Je ne me suis jamais beaucoup intéressé à la Guerre de Sécession. On peut même dire que je ne m’y suis jamais intéressé tout court. Jusqu’à ce que je tombe, un peu par hasard, sur Ultimate General : Civil War. J’avais vaguement entendu parler de son prédécesseur, Ultimate General : Gettysburg qui promettait de retracer avec force de détails une unique bataille, celle de Gettysburg (1863). Mon intérêt relatif tenait au seul fait que l’auteur de ce jeu s’était fait connaître pour ses mods de bonne qualité sur différents opus de la saga Total War et qui visaient principalement à en améliorer l’IA.
Toujours est-il qu’après quelques heures de jeu sur ce Civil War, je suis conquis. Ce jeu apporte un élément stratégique que je n’avais jamais ressenti avec autant de force sur d’autres jeux : celui de la gestion de ses corps d’armées sur toute la durée d’une campagne militaire. Les ressources en hommes et en matériel ne sont pas inépuisables et le résultat de chaque affrontement est reporté sur les batailles à venir. Vaincre à tout prix n’est plus une option. Il faudra parfois choisir d’accepter une défaite pour préserver ses forces et, à chaque assaut, on se crispe en pensant aux hommes qui tomberont… En termes d’émotions c’est très fort.
Après quelques heures d’expérimentations, je décide de relancer une nouvelle campagne, du côté des Etats Confédérés. Non pas que je sois favorable à l’esclavage mais il m’intéresse de voir jusqu’où je pourrai conduire les tuniques grises. Qui sait, peut-être pourrions nous changer le cours de l’histoire ?!
J’incarnerai donc un officier d’origine sudiste, issu d’une lignée de militaire et ayant étudié à la très célèbre académie militaire de West Point, spécialisé en stratégie. Il fait ses premières armes durant la guerre américano-mexicaine à la tête d’une brigade d’infanterie qui aura joué un rôle décisif dans la bataille de Monterrey. Après la guerre, il choisit de rester dans l’armée et en gravit les échelons jusqu’à occuper le poste de brigadier-général de milice de Louisiane. Loin de de la vie civile, de la politique et de l’économie, il s’est consacré durant des années à l’entraînement des troupes.
21 mai 1861
Je viens de recevoir mes ordres. Le corps d’armée placé sous mon commandement doit se mettre en marche aussitôt que possible et faire route vers le nord. Nous devons rallier le fleuve Potomac dans les meilleurs délais et nous emparer d’un fort côtier ainsi que de ses batteries d’artillerie.
D’après nos éléments de reconnaissance, le fort n’est, pour l’heure, que faiblement gardé mais ses défenses devraient être renforcées très bientôt par des hommes en provenance du sud-ouest. Nous devons absolument prendre de vitesse les troupes de l’Union pour éviter une boucherie sur les pentes de Coastal Fort.
J’ordonne immédiatement à la première division de se mettre en route. La deuxième suivra dès que le convoi logistique sera prêt.
Pendant que les hommes s’apprêtent au départ, je me penche sur la carte. Les abords du fort sont dégagés, comme on pouvait s’y attendre. Les quelques exploitations agricoles qui l’entourent sont trop éloignés pour que l’on s’y retranche pendant l’assaut mais elles pourraient servir de point de départ à mon attaque. Tout dépendra des défenses du fort. Si je parviens à prendre de flancs la colonne envoyée renforcer la position, je pourrais aisément encercler Coastal Fort et attaquer les points les plus faibles. En revanche, si les renforts de l’Union parviennent à atteindre le fortin, il me faudra sans doute concentrer mes efforts sur un seul point et arracher la position par la seule force du nombre.
22 mai 1861
10h15
La première division approche du fort par le sud. Le premier obstacle à se dresser sur notre chemin est une petite rivière qui s’écoule d’ouest en est. Je m’inquiète de l’éventuelle présence de tuniques bleues dans les bois de l’autre côté du gué qui rendrait la traversée du cours d’eau périlleuse. Il existe bien un pont de l’autre côté de la bourgade au nord-est mais cette voie n’est pas la plus rapide et si je veux pouvoir couper la route au renforts ennemis, je dois couper au plus court. La première division doit franchir cette rivière.
Je demande au major Hexamer de prendre position avec ses deux cents tirailleurs dans le petit groupe d’habitation qui borde le gué. Il aura pour mission de couvrir la traversée des première et deuxième brigades d’infanterie de Kemper et Sigfried.
J’hésite un instant à envoyer les deux cent-vingt cavaliers du major Crocker en direction du pont nord-est mais décide rapidement de m’en tenir au plan initial. La cavalerie franchira le gué en tête avant de filer vers le nord nord-ouest pour tenter d’intercepter la colonne de renforts adverse.
10h20
Crocker et ses hommes ont franchi la rivière sans difficultés mais à peine ont-ils pris pied sur l’autre berge qu’un groupe de tirailleurs ennemis sort des bois pour s’avancer dans leur direction. Je donne l’ordre à la cavalerie de se replier vers l’ouest jusqu’à une ferme que je baptise « ferme Crocker » tandis que mes tirailleurs ainsi que mes deux brigades d’infanterie prennent position du coté sud de la rivière pour prendre à partie les tirailleurs ennemis.
L’adversaire parvient à décocher une salve en direction de Crocker qui perd quelques hommes dans la manœuvre. Il parvient toutefois à décrocher rapidement et à atteindre le couvert de la ferme. Il réorganise ses hommes et poursuit son mouvement vers le nord. Stopper les renforts de l’Union reste la priorité.
Les tirailleurs ennemis se repositionnent dans les bois bordant la rivière (je les baptise « bois aux tirailleurs ») pour tenter d’en interdire le franchissement. Les brigades d’Hexamer et de Sigfried couvriront les hommes de Kemper qui passeront en force.
10h25
Une estafette envoyée par Crocker m’informe qu’il a repéré deux brigades d’infanterie qui se dirigent vers Coastal Fort. Il s’agirait des deuxième et troisième brigades du régiment Ohio, soit mille à mille deux-cents hommes. Alors que ma cavalerie menace l’arrière de leur colonne, les tuniques bleues prennent position face à Crocker qui juge plus sage de replier sa troupe vers le sud.
Les deux brigades de l’Union se lancent à leur poursuite. Je dois manœuvrer aussi vite que possible pour leur porter assistance et je décide d’ordonner aux hommes de Sigfried de charger à travers de la rivière aux côtés de la brigade de Kemper déjà engagée dans l’eau.
10h32
La cavalerie a regagné nos lignes sans encombre mais les tuniques bleues sont toujours à leurs trousses. J’ordonne à Kemper de se retrancher avec ses hommes dans la ferme Crocker et d’y attendre l’ennemi. Pendant ce temps, Sigfried s’avance vers le nord, au travers du bois aux tirailleurs, à la poursuite des tirailleurs ennemis. J’espère qu’il ne rencontrera pas de difficulté à les repousser. Débarrassé d’eux, je serai libre de manœuvrer sur le flanc gauche des tuniques bleues qui avancent vers le sud, en direction de la ferme Crocker.
La brigade de tirailleurs d’Hexamer passe la rivière à son tour avec pour ordre de venir stationner dans le bois aux tirailleurs, faisant ainsi la liaison entre Kemper et Sigfried.
10h36
Les troupes de l’Union abandonnent la poursuite et se tournent vers l’est pour porter assistance à leurs tirailleurs. Ils traversent une exploitation agricole que je nomme « Ferme Ohio » et s’avancent vers le bois aux tirailleurs.
Je relance ma cavalerie à travers champs pour menacer leurs arrières tandis que les hommes de Kemper se préparent à attaquer de flanc. J’ordonne à Sigfried de cesser de pourchasser les tirailleurs et de manœuvrer à couvert des arbres pour faire face à l’ennemi. Espérons que lui et ses hommes parviendront à encaisser l’assaut des unionistes, plus nombreux.
10h39
Sigfried manœuvre trop lentement et essuie plusieurs salves de dos. Dieu merci le couvert de la forêt lui épargne le pire. L’avait-il prévu ? Craignant que non, j’ai donné l’ordre à Crocker de prendre à revers la brigade qui occupe la ferme Ohio. Le nombre ne joue clairement pas en ma faveur. Les hommes de Kemper et Hexamer font feu de tous bois pour soutenir l’assaut.
10h41
Crocker et ses hommes sont en déroute. Ils fuient vers le nord, couverts par les tirs des hommes de Sigfried. Diables d’incapables !
Je dois rester confiant, les troupes de l’Union sont prises à mon piège et elles ne tiendront pas.
10h44
Je pensais que les officiers de l’Union auraient la jugeote de se retrancher dans la ferme Ohio et de se dissimuler dans les champs mais ils ont préféré charger mes lignes. Courageux… ou simplement stupides.
Hexamer se replie en bon ordre devant l’avancée ennemie, laissant Kemper le couvrir. Sigfried est parvenu à fixer la troisième brigade Ohio dans une rivière. Les tuniques bleues, trop occupées à patauger pour se mettre à l’abri, vont encaisser de terribles pertes.
Crocker, dans sa fuite, a aperçu que le groupe de tirailleurs adverses s’est reformé. Ils vont sans doute tenter de prendre les hommes de Sigfried de flanc.
10h45
Les trois brigades d’infanterie de la deuxième division viennent d’arriver du Sud avec le convoi logistique, soit près de mille huit-cents hommes dont le commandement est assuré par les officiers Birney, Canfield et Allen. Je leur ordonne de se porter vers le nord, vers Coastal Fort.
Kemper force l’ennemi à se replier. Je lui ordonne immédiatement de pousser son avantage et de prendre à revers la troisième brigade Ohio, toujours coincée dans la rivière sous le feu des hommes de Sigfried.
10h49
Le major Kemper me fait dire qu’il a lancé sa brigade à la poursuite du Deuxième Ohio. Sigfried repositionne légèrement ses hommes pour ne pas prêter flanc à un éventuel assaut des tirailleurs ennemis. Par ailleurs, il pourra compter sur le soutien de la troupe d’Hexamer qui remonte vers lui.
Je reçois des nouvelles de Crocker. Ses hommes ont trouvé refuge dans un corps de ferme, au nord des combats. Il reforme les rangs et se tient prêt à suivre les ordres. Sans attendre, je lui fais savoir qu’il doit faire mouvement plein sud dans le but de menacer les tirailleurs ennemis avant que ceux-ci ne s’abattent sur la brigade de Sigfried.
10h54
Les hommes du Deuxième Ohio parviennent à se dégager et fuient vers le sud-ouest, la troupe de Kemper sur les talons.
Les tirailleurs adverses sont parvenus à tendre une embuscade à ma cavalerie dans les bois. Sale journée pour Crocker et ses hommes…
11h09
Le Troisième Ohio se replie à travers champs, sous le feu des tirailleurs d’Hexamer. La brigade de Sigfried se redéploye vers la dernière position connue des tirailleurs ennemis tandis que Crocker se replie dans le désordre vers le nord-ouest.
Les trois brigades d’infanterie de la deuxième division ont franchi la rivière et font mouvement vers Coastal Fort.
11h14
Le Troisième Ohio fait volte-face et charge les tirailleurs d’Hexamer. Ces derniers se replient en bon ordre pendant que je demande à Crocker et ce qui lui reste de cavaliers de lancer un assaut sur les arrières des tuniques bleues.
11h20
La manœuvre est un succès. Le Troisième Ohio rend les armes. Crocker rassemble les quelques deux-cent-cinquante prisonniers et Hexamer avance ses hommes vers l’ouest, afin d’intercepter les tirailleurs de l’Union qui pourchassaient ma cavalerie et qui, à présent, risquent de pousser vers le sud jusqu’à menacer les flancs de Kemper, toujours aux prises avec les survivants du Deuxième Ohio.
11h35
La brigade de Sigfried fait maintenant route vers Fort Coastal qui est pratiquement encerclé par les hommes de la deuxième division. Les cavaliers de Crocker sont définitivement hors de combat et les bois de l’ouest sont maintenant le théâtre d’un affrontement sanglant entre les tirailleurs sudistes et nordistes. L’avantage du nombre et de notre côté et Hexamer s’est, jusqu’ici, montré parfaitement capable. Je ne m’inquiète donc pas de l’issue du combat.
Plus au sud, Kemper m’informe qu’il devrait bientôt parvenir à réduire la dernière poche de résistance formée par le Deuxième Ohio.
11h36
Les derniers survivants du Deuxième Ohio rompent définitivement les rangs et s’enfuient. Ces hommes ont fait preuve d’un rare courage aujourd’hui et je ne peux que remercier le ciel que leurs officiers se soient montrés si médiocres.
Canfield fait stationner sa troupe près de l’église Bellevue dont le clocher offre un excellent panorama du champ de bataille. Toutes mes brigades font désormais route vers Coastal Fort, à l’exception de mes tirailleurs. Hexamer a repoussé l’adversaire hors du bois et continue de maintenir sur lui une forte pression. Ils ne tiendront pas longtemps.
Alors que débute les préparatifs de l’assaut sur Coastal Fort, je demande à mes subordonnés un rapport complet sur les pertes, les nôtres et celle des nordistes.
La brigade Sigfried a perdu quatre-vingt-douze (92) hommes et mis hors de combat cent-soixante-trois (163) nordistes.
La brigade Kemper a perdu quatre-vingt-dix-neuf (99) hommes et mis hors de combat trois-cent-quatre-vingt-dix-sept nordistes (397).
La brigade Hexamer a perdu treize (13) hommes et mis hors de combat trois-cent-quatre nordiste (304).
Crocker et ses cavaliers sont totalement hors de combat, ce qui représente tout de même plus de deux-cent-hommes avec montures. Leur action sur le champ de bataille a cependant été essentielle, elle aura permis de détourner les deuxième et troisième brigades de l’Ohio de Fort Coastal.
Mon erreur aura été d’ordonner une charge sur l’arrière des unionistes retranchée dans la ferme Ohio. J’espérais harceler l’adversaire et non pas voir ma cavalerie mener une attaque suicidaire…
D’une manière générale, les hommes de la première division auront fait preuve de discipline et de courage. Le moral est excellent mais les hommes sont épuisés. Les brigades de Kemper et Hexamer commencent à manquer de munitions.
La suite des opérations reposera essentiellement sur les trois brigades de la deuxième division qui n’ont pas encore vu le feu, la première passe en réserve.
11h41
La brigade Allen a rejoint l’exploitation agricole à l’ouest de Coastal Fort. Lui et ses hommes ont à peine le temps de s’y abriter que les batteries d’artillerie du fort les prennent à parti. J’ordonne un repli stratégique depuis la « ferme de la canardière » au travers des champs et jusqu’à la lisière de la forêt, à l’ouest. Inutile d’exposer les hommes avant l’assaut.
11h50
Hexamer m’annonce que les tirailleurs ennemis sont définitivement hors de combat et qu’il fait maintenant marche vers Coastal Fort pour rejoindre le reste du corps d’armée.
12h20
Les première et deuxième divisions sont en position autour de Coastal Fort. J’aurais aimé pouvoir accorder du repos au hommes de la première mais l’état-major a été clair : le fort doit être entre nos mains avant le milieu de l’après-midi. La deuxième division mènera l’assaut et, si tout se présente bien, les mille-huit-cents hommes des trois brigades suffiront à la tâche. Ce n’est qu’en cas de résistance imprévue que je me résignerai à exiger un dernier effort des hommes de la première.
Allen mènera ses hommes depuis l’ouest, par la ferme de la canardière, Canfield depuis le sud-est et l’église de Bellevue tandis que Birney attaquera à partir des bois du sud.
12h24
L’artillerie du fort entame un tir de barrage en direction de la brigade de Canfield.
12h25
Les hommes de Birney sont pris pour cible à leur tour.
12h26
Canfield m’informe qu’il a repéré des éléments du Premier Ohio sur les fortification, côté ouest.
12h28
Deux groupes de tirailleurs embusqués sur la palissade sud font feu sur Canfield et ses hommes. Je m’attendais à une résistance moins nombreuse et décide de faire avancer la brigade Sigfried jusqu’à la ferme du mi-chemin d’où elle se tiendra prête à soutenir l’assaut de Canfield.
12h30
Canfield, sous un feu nourri, se lance à l’assaut des fortifications à la tête de sa troupe. Je fais donner l’ordre à Birney et Allen de presser le pas.
12h36
Canfield et Birney ont pris pied dans Coastal Fort. Les tirailleurs ennemis se replient. Je concentre le feu sur le Premier Ohio. Allen commande une charge depuis le pied du talus et une furieuse mêlée s’engage. Sur mes ordres, Sigfried ne fait pas halte à la ferme de mi-chemin et poursuit vers le fort.
12h43
Les canons nordistes projettent de la mitraille dans les rangs serrés de mes hommes. J’apprends que Canfield est gravement blessé. La deuxième division essuie des pertes sévères. Le coup est rude pour le moral. Il faut prendre ce fort au plus vite.
12h50
Les hommes de Birney essuient une charge désespérée des hommes du Premier Ohio et rompent les rangs. Les tuniques bleues profitent de la situation pour fuir le fort en direction du sud. J’ordonne immédiatement à Kemper et Hexamer de manœuvrer pour les intercepter. Ils quittent leurs positions aux alentours de l’église de Bellevue pour marcher vers les bois du sud.
Dans le fort, les hommes de Canfield ne lâchent rien et engagent l’ennemi à la baïonnette, couverts par les tirs des brigades Allen et Sigfried.
12h56
Les survivants de la brigade Canfield se retirent, épuisés et démoralisés. Les hommes d’Allen et Sigfried devront terminer de nettoyer le fort. Entre Bellevue et la ferme du mi-chemin, Birney est parvenu à reformer les rangs. Il manœuvre maintenant en direction du fort, bien qu’il ne soit pas certain qu’il puisse arriver à temps pour soutenir l’ultime assaut.
13h00
Les fuyards du Premier Ohio semblent reprendre courage mais sont rapidement accrochés par les tirailleurs d’Hexamer.
Allen et Sigfried sont maintenant aux prises avec les servants des batteries d’artillerie et les derniers tirailleurs.
13h10
Enfin, les derniers défenseurs jettent les armes tandis que les survivants du Premier Ohio fuient sous les tirs de la compagnie d’Hexamer.
Coastal Fort est tombé.
La deuxième brigade aura payé un lourd tribut à Coastal Fort. Au moins six-cents hommes sont hors de combat… cependant, considérant que le fort comptait une garnison d’environ sept-cents à huit-cents hommes et huit canons, ce résultat n’est pas catastrophique.