme de construction d'écoles est lancé, ainsi que le recrutement de 33 régiments de réserve hongrois.
Début juin 1857
Rien de meilleur que des oeufs brouillés au saumon comme petit déjeuner, cela me donne l'énergie nécessaire à un service exemplaire, et Sa Majesté Impériale ne demande (à juste titre) rien de moins de ses sujets haut-placés. Figurez-vous qu'un télégramme a épicé de manière agréable ces oeufs. Le duc zu Schwarzenberg a purement et simplement pulvérisé la 53e division de réserve, et Pierre Bosquet a été capturé!
Nous ne sommes pas des barbares, et renvoyons le général via un paquebot ottoman vers Marseille, avec une lettre ironique pour Napoléon III, à remettre en mains propres. Ce ne sera pas la dernière humiliation, car sitôt ces dispositions prises, la nouvelle d'une division de cavalerie interceptée et détruite en Bavière hausse une ambiance déjà enthousiaste dans la Hofburg.
6000 cavaliers, quand même! Les journaux regorgent de méchancetés envers la France. Et pourtant, le jour suivant, une bataille d'ampleur titanesque s'engage. Étalée sur trois jours, elle s'ouvrira sur un net avantage français, les divisions du maréchal Vaillant ayant attaqué brutalement l'armée von Heß, isolée et lente à réagir. Les combats gagnent dramatiquement en intensité le jour suivant, où les deux autres armées autrichiennes tentent de soutenir von Heß à tout prix. Des régiments entiers sont engloutis sous le feu, des dizaines de milliers de jeunes hommes perdent leur vie en l'espace de quelques heures.
Au troisième jour, des grenadiers de la Somme ouvrent le concert et courent vers les positions autrichiennes, dans l'espoir d'y emporter une décision rapide. L'artillerie hongroise sera très efficace, les grenadiers réduits en bouillie, et après cette victoire initiale, un engrenage infernal se met en marche, qui aboutit à une défaite française qui restera dans les annales. Vaillant déplore plus de 150 000 morts et blessés, l'équivalent de la population de Bordeaux.
Des défilés joyeux se forment spontanément dans les villes d'Autriche, tout le monde voit en cette victoire un tournant décisif de la guerre. Les médailles pleuvent, les héros sont fêtés partout, le moral est gonflé à bloc.
L'engouement masquera les pertes autrichiennes, largement inférieures mais toujours considérables. Ce sera au comte zu Dunkelmath qu'incombera le pénible travail de recomposer les rangs décimés.
Fin juin 1857
La France, à terre? Jamais! C'est ce qu'entend prouver Napoléon III, ordonnant d'arrêter immédiatement la retraite de l'armée Vaillant. Rapidement garnie de quelques renforts auxiliaires, elle est renvoyée sitôt vers les fusils autrichiens!
Aussi stupide que cela puisse paraitre, personne ne s'y attendait. Les armées autrichiennes sont surprises au milieu d'une douloureuse réorganisation, encore considérablement affaiblies par leur victoire. Exténuées, elles garderont la maîtrise du terrain, le résultat sera pourtant plus contrasté que précédemment. Embarqués dans une sauvagerie sans pareil, les deux belligérants auront du mal à compter leurs morts, tant il y en a.
La position autrichienne en Franconie en deviendrait presque précaire, s'il n'y avait pas von Schlik pour ramener de quoi organiser une défense digne de ce nom. Rappelons que l'armée von Schlik est la plus grande de l'Empire, de puissantes colonnes d'artillerie, de cavalerie et de génie s'articulent autour de cinq corps d'infanterie.
Face à ce massacre, le comte von Efelleturm transmet une proposition de paix modérée. Des réparations de 200 000 couronnes, et le sang cessera de couler. Napoléon III pourra-t-il refuser?
Début juillet 1857
Enfin une bouffée d'air! Calme plat en Bavière. C'est à Buenos Aires que cela remue, les premiers chemins de fer d'Argentine y sont construits!
Des Italiens auraient initié ce projet, pourquoi donc nos entrepreneurs n'ont-ils pas d'idées pareilles eux aussi? Ce ne sont pas les ingénieurs qui manquent, comme le montrent les forteresses lombardes, qui viennent d'être terminées.
On remarquera une petite rébellion nationaliste à la frontière piémontaise. Un hasard? Je ne pense pas, le maréchal von Radetz s'occupera de ces brigands. Je préfère participer à la pose de la première brique d'une nouvelle usine de conserves, qui a des carnets de commandes plein à craquer avant même d'ouvrir, les Américains étant friands de nos produits.
Fin juillet 1857
De grandes nouvelles! La double bataille de Würzburg a laissé de profondes traces, Napoléon III est en difficulté, son pouvoir gangréné. Le sénat demande des explications, maintenant que cette guerre plutôt triviale en vient à absorber de gigantesques ressources. Quels sont les objectifs à atteindre? Et surtout: comment les atteindre? L'empereur préfère une sortie rapide, et accepte nos conditions.
La paix est signée!
Les prisonniers retourneront dans leurs foyers, leur soulagement est palpable. Un privilège chèrement acquis pourtant, car les réparations de 211 000 couronnes feront mal au trésor français. Nous pouvons maintenant nous concentrer pleinement sur la guerre avec le Royaume-Uni, qui reste une épine douloureuse. Il est grand temps de trouver là aussi un accord, car les petites gens souffrent beaucoup des restrictions commerciales imposées par le blocus anglais. Le mécontentement populaire se fait voix à Prague, où des milliers de travailleurs d'usines ont forcé l'arrêt de toute activité économique.
Les nerfs restent tendus, surtout en Hongrie et en Galicie. Les gouvernements locaux gardent le contrôle de toutes les infrastructures et ont mis la police en alerte. Le retour des armées autrichiennes encore en Bavière devrait faire réfléchir les indignés.
Les rebelles italiens, eux, se rendent aussitôt la paix avec la France apprise, convaincus de ne plus avoir de chance de succès. En voilà des courageux, pas une balle n'aura été tirée!
Début août 1857
Je suis encore dans mon khalat de soie à lire les journaux et boire un mokka, quand je me vois interrompu par un comte von Efelleturm hors d'haleine: la France a bien reconnu le traité de paix et également cessé les hostilités avec la Bavière, mais reste en guerre contre le Bade. La Prusse a sauté sur l'occasion, prétexte la protection des états d'Allemagne du Sud et entre en guerre avec la France. L'Europe s'enflamme, et Napoléon III, rapporte-t-on, est en très mauvais état de santé.
Ces évolutions sont préoccupantes et devront être observées de près. Pour l'heure, j'apprécie de pouvoir me dédier à des sujets moins martiaux. Je vois d'un bon oeil la demande de la Room Schienen-Korporation, qui planifie l'ouverture d'une mine de fer dans le Tyrol.
La modernisation constante du réseau d'égouts est élevée au rang de projet prioritaire. La nécessité d'améliorer l'hygiène dans les grandes villes de l'Empire est devenue urgente, et pourrait calmer les ardeurs populaires. Presbourg et Prague reçoivent des fonds importants pour faire avancer les travaux.
De plus, de nouveaux ingénieurs doivent être formés pour accélérer ce mouvement et entretenir ces égouts dans le futur. Pierre Emmanuel Coelioseau me fait parvenir une liste de collaborateurs appropriés, ils seront bientôt faits professeurs à l'université technique de Vienne. Pour ses excellents services, l'Empereur offre à M. Coelio une coquette villa en Vénétie.
Fin août 1857
La guerre franco-prussienne développe d'emblée une dynamique importante. La Prusse cherche la décision sur le territoire du Hesse-Darmstadt, avec qui elle entretient d'étroites et cordiales relations. La France sort victorieuse d'une première bataille. Tandis que l'infanterie prussienne marche dans les Ardennes, la cavalerie française ravage la Thuringe.
Début septembre 1857
Les défaites prussiennes s'accumulent, sans que l'on puisse encore dire avec certitude quelle issue prendra cette guerre. Des armées importantes restent en campagne et pourraient retourner une situation pour l'instant en faveur de la France.
La principauté de Hesse-Darmstadt n'a pas supporté le choc, elle se retire de la guerre au prix d'une petite humiliation. Nous suivons ce mouvement pacifique et proposons à Londres une compensation financière généreuse pour la signature d'un traité de paix.
Malgré le blocus anglais, M. Chaudard, chef du secrétariat aux affaires commerciales de Sa Majesté, a trouvé de quoi compenser le retrait des négociants de vins français. C'est une proposition osée, car elle implique d'importer du vin de Sardaigne-Piémont. Nous ferons avec, en attendant de pouvoir renouer avec des hommes d'affaires plus amicaux, et qui sait, de pouvoir développer notre production de vin à Corfou.
D'ailleurs, le commerce n'impliquant pas la confiance, les places fortes de Lombardie seront renforcées.
Fin septembre 1857
Si nous ne recevons que de lointains échos des aventures militaires russes en Suède et en Asie Centrale, nous sommes aux premières loges pour la guerre franco-prussienne. La Prusse a gagné ses premiers lauriers de victoire en Thuringe et progresse en Artois, il ne semble pas y avoir d'armée française entre ces troupes et Paris. La France est active en Sarre, où elle force à la capitulation plusieurs forteresses.
Heureusement que nous ne sommes pas impliqués dans ce conflit dantesque. Envoyer une caisse de champagne à Sir Arthur Room pour la construction de chemins de fer en Adriatique, voilà qui est plus civilisé!
Début octobre 1857
Déception! Le Royaume-Uni ne veut pas entendre parler de paix. Ce marathon n'est donc pas encore terminé, bien qu'il s'annonce bien plus supportable, maintenant que la France est hors-jeu, occupée à repousser l'agression prussienne. En ce moment les armées s'évitent, la France pousse vers la Rhénanie, la Prusse vers Paris, et une confrontation s'annonce dans la région de Magdebourg. Qu'ils s'affaiblissent entre eux! Seul une grande victoire d'un des deux belligérants serait vraiment néfaste à nos intérêts.