Messieurs,
la société du bon goût et des moustaches élégamment pommadées nous invite ce soir pour vous présenter le nouveau projet phare de l'humanité. Comme vous le savez, les malodorants, fainéants, et édentés ont tenté d'usurper le pouvoir de leurs sales mains voici deux ans, durant cette année damnée de 1848. Notre fier et grand empereur, François-Joseph (loué soit-il), a dû recourir à l'aide du Tsar pour chasser les pouilleux et rétablir le juste ordre dans nos provinces.
Il serait abject qu'un évènement pareil se reproduise. Je vous demande donc, Messieurs, illustre gratin médaillé de ce pays, d'oeuvrer avec moi, Gaspar de Vonasien y Pimentel Ribera y Benzo de Tovar, comte-duc d'Olivares parfaitement légitime et à la lignée immaculée, injustement chassé des terres d'Espagne, pour rétablir la gloire de ce pays et de renouer avec la tradition habsbourgeoise telle que l'Europe la connut avant les funestes mutineries françaises et la paillardise qui s'ensuivit.
*applaudissements*
Merci, merci. Je vous invite à pincer le bout de votre moustache tout en clignant lentement d'un regard doucereux, en signe d'acquiescement et de confirmation de la supériorité intellectuelle indéniable de ce cercle d'élus de la providence.
*la salle pince et cligne*
Merci encore à vous pour votre confiance, qui est fort bien placée en ma modeste personne. Donc, nous cherchons la crème des palais, vigoureusement fouettée en nos légendaires académies, et apprêtée avec grâce pour tenir tête aux défis que nos immondes adversaires ne tarderont pas à jeter à l'encontre de nos nobles toupets. Je tiens à vous présenter nos divers domaines d'activités, et ferai appel aux volontaires aussi téméraires que virilement décidés à changer le cours de l'histoire sur ces sujets précis.
Premièrement, il me faut un expert dans les arcanes de l'économie. Oui, messire? Bravo! Vous avez lu les sections concernées dans l'ouvrage universel expliquant les rouages de ce monde, le fameux "Manuel de la Gloire des Nations" du baron Paradopoküs? Non? Tant pis, essayons de faire quelque chose d'utile, que dis-je, de sublime! Car l'Empire d'Autriche est sublime, n'est-il-pas?
Bon, il n'y a pas des masses de chemin de fer, mais passons. Voici donc une belle économie, qui nécessite quelques ajustements cependant, car nous ne sommes pas optimates pour rien! Bien bien, alors voilà, il y a un peu trop de produits agricoles en ce pays, pas assez d'alcool, de munitions, de café ...
L'alcool n'est pas un problème, les munitions sont a priori impossibles à importer, tant pis pour nos gaillards bottés, et le café, fichtre, impossible d'en importer! Ça c'est un problème sévère, vous ne voyez pas notre salon travailler sans cette brute et vitalisante boisson, exquisitement orientale? La source de ce petit nuage de mauvaise humeur vient de navires marchands manquants en Colombie, ou au Brésil. Point de transport possible sans voile dignement autrichienne dans ce secteur.
Comment remédier à celà? Il faudra consulter l'oeuvre millénaire du baron. Entretemps, puisons dans les stocks, et, pfiou, il est temps d'aller fumer un cigare en bonne compagnie, car c'est une tâche épuisante que de contempler tous ces chiffres.