État de la France en 1836.
I. Le gouvernement selon la Charte. État des institutions et des partis. Le cens et les électeurs. L'opinion publique face aux institutions de juillet. L'effet de l'attentat de Fieschi. Premières années de stabilité depuis la mort de Casimir Perrier. II. Prospérité de la société. Développement du commerce et de l'industrie. Progrès de l'alphabétisation grâce à la loi Guizot. Dynamisme démographique. III. Solitude de la France en Europe. Bonnes relations avec les cours continentales. Présence française en Italie. L'Afrique du Nord. L'affaire d'Espagne inquiète le gouvernement.
I
En 1836, la France est sous l'empire de la Charte d'août 1830, conséquences des événements de juillet. Nul besoin de feindre, comme l'esprit s'y plaisait alors, qu'il s'agissait d'un texte original : les institutions restaient celles établies par la Charte octroyée de 1814, organisées sous la forme d'une monarchie constitutionnelle.
Contesté dans ses premières années, le régime de Juillet survécut à plusieurs maux qui eussent pu le condamner. Le ministère Perrier en 1831- 1832 fit beaucoup pour enfin enraciner les institutions et redonner aux institutions la confiance, à la société l'ordre auquel elles aspiraient.
A la chambre des députés, le ministère s'appuyait alors sur une solide majorité de conservateurs et de doctrinaires. La monarchie, que certains avaient voulu encaserner dans des prérogatives limites telles qu'en 1791, avait regagné de son lustre et le respect nécessaire au fonctionnement sain des institutions. Ces dernières étaient combattues à droite par les Légitimistes et à gauche par les radicaux. Afin de former un ministère et gouverner le pays, seuls les conservateurs et la gauche dynastiques pouvaient alors fournir les soutiens nécessaires.
Frustrés par les événements de 1830 et hostiles à la royauté nouvelle qui, pour eux, n'était qu'une usurpation, les Légitimistes conservent un appui notable dans l'opinion et chez les électeurs. La chouanerie ratée de la duchesse de Berry fit cependant beaucoup pour renforcer la royauté de juillet.
Les conservateurs et les doctrinaires représentaient alors le parti de l'ordre, les dynastiques, les conservateurs soutenant les institutions nouvelles et souhaitant le maintien des institutions et de la prérogative royale en l'état. Après l'échec de Lafitte et, surtout, l'année du ministère Perrier et le succès de la politique de résistance (résistance face à l'agitation), le courant a le vent en poupe.
La gauche dynastique, quant à elle, était alors globalement écartée du pouvoir. Les éléments les plus radicaux, républicains et démocrates, fermaient la marche des factions politiques.
Conservateurs et doctrinaires et une partie de la gauche dynastique s'accordaient alors sur la justesse du suffrage censitaire existant dans la charte. A gauche, quelques voix appelaient à l'abaissement du cens sans grand écho pour le moment. La coïncidence entre propriété et suffrage restait perçue comme un élément stabilisateur contre l'élément démocratique et la possibilité de l'anarchie.
Paradoxalement, une alliance de fait entre Carlistes et radicaux put exister par moment sur cette question du suffrage. Les radicaux exigeaient toujours le suffrage universel, premier pas à leur yeux vers la république, tandis que pour certains légitimistes, le suffrage universel eût permis l'appel au loyalisme profond du pays et eût corrigé la faute première de 1814/15 et de 1830.
Ainsi, en 1836, les électeurs actifs sont un demi-million. Les propriétaires terrains dominent le corps électoral tandis qu'une partie de la bourgeoisie urbaine bénéficie du suffrage.*
Les électeurs actifs sont d'un conservatisme à l'image de celui qui traverse alors la société française. Les profondeurs du pays, massivement rurales, aspirent à l'ordre et à la stabilité. Sans racines profondes dans une opinion parfois tentée par le légitimisme, la royauté de juillet était cependant acceptée et finalement respectée comme garante d'ordre.
Les voyages royaux et princiers en province, après des débuts difficiles, rencontrèrent alors enfin un accueil chaleureux et à Paris le Roi était acclamé lors de son trajet vers les chambres. Suite aux premières années de la royauté nouvelle où Louis-Philippe était agoni de moqueries et de marques de mépris, l'évolution est alors notable.
L'attentat de Fieschi en 1835 fit beaucoup pour l'image de la monarchie et pour donner au sentiment dynastique l'énergie qui lui manquait alors. Louis-Philippe, lors de son discours du trône pour la session de 1836, parla même de "sacre du feu". La machine infernale, fauchant une trentaine de vies parisiennes et faisant craindre un instant la chute du trône consolida le trône qu'elle prétendit un instant abattre.
L'attentat vint mettre un terme à l'agitation endémique qui pénalisait les institutions de juillet en marginalisant définitivement l'opinion radicale et les républicains. Après l'échec des émeutes des années 1832 puis les tentatives de régicide à répétition, les Français, las de l'agitation, soutenaient le régime et la répression consciencieuse dirigée contre les éléments radicaux offrit enfin au pays les années tranquilles auxquelles il aspirait.
*En terme de gameplay : sont électeurs les pops aristocratiques et les capitalistes ainsi que "bureaucrates", artisans, officiers, religieux et clercs.
Afin de simuler le cens assez élevé à cette époque, le système est le cens pondéré : les votes des pops riches comptent double et seul 25% des votes des classes moyennes sont comptabilisés. Dans le screen concernant, il faut donc diviser par 4 le nombre d'artisans (ils sont 20% du corps électoral) et par deux les propriétaires terriens.