L'abus de quinoa et baies de goji a effectivement fini par miner le moral de la joyeuse communauté. A force de privilégier du vegan 100% bio sans conservateur ni phosphates, sans transformation, en local et circuit-court, le colon de nos derniers roturiers est extrèmement irritable (et manque de pot, ce sont désormais Stratcom et Bartimeus qui raménent le plus d'argent dans le pot commun)
On ne mégote plus et on rajoute des bâtisseurs, et le tandem moulin/boulangerie se met enfin en place...
Des les premières lueurs, Lafrite se met à l'ouvrage pour confectionner de magnifiques baguettes sans gluten
Le fameux débat pain au chocolat/chocolatine, qui secoue toutes les familles de langue d'Oc et de langue d'Oï, divise également fortement la communauté, et les débats ne cessent qu'au bout d'une semaine de luttes furieuses entre les deux camps. Comme il semble impossible de concilier les deux groupes, le bon Seigneur de Marlouf tranche en proposant la dénomination de Farinade de blé à la Cabosse. C'est un jeune apprenti marchand, JF Copé, qui se targue ensuite de les écouler facilement mais le prix d'appel mis en place, de seulement 0.15 écus, amène la boulangerie à la quasi faillite. On renvoie le facheux à ses etudes et on délègue la vente des Farinades de blé à la cabosse à Reborn, un breton au tempérament fougueux qui, bien vite, écoule la marchandise pour un tarif plus adéquat.
Elle est fraîche, ma farinade de blé à la cabosse !
Fort en gueule, Reborn arrive rapidement à rendre incontournable son produit, et c'est grâce à lui que, 7 siècles plus tard, les appelations médiévales "pains au chocolat" et "chocolatines" ont disparu de notre lexique pour être remplacés par l'inusable Farinade de blé à la cabosse. Le lecteur averti aura d'ailleurs reconnu dans un fameux personnage de bande-dessinée le portrait craché de Reborn, dont la mémoire reste ainsi honorée 700 ans plus tard.
D'abord appelé Rebornatix, le nom évolua quelque peu lors de la traduction belgo-française
Un ventre plein dans un corps sain ! Tandis que les articles de boulange commençaient à se repandre dans la ville, le bon Seigneur de Marlouf s'interrogea sur la qualité du travail effectué au sein de son fief.
Or force était de remarquer que nombre d'emplois n'étaient pas encore pourvus, que cela soit par manque de main d'oeuvre ou par jemenfoutisme d'un certain nombre de punks à chien qui préféraient aller pousser la chansonnette dans les montagnes alentours, avant de s'adonner au troc en demandant au choix une piéce de monnaie ou un ticket restaurant ( considérant que le dit-ticket valait à peu près 20 fois la piéce de monnaie, cela confirma le Seigneur de Marlouf dans ses convictions que le niveau en math de ses ouailles variait entre le faible et le passable)
On mit donc en place quelques emplois aidés, afin de motiver certains dans des travaux à l'interêt fort relatif.
Jmlo, rasant sa crête - ce qu'il regretta amérement par la suite - et traversant la rue pour planter son premier boulot
A certains, qui interrogérent le Seigneur de Marlouf sur le fait de payer bien cher un reboisement alors que le village était entouré de 45.000 hectares de forêt, il leur fut répondu : "un homme heureux dans son boulot, ça n'a pas de prix."
A noter, anecdote interessante, que le reboisement s'avéra par la suite contre-productif, car on constata que l'arbre prenait mal. On refit venir l'ancien du village, Griffon, qui après s'être longuement gratté la tête, remarqua que si le boulot était mal fait, c'est certainement car c'était un chêne. On engaga donc d'autres chercheurs d'emploi pour tout redéboiser avant que Jmlo ne puisse enfin planter des pins, plus adaptés à la région.
Le domaine constructible fut également agrandit via un accroisement du fief, en vue d'une extension des zones de dortoirs non-genrés, quand on apprit que les craintes gauloises longtemps oubliées étaient de retour...
Decouverte de la pluie : après le chéne et le pin, le premier marronnier.
De la pluie ! Tandis que l'eau s'abattait sur le fief comme une 11éme plaie d'Egypte, le Seigneur de Marlouf hésitait. Confinement de la communauté ? Couvre-feu à 18h ? Les avis étaient contradictoires, les études incomplétes. De mémoire d'homme, depuis qu'on avait lancé le jeu, il n'avait pas plu... Quelques rations furent ramenées des marchés jusqu'aux greniers, au cas ou un torrent de boue ravagerait le village, puis tout le monde se cloitra chez lui en attendant la fin de l'averse. Seules quelques nymphes riaient encore à l'exterieur, l'eau coulant sur leurs visages naifs, tandis que de l'interieur les plus anciens marmonaient sur l'inconséquence de la jeunesse et glosaient sur cette calamité qui allait tout détruire.
Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon coeur d’une langueur monotone
Il s'avéra que la pluie tomba sans discontinuer pendant 3 mois. Jour, nuit, semaine ou samedi, elle s'infiltrait partout, gelait les corps et paralysait les esprits. C'est Stratcom et Bartimeus, le premier comme bailli et les deux avec leurs besoins de roturiers, qui mirent fin à l'apathie ambiante. Ou étaient les cornes de gazelles confites, les langues d'hippopotames cuites à la graisse d'urus, les ragouts de sanglier à la lotte dans leur bain de miel ? Si on ne les écoutait pas, ils partiraient dans le mois, c'était ainsi, et rejoindraient Aheuc dans des régions "
où on n'allait pas se laisser emmerder par des bonnes femmes " (sic)
Consternation au sein de la communauté devant tant d'individualisme... En s'affirmant comme des mâles blanc hétéros cisgenres roturiers privilégiés, Bartimeus et Stratcom furent aussitôt expulsés des dortoirs communs batis en terre glaise et en chaume, et condamnés à vivre dans de grandes maisons individuelles, tout juste sorties de terre, avec étages privés, escaliers interieurs, cheminées, lits à baldaquin, draps en soie et toits en ardoise.
"Ah tu feras moins le malin dans ta grande maison avec tout confort, tandis que nous on dort en ronflant les uns sur les autres !
Hé, attends, frère, avant de rentrer ... t'as pas une petite piéce, ou un ticket restaurant ?"