Fort heureusement pour notre daimyo, les assiégés semblent s'être enivrés de leurs remarquables victoires contre le clan Choshu et passent à l'attaque au bout d'un mois, celà alors que leurs provisions auraient pu tenir au moins encore trois mois. Un excès de zèle qui se solde par une cuisante défaite et l'occupation de Higo par nos troupes.

Cette bataille pourtant victorieuse a donné à réfléchir au daimyo. Il escomptait de meilleurs résultats au vu de sa supériorité absolue en troupes de mêlée. Hélas, bien trop souvent les batailles qu'il avait mené avaient montré que l'ennemi était tout à fait capable de s'accrocher au terrain avec un armement de mêlée nettement inférieur. Ces batailles à rallonge coûtaient énormément d'hommes et paralysaient une armée victorieuse pendant des mois, incapable de poursuivre une avancée sans renforts massifs. Deux voies s'ouvraient aux Satsuma: celle du sabre et des traditions antiques, et celle du fusil et des idées dangereusement nouvelles. Dans le nord du Honshu, disait-on, les samouraïs se battaient avec de grandes armures et excellaient à l'art du katana. Ceux-là seraient capables de tailler en pièces sans sourciller les paysans armés de fusils. Il faudrait payer quelques maîtres et mettre à disposition suffisament d'argent pour construire des dojos capables d'attirer les jeunes hommes et de les former adéquatement. Un choix onéreux, mais aux résultats sûrs.
Cependant, elle replongerait toute l'élite militaire du pays dans les pensées anciennes et freinerait sans aucun doute la modernisation du pays. Le coeur lourd, le daimyo se décida donc à prendre la seconde voie, qui promettait maints dangers encore inconnus et pourrait s'avérer fatale si elle ne livrait pas les résultats que promettaient sans cesse les gaijins à la cour satsuma. Il fallait cependant encore rassembler pendant de nombreux mois les fonds nécessaires à la construction de casernes en pierre et au recrutement d'officiers occidentaux. Un des Occidentaux les plus notables soutenait déjà depuis la campagne contre les Nobeoka les troupes satsuma. Répondant au nom de Seth Patrick, il avait pour l'instant supervisé les rares tireurs de notre armée. Malgré son penchant très prononcé pour l'alcool de riz, il s'était acquitté de sa tâche avec un certain succès et ses troupes l'adulaient.

L'ishin shishi favori du daimyo l'observait de près, tentant de déceler le moindre manque à la loyauté absolue au clan que l'on exigeait de lui. Et croyez-moi, si quelqu'un est en mesure de remarquer un manque au devoir, c'est bien cet homme-là, d'une dureté sans pareil envers lui-même et tout autre.
En attendant qu'une réforme de l'armée digne de ce nom puisse être implémentée, une cible facile devait être trouvée pour contenter les appétits expansionistes du clan. Cette cible se trouva sous la forme du clan Kokura.
Seul inconvénient: une alliance avec le puissant clan Choshu. L'affaire s'annonçait compliquée, les notables les plus doués en stratégie se cassaient la tête pour trouver une issue à cette impasse. Même une attaque contre les Choshu fut évoquée ...
Et comme souvent quand un problème insurmontable cause des maux des têtes, le voici qui se résoud de lui-même: le refus de commercer avec ce clan mineur a enragé le daimyo adverse. Son alliance avec les Choshu semble lui être montée à la tête, il déclare les hostilités ouvertes. Le daimyo Choshu, un stratège pragmatique, annule tout simplement son alliance et refuse d'entrer en guerre. La tête du daimyo kokura nous est servie sur un plateau d'argent.
Notre armée se trouvant toujours en reconvalescence à Higo, une geisha et notre marine sont envoyés jauger la situation dans le domaine ennemi.
Leur armée ne semble guère en état de tenir la comparaison avec la notre, mais la saison hivernale et la fragilité de nos propres troupes poussent notre daimyo à attendre un peu avant de partir en campagne. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il apprit quelques semaines plus tard que le daimyo des Choshu en personne avait fait volte-face et marchait à la tête d'une armée vers la capitale kokura!
Avec un sang-froid imparable, il avait attendu que son allié incompétent lui donne l'occasion de dissoudre leur traité d'assistance, pour le poignarder aussitôt qu'il aurait le dos tourné. Avec la soumission d'un autre petit clan sur Kyushu, les Choshu contrôlaient désormais trois provinces sur notre île, bordant toutes trois nos frontières. Les teigneux Kokura avaient été pulvérisés en l'espace d'une saison.

La situation stratégique pour les Satsuma s'en trouva fort détestable. Bloqué par un puissant clan sur Kyushu, sans flotte capable d'aller défier les petits îles bordant Kyushu, disposant de trop peu de terres pour opérer une modernisation économique rapide, l'avenir ne s'annonçait pas glorieux. L'option depuis toujours au bas mot téméraire d'une attaque impromptue contre les Choshu était d'autant plus stupide que nous tirions une bonne partie de nos revenus commerciaux de l'exportation de thé vers les provinces Choshu et des taxes d'importation pour le cuivre et le charbon de ces mêmes provinces..