L'Allemagne au desespoiAAR

gladiatt
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L'Allemagne au desespoiAAR

Message par gladiatt »

Il fait froid. Le vent glacial souffle et mord les chairs exposées en ce matin de printemps, à tel point que l'on croirait l'hiver mener un dernier combat retardateur pour ne pas céder la place. Le ciel bas et gris diffuse une lumière blafarde et morose, qui n'est pas apte à alléger l'humeur des hommes qui se pressent vers le Pražský hrad.

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Mathias Von Thurn, engoncé dans ses pelisses et ses fourrures, ne sent pas la bise glacée: le sang lui bat les tempes, ses muscles sont échauffés par la marche vive qu'il impose à sa petite troupe. Ils sont plus d'une cinquantaine à le suivre d'un pas rapide qui essouffle les moins jeunes et les moins athlétiques de ses comparses, pourtant il ne lui vient pas à l'idée de ralentir. La colère et la détermination guident son pas et rythment sa démarche.

Lui, Mathias von Thurn, comte de Thurn, burgrave de Karlštejn, n'est plus un fidèle de l'empereur Rodolphe II de Habsbourg. Trop longtemps ses coreligionnaires protestants ont soufferts de la discrimination des rois catholiques et de la couronne Impériale.
Les démarches pour obtenir la reconnaissance de leur particularisme, le droit à pratiquer leur foi, le respect de leurs coutumes ont toutes échouées. La lettre de remontrance, dernière tentative de conciliation, envoyé à son altesse royale, est restée sans réponse: un affront qui bafoue son honneur et celui de ses pairs.

Mathias von Thurn:

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Devant lui, la masse gigantesque du Pražský hrad, l'immense château royal de Prague, domine la vieille ville et le pont sur la Vltava . Les eaux grises et boueuses du cours d'eau bouillonnent autour des piles de pierre du pont qui relie vieille ville et ville nouvelle, et reflètent le gris morne du ciel triste qui assombrit ce jour.

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L'ensemble massif du château n'a rien perdu de sa superbe, les ans semblants n'avoir aucune prise sur lui, et il trône au sommet de la colline de Hradcany. Des murs épais, dont émergent les tours de l’église édifié par Venceslas, émane une puissance ancestrale, puissance qui abritait le premier fief des Premyslides, la dynastie originelle de Bohême, installée ici vers l'an mil. Cette masse de pierre ne laisse pas indifférent le visiteur.

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Les murs du palais :

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Les gouverneurs du pouvoir Habsbug s'y trouvent, venus pour soumettre à leur botte la noblesse tchèque. Quelle erreur d'imaginer ces fiers aristocrates ployer sous la morgue Habsburg. La petite noblesse de Bohême est une société vigoureuse, qui a acquis ses lettres de noblesses et ses habitudes belliqueuses dans les combats immémoriaux contres les Turcs Ottomans. Croire que l'on peut la mater aisément est une bévue que Thurn compte bien faire payer à l'empereur et ses sbires.

La grille du château n'est gardé que par quelques sentinelles. Thurn est attendu. Derrière lui, Andreas Schlick , Venceslas de Ruppa, et tant d'autres se bousculent. Thurn est attendu, mais pas avec une délégation aussi importante. Les sentinelles hésitent. La masse d'hommes qui suit Thurn les saisie, les maitrise. On s'empare de leurs arquebuses et de leurs piques. De sous les manteaux sortent des gourdins, des poignards, quelques pistolets à rouets.
Décidé, le burgrave de Karlštejn pénètre dans la cour du château, la délégation musclée sur les talons. Un bref coup d’œil à la cathédrale Saint Vitus. Il n'a guère le temps de s'attarder à l'admirer. Il sait qu'à l'intérieur on trouve des vitraux qui n'ont rien à envier à l'Europe de l'ouest, presque aussi beaux que ceux de la Sainte Chapelle de Paris. Mais Thurn n'est pas là pour ça.

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Le voila à l'entrée du château. Il hèle les gardes transis en train de battre le pavé en espérant se réchauffer, tandis qu'un panache de buée se forme devant sa bouche, pénètre dans le bâtiment. Encore une fois, dépassés par le nombre, surpris de la vindicte des visiteurs, hésitants, les gardes sont maitrisés, quelque peu molestés. Dans les couloirs et les coursives, les partisans de Thurn se répandent en courant, prenant position sur quelques points clefs de l'édifice.

En quelques enjambées énergiques et furieuses, semant presque ses comparses, Thurn se retrouve à l'étage noble. Et se présente en personne devant les représentants du roi de Bohème, Jaroslav Borsita von Martinic, Ladislas von Sternberg, Diepold von Lobkowitz, et Wilhelm Slavata.
Les officiels autrichiens restent interdits devant le nombre d'hommes qui accompagnent Thurn. Ce n'est plus une délégation, c'est un parti armée. Poignards et pistolets sortent de sous les manteaux, sont exhibés sous le nez des soldats impériaux, tenus en respect.

Une salle voutée du palais :

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Martinic voudrait protester, mais Thurn lui coupe la parole. Il ne s'agit plus d'une délégation, et ce qui s'en suit n'est pas une conversation à batons rompus. La réclamation a pris fin lorsque les nobles tchèques sont entrés en force dans l'enceinte du château. Désormais il s'agit d'un véritable tribunal. L'on coupe la parole aux représentants de Rodolphe, on leur interdit toute argumentation pour se justifier. La morgue et le mépris affiché depuis des semaines se paye ici et maintenant. Thurn écume, enrage, tonne, gronde. Les impériaux n'en mènent pas large, tenus en respect par ces insurgés armés et colériques.


Martinic pourtant fait preuve d'audace, cherche à contester, à rappeler l'autorité divine et indiscutable de son souverain. C'en est trop.

- "ASSEZ ", tonne Thurn ! Vous n'avez cessez de bafouer nos droits édictés dans la lettre de Majesté, contraints nos sujets à renier leur foi, contre leur volonté, et les inculpant pour cette raison !
Thurn se tourne vers ses suivants, clame haut et fort : " Que nous gardions ces hommes vivants, et nous perdrons nos droits, notre foi; car il ne peut y avoir de justice de la part de ces hommes là !"

Dans la grande galerie où se déroule l'altercation, Thurn et Schlik avisent les grandes baies vitrées. Ils se rappellent tous les deux cet épisode, près de deux siècles plus tôt, ou les Praguois révoltés jetèrent par la fenêtre les échevins catholiques qui prétendaient faire abjurer leur foi aux Hussites.

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Alors, le sang bout et ne fait qu'un tour dans les veines de Mathias von Thurn.
"Saisissez les ! Ouvrez moi ces foutus fenêtres !"
Les gouverneurs hurlent, crient, supplient, se laissent choir au sol pour échapper à leurs gardiens, vocifèrent, menacent. Rien n'y fait, les insurgés, survoltés, les empoignent, les poussent vers les fenêtres. Alors que les battants s'ouvrent, le froid s'engouffre dans la pièce, pourtant bien incapable de refroidir les ardeurs des insurgés.
Qui précipitent vers le vide leur première victime, Martinic. Un cri de peur "Marie !".
A son tour, Slavata est poussé vers l'abime. Il agrippe ses doigts aux rebords de la fenêtre, se débat, proteste. Mais ses bourreaux sont trop nombreux, trop déterminés. On le meurtri de coups, on frappe ses doigts, on pousse sur ses coudes pour faire lâcher ses bras. Il lâche prise, entrainé dans le vide.
La divine mère de Jesus a entendu l'appel de ses fidèles. Car il n'y a qu'un étage sous les fenêtres de la galerie qui surplombe une petite cour annexe, à proximité des écuries. La miséricorde divine prend des chemins parfois détournés, en l’occurrence la forme d'un tas de fumier entreposé au pied des fenêtres. Martinic, puis à sa suite Slavata, choient dans cet inespéré matelas.

Martinic, le premier à chuter, se redresse tant bien que mal. La chute, en dépit du fumier salvateur, n'a pas été sans horions; les coups reçus n'ont rien arrangés. Il reprend ses esprits, lorsque Slavata tombe à coté de lui. Une tête apparait alors à la fenêtre d'où ils ont étés malproprement jetés. Un cri fuse: "ils sont vivants !" Avec rage, un pistolet est brandi par l'embrasure de la fenêtre, un coup détonne dans l'air glacial, et vient claquer contre les pavés de la cour.
Alors, mus par un réflexe de survie, boitillants, claudicants, meurtris et honteux, les deux gouverneurs prennent leurs jambes à leur coups et détalent sans demander leur reste.

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Les dès en sont jetés. Mathias von Thurn le savait, désirait cette rupture, mais maintenant que le point de non retour est franchi, il ne peut réprimer un frisson d'angoisse à l'idée de la suite des événements. Se doute t'il que son geste va embraser l'ensemble du monde germanique, et au delà, pour 3 longues décennies ?


Ce 23 mai 1618 allait mettre le feu aux poudres à l'ensemble de l'Europe. Depuis les confins occidentaux de la Lorraine, jusqu'aux plaines hongroises ou aux landes de Poméranie, les armées et les hommes allaient s'entredéchirer.

SITUATION GENERALE

Ferdinand II, le nouveau roi de Bohème, élu en 1617 roi de Bohème, hérite d'une situation politique peu enviable au sein du Saint Empire Romain Germanique.
Cette mosaïque d'états, de principauté laïques ou ecclésiastiques de diverses tailles, est divisée profondément.
L'autorité de l'Empereur ne s'y exerce que si le monarque en place fait preuve de poigne.
Depuis 1617, Ferdinand a été élu Empereur par les grands électeurs, le désignant du vivant de son prédécesseur, son cousin Mathias, agonisant et n'ayant aucun descendant.

Un siècle plus tôt, le moine Luther avait semé les germes de la discorde. Les theses développées par ce dernier contestaient l'autorité d'une Eglise profondément corrompue, et partant de là, de l'ensemble des princes du siècle.
La Reforme s'était propagée rapidement dans le monde germanique. De nombreux princes adoptèrent le Protestantisme. Ces choix ne révélaient pas uniquement d'une remise en cause de la foi et des croyances.
De basses considérations politiques entraient en jeu: opter pour le Protestantisme, c'était s'affranchir de l'autorité de Rome et de son bras armé, le pouvoir séculier de l'Empire.

Des conflits et des batailles s'ensuivirent. En 1555 la ligue d'Augsbourg stipula que les princes allemands étaient libres de choisir la confession de leur choix, leurs sujets n'ayant qu'a se soumettre "Cujus regio, ejus religio".
Les dignitaires de l'Église catholique (évêques et archevêques) qui s'étaient convertis au luthérianisme durent abandonner leurs domaines fonciers.


Pensant pouvoir restaurer le catholicisme dans un royaume où l'on trouvait de nombreux protestants, le roi de Boheme Mathias provoqua une rébellion chez les nobles de Bohême. Le 5 mars 1618, après que la Ligue catholique eut fait fermer un temple à Braunau et qu'elle eut fait raser une église dissidente édifiée sur les terres de l'archevêché à Hrob, les nobles s'assemblèrent et adressèrent à Matthias une lettre de remontrances ; pour toute réponse, le monarque fit interdire le parlement.

Le 21 mai 1618, les princes rebelles se réunirent au Carolinum de Prague. L'assemblée, d'abord paisible, tourna au tumulte après le discours de Heinrich Matthias von Thurn, comte protestant de Boheme, qui n'admettait pas que le vieux monarque leur batte froid de la sorte.

Deux jours plus tard, sous l'impulsion de Mathis von Thurn, la quasi totalité des dirigeants Tcheques se range derriere lui, biens décidés à rejeter l'autorité étouffante de l'Empereur. C'est la défenestration de Prague.


Mais cet acte de lèse majesté ne pouvait être toléré par Ferdinand. De leur coté, les ligueurs savaient qu'ils avaient franchis le Rubicond. Ils ne pouvaient plus faire marche arrière, et ils désignèrent Frederic V du Palatinat (donc grand élécteur) comme leur roi. Von Thurn pris la tête des armées de Bohème.

S’appuyant sur la Sainte Ligue et sur son cousin Philippe III d'Espagne, Ferdinand II se mit en devoir pour sa part de mater la révolte tchèque et d’éliminer son rival Frédéric V.

La conflagration vient d'éclater. Elle va durer trente ans, faire des millions de morts, dépeupler l'Allemagne du tiers de ses habitants, briser les vieilles alliances, ruiner les économies, bouleverser les équilibres politiques et militaires, et révéler le meilleur, et surtout le pire, des individus, modestes ou célèbres, qui vont y participer de près ou de loin.
Modifié en dernier par gladiatt le lun. mars 02, 2015 9:18 am, modifié 2 fois.
Un AAR Thirty Year War romancé :

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Une histoire de Britannia :

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griffon
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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par griffon »

une première ici ! :ok:

Gryphon antipapiste .
SOL INVICTVS

Au printemps, je vais quelquefois m'asseoir à la lisière d'un champ fleuri.
Lorsqu'une belle jeune fille m'apporte une coupe de vin , je ne pense guère à mon salut.
Si j'avais cette préoccupation, je vaudrais moins qu'un chien

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DarthMath
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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par DarthMath »

GMT ? :signal:
"You know, in this world, there's two kinds of people, my friend. Those who have a loaded gun, and those who dig in. You dig in ..."
"If you work for a living, why do you kill yourself working ?"

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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par GA_Thrawn »

Thirty years war?
J'en garde un bon souvenir :)
« Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. »
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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par gladiatt »

DarthMath a écrit :GMT ? :signal:
oui :D
GA_Thrawn a écrit :Thirty years war?
J'en garde un bon souvenir :)
C'est cela.

Je vous demande par ailleurs d'être indulgent: cette partie, encore en cours, est joué à la maison.
En effet, les belligérants sont monsieur....et madame Gladiatt :mrgreen:

Les photos n'étant ni nombreuses ni parfaites, cet AAR est plutôt un exercice littéraire ou artistique.

J'espère qu'il vous plaira.
Un AAR Thirty Year War romancé :

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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par gladiatt »

ENGRENAGE


Cette révolte en Bohême suscite vite des réactions. De l'ensemble des cours d'Europe s'élèvent des voies, qui pour la répression la plus sévère, qui pour le pardon, voir l'indépendance. La Moravie, la Silésie, la Lusace se rangent aisément du coté des Tcheques de Bohême.

Hormis le comte Thurn, à la tête des bandes armées tchèques, le camp protestant pouvait compter sur un autre chef de guerre, d'une autre trempe celui là.


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Ernst von Mansfeld est né bâtard du gouverneur du Luxembourg et de Bruxelles pour le compte des Habsbourg.
Rien ne destinait ce quadragénaire à embrasser la cause protestante, hormis son ambition qui ne s'attachait à aucune cause religieuse. Ernst avait été élevé dans la foi catholique.
Il fit carrière dans les armes, au service des Habsbourgs. Ses états de service signalés lui permirent d'obtenir de l'empereur Rodolphe II sa légitimation, remédiant ainsi à la bâtardise qui entachait sa réputation.
Cependant, une promesse non tenue de l'empereur, le privant de l'héritage de son père aux Pays-Bas, le fit basculer dans le camp opposé aux Habsbourgs.
Il ne fallu guère de temps aux révoltés de tout bord pour persuader Mansfeld de tout le profit qu'il pourrait tirer à se ranger dans leur camp, indubitablement celui des vainqueurs. Subsides et flatteries firent leur effet. Ernst von Mansfled attira alors à lui d'anciens officiers qui servirent dans les mêmes armées que lui, mais aussi des aventuriers, des déracinés. 10000 hommes se rangeaient derrière lui à Pilsen.

TOUR 1 - 1620-1621

A la périphérie de l'Empire, les puissances situées autour de la baltique voient survenir les troubles en Bohême avec intérêt. Suede ou Danemark aimeraient rogner sur les terres de l'Empire. Défendre leurs coreligionnaires protestants est l'occasion rêver d'affaiblir la puissance de l'Empire.

Roi de Danemark depuis 32 ans, Kristian IV est un quadragénaire énergique, cultivé, raffiné. Duc de Schleswig-Holstein, il est vassal de l'Empire pour ce duché, et rêve d'étendre son emprise sur les villes de la Hanse. Amoindrir l'autorité du Saint Empire assurerait une emprise nette sur ses futurs gains territoriaux. La paix de Kalmar l'a laissé les coudées franches vis à vis de son rival suédois.
Aiguillonné par la diplomatie française et quelques aides financières de son beau-frère le roi d'Angleterre, le voila qui se range au coté du parti protestant, et entre en guerre.

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L'armée danoise arrive :

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La statue de Kristian IV à Kristiansend :

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Du point de vue catholique, et en dépit de l'entrée en guerre du Danemark, la situation n'est pas encore critique. Cependant, Vienne et l'Empereur optent pour la prudence. Car à quelques jours de marche seulement, Bethlen Gabor tient en respect les forces impériales.

Bethlen Gabor. Suite à une sombre rivalité, le prince de Transylvanie Gabriel Bathory a provoqué l’insurrection de Gabor. Appuyé par les Ottomans, celui-ci s'empare du pouvoir en 1613, au grand dam de l'Empereur Germanique Mathias.
A force d'efforts diplomatique, Mathias, qui finit par reconnaitre Gabor comme prince de Transylvanie en 1615, se rapproche de lui, lui offrant une alliance secrète contre les Turcs.
Pourtant, au vu du soulèvement de Prague et de la Bohême, l'ambition de Gabor se réveille. Il lève une armée et se saisit en quelques semaines de l'essentiel de la Hongrie. Il a même l'insolence de faire de Presburg (actuelle Bratislava) sa capitale, pour ainsi dire sous le nez de la cour de Vienne ( à 60 kilomètres de là).

Protégeant la capitale Habsbourg, une solide armée de vétérans tient en respect Gabor. A sa tête, Charles Bonaventure de Longueval, comte de Bucquoy. Ce wallon quinquagénaire est un soldat expérimenté, mais précautionneux à l’extrême. Il a par ailleurs l'instruction de préserver au mieux les précieuses unités de vétéran de l'Empire, impossible à compléter en cas de pertes.

Aussi, pour la cour de Vienne, n'est-il pas encore l'heure d'entrer en campagne. Des lettres patentes sont délivrées à quelques officiers fidèles, qui seconderont Bucquoy. On veillera à leur recruter des effectifs dès que possible.

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Richelieu

En France, le jeune roi Louis XIII est longtemps resté dominé par sa mère, l’irascible Marie de Medicis. Celle-ci, autrichienne par sa mère, et sa belle fille infante d'Espagne, est la tête de file du parti dévot à la cour de France, et en impose à son fils.
Dans son entourage, un jeune homme, Armand Jean du Plessy, 4e fils de François du Plessy, seigneur de Richelieu. Issu d'une vieille noblesse de robe et d'épée poitevine, le jeune homme entre dans les ordres afin de préserver à sa famille les bénéfices de l’évêché de Luçon.
C'est sur recommandation du cardinal de Perron que le jeune homme (il a trente-et-un an en 1616) entre au service de Marie de Medicis. Il entre le 25 novembre 1616 au conseil du roi comme ministre des affaires étrangères. Cependant, ce service le rapproche de Concino Concini, Maréchal d'Ancre, aventurier qui en devenant favori de la reine mère, parvint a devenir incontournable à la cour, au grand déplaisir de nombre de nobles. Frustré, brimé, humilié, Louis XIII, en accord avec le duc de Luynes, finit par faire assassiner Concini le 24 avril 1617.

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La disparition du Maréchal d'Ancre entraine aussitôt la disgrâce de la reine mère et de son entourage, dont Richelieu.
Cependant, ne tolérant pas sa mise à l'écart par son fils, Marie de Medicis s'échappe de Blois le 22 fevrier 1619. Luynes fit alors appel à Richelieu, qui avait pris ses distance avec Marie, pour négocier un accord entre la mere et le fils. Habile négociateur, Richelieu fit conclure le traité d'Angoulème le 30 avril 1619.

La réconciliation de la mère et du fils, de Rubens, 1622-25

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Rapproché de la reine, Richelieu obtint de celle-ci le cardinalat auprès du pape Paul V ( NB: IRL ce fut auprès de Gregoire XV, le successeur de Paul V, mais vous allez voire que ce n'est pas possible ;) ).
Revenu en grâce auprès du roi, et membre de son conseil, Richelieu suggérait à Louis XIII, face aux événements qui agitaient l'Allemagne, de soutenir les protestants allemands pour lutter contre l'hégémonie Habsbourg. Marie de Médicis, toujours fidèle au dogme catholique, prônant la suprématie Habsbourg pour défendre la foi, l'entendait mal.
De plus en plus défiante vis à vis du cardinal de Richelieu, considéré comme le pire des ingrats, Marie demande à plusieurs reprise au roi son fils de le renvoyer.
A l'hiver 1620 (1630 IRL), au palais du Luxembourg, lors d'un conseil restreint du roi, Marie de Medicis laisse libre cours à sa haine contre le Cardinal. Choqué, Louis XIII interrompt le conseil sans un mot. Le lendemain, le roi annule le conseil de la journée, désireux de réconcilier sa mère et son ministre. Mais Marie, vindicative, reprend sa diatribe de la veille, plus durement encore, jurant et insultant (en italien !), exigeant de son fils l'éviction de Richelieu. " Préférez vous un laquais à votre propre mère" hurle-t-elle ?
Le réservé Louis XIII n'en peut plus, et sans même répondre, quitte Paris pour son modeste relais de chasse de Versailles.
A ce moment là, Marie et ses partisans ne se sentent plus de joie, persuadée de la chute imminente du cardinal-ministre.
De son coté, Richelieu, qui s’apprête à sa déchéance, finit par se rendre, sur le conseil de quelques fidèles du roi, auprès de celui-ci à Versailles. Il y est accueilli avec sympathie par un Louis détendu et aimable. Le roi repousse une proposition de démission du cardinal, et lui déclare "Je suis plus attaché à mon Etat qu'à ma mère". Pour réservé qu'il est, le roi n'en est pas moins fin politique et très déterminé. Dès le lendemain, les favoris de Marie de Medicis sont arrêtés, et la reine recluse en ses appartements.

C'est Guillaume Bautru, comte de Serrant, qui prononce alors une phrase promise à la postérité: " c'est la journée des dupes".

Désormais libre de ses choix politiques, débarrassé de ses plus virulents opposants, Richelieu engage délibérément une politique de soutien au parti protestant d'Allemagne, y consacrant une large partie des revenus de la France.

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Richelieu par Philippe de Champaigne :

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Alors que les rangs ennemis gonflent, le parti catholique fourbissait ses armes de son coté. Afin de faire face à toutes les menaces, il fallait accroitre au plus vite les effectifs des armées impériales. Les efforts de Buquoy et de Charles de Lorraine ne furent pas des plus efficaces pour recruter des troupes de basse qualité et se limitaient à quelques régiment dépareillés. ( + 1 milice et une demi-milice à Vienne).

Alors même que le parti catholique cherchait à se renforcer, son plus fervent soutien vacillait. Paul V rejoignait son créateur.


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La curie était divisée, indécise. Nombre d'affaires retenaient l'attention des prélats, et le conclave qui débutait semblait s'orienter vers un choix par défaut. L'habitude tacite dans ce cas était de faire élire un pape agé, en fin de vie, et peu rattaché aux factions en rivalité à la curie. C'est dans cette ambiance de manque de résolution que Alessandro Ludovini, 66 ans et notoirement malade, fut propulsé sur le trone de Saint Pierre le 9 février 1621. Gregoire XV était peut être décidé à soutenir la Ligue catholique de Maximilien Ier de Bavière, mais dans le tumulte de son élection, il fut impossible de maintenir un flot régulier d'argent frais à destination des catholiques d'Allemagne.

Les déboires de tous ordres s'accumulaient pour le parti catholique. Il fallait réagir. L'occasion en fut donné avec la déclaration de guerre à l'Angleterre par l'Espagne. Contrarié par l'appui de Jacques Ier à son beau-fils Ferdinand V, électeur Palatin et roi de Bohême choisi par les révoltés de Prague, l'Espagne voulu contraindre Jacques Ier a renier cet appui. L'Espagne de Philippe III tablait sur une situation intérieure tendue au sein du royaume d'Angleterre. Troubles religieux et politiques minaient peu ou prou l'autorité de Jacques Ier. Dans cette situation, il n'était plus question de soutenir financièrement le parti protestant en Allemagne.

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on lit mal le marqueur, désolé :oops:

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Menacé sur son flanc oriental par les indépendantistes hongrois du prince Gabor, l'Empire est en revanche protégé à l'occident par l'armée de Spinola stationné à Bruxelles. Ce militaire génois est un fidèle soldat de Philippe III, depuis qu'il contracta une condotta (un contrat) pour recruter et mener 1000 hommes contre les Néerlandais révoltés aux Pays Bas. Grand adversaire de Maurice de Nassau, il devient réputé pour son habileté à conduire des sièges. Ses succès le propulsent à la tête des armées Espagnoles.
Requis pour garder les abords des Pays Bas, Spinola ne pouvait guerre manœuvrer que le long de la vallée du Rhin. C'était cependant bien suffisant pour en assurer la garde.

Ambrogio Spinola par Michiel Jansz van Mierevelt :


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Au centre des territoires catholiques, a mi chemin entre les Flandres espagnoles et l'Autriche, se situent les terres de Maximilien Ier de Baviere. Ce digne représentant des Wittelsbach a été élevé dans le respect de la foi catholique par les Jésuites, et c'est un ami personnel de Ferdinand II de Habsbourg qu'il a connu sur les bancs des collèges jésuites.
Alors que les tensions religieuses et politiques deviennent de plus en plus vive au sein de l'Empire, les puissances protestantes créent l'Union évangélique en 1607. C'est au sein de cette institution que se fédèrent la multitude d’Etats confettis, villes, marquisat, duchés minuscules, désireuses de défendre en fonction de leur possibilités la foi protestante.
En réaction a cette union, Maximilien suscite, en 1609, la Ligue Catholique, à laquelle s'agrègent les petits états désireux de défendre le parti catholique et l'Empire.

Maximilien I

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Tandis que Buquoy, Galas et Charles de Lorraine focalisent leur attention sur Bethlen Gabor, Maximilien prenait en compte la menace Bohémienne. Au préalable de toute campagne, il renforça son armée par des recrutements.
Cette armée était aux ordres d'un vieux général wallon de soixante ans, Jean t'Serclaes, comte de Tilly. L'homme est réputé. Ses armes se firent contre les hollandais de Maurice de Nassau, mais aussi contre les protestants français aux bataille d'Arques (1589) et Ivry (1590), et fit la guerre contre les Turcs en 1602.
Ce brillant homme de guerre a réorganisé les armés de Maximilien de Bavière, et il en a désormais les rênes.

Tilly par Van Dyck :

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Dans les premières semaines de 1621, il procède à un recrutement de mercenaires, secondé par le jeune comte de Papenheim, vingt cinq ans à cette date là. (+1 milice, +2 demi-mercenaires).

Alors que Tilly grossissait les rangs de l'armée Bavaroise, dans les rangs protestants, Ernst Mansfeld mit son armée en marche.
Depuis Pilsen où il stationnait, il marcha tout d'abord à l'Est pour rejoindre Prague. De là, il fit bifurquer son armée vers le nord.
Franchissant les Monts Elbstandst à la fin du printemps 1621, il descendit le cours de l'Elbe.

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Parvenant à Dresde, il écrasa en quelques jours (Overrun) les milices saxonnes qui défendaient la ville. La petite cité fut mise à sac, puis Mansfeld changea encore une fois de direction. Marchant plein ouest, il se dirigeait droit vers la capitale de Jean-George Ier de Saxe.

L'overrun:

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Paysage de Saxe.
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Et commencèrent alors à apparaitre les premiers pillages, s’égrenant le long des routes des armées, au rythme des colonnes de fumées s'élevant à la verticale des bourgades marquées par cette malédiction.

En premier apparaissent les éclaireurs, par petits groupes de 2 ou 3, montés sur leurs chevaux, pistolets dans les fontes ou en main, l'oeil aux aguets. Ceux-ci ne font que précéder les ennuis. Tout au plus réclament ils à boire, ou un peu de pain.
Mais lorsque cette avant garde repart, elle laisse place aux colonnes d'hommes en marche. Par paquets de cinq ou par douzaine, par vingtaines, ils avancent sur la route, pique à l'épaule, arquebuse à la main, la poussière ou la boue collant à leurs habits selon la saison. Ces groupes se répandent dans les fermes, les basses cours, les jardins. Ils saisissent la volaille, le bétail, intimidant par leur nombre et leurs armes les paysans qui voudraient protester, les laissant démunis et frustrés.
Bientôt le gros de la colonne surgit, grande masse d'hommes cliquetant de fer et piétinant la route. De proche en proche, des drapeaux surplombent ces hommes, déployant leurs couleurs vives et chatoyantes. Quelques soldats ont des tambours, des fifres, mais on ne joue pas à chaque entrée dans une bourgade sans importance. Au centre de l'interminable cortège, grincent et cahotent des chariots, sur lesquels se juchent enfant de troupes et lavandieres, apothicaires et pretres. Des trains de mules s'échinent a faire avancer de lourds canons massifs sur leurs affuts aux gigantesques roues cerclées de métal.
En permanence s'échappe de cette colonne des groupes de reitres, armés jusqu'aux dents. Ils investissent les alentours en quète de rapines, gravitant à proximité de la colonne en marche. Ils forcent les enclos, les portails de grange, les portes des maisons. Linge, ustensile, outils, mais surtout bijoux, nourriture, sont la proie de ces hommes.
Qu'un tendron attire leur regard lubrique, et c'en est fini de l'intimidation. Le père veut s'interposer, véhément. Le talon d'une lance dans l'estomac lui coupe le souffle, un poing lui écrase la pommette, le laissant inconscient. Mais déja la mère réagit, désireuse de protéger son enfant. Elle a saisit un couteau de cuisine, et se précipite sur un des soudards en train d'agripper sa fille. La lame de couteau entaille profondément le bras du rustre. Ses compagnons réagissent avec brutalité. Une pique crève le ventre de la mère, qui s'effondre avec un soubresaut. Alors, les soudards violent la fille, hurlant et pleurant tandis que sa mère agonise à coté d'elle. Lorsqu'enfin les soldats ont assouvis leur bas instincts, ils laissent une enfant traumatisée aux soins d'un père éploré qui vient juste de reprendre ses esprits à coté du cadavre de son épouse, tandis que des volutes de fumée grise enflent dans sa maisonnée incendiée par vengeance par ses agresseurs. Le soldat blessé, le bras sanguinolent, ira voir un médecin, mais, pris par la fièvre, mourra probablement dix jours plus tard.
Juchés sur de fiers destriers, vétus élégamment, velours, brocard, damas, dentelle, grands chapeau et bottes de cavalerie, écharpe de commandement sur le torse, entourés d'aides de camp et de valets, les officiers de la troupe modèrent leur troupe selon leur bon vouloir ou l'étendue d'autorité qu'ils ont sur elle. Que l'on soit en pays ennemi, et la clémence sera mince, la discipline abolie, la violence exacerbée. La paye, les trains de chariot de ravitaillement sont choses aléatoires et insuffisantes. L'homme d'arme se sert sur le pays. En terre ennemie, l'Etat major, en grand équipage, vient signifier au bourgmestre la mise en coupe reglée de sa localité, tandis que les déprédations se multiplient.
Avec soulagement, avec tristesse, avec rage, la communauté des villageois verra s'éloigner l'armée au loin, au bout d'une nuit, d'une semaine, d'un hiver, priant pour que jamais le destin ne conduise d'autres soudards par chez eux.



En marchant sur Leipzig, Mansfeld compte bien mettre au pas le versatile Jean-George Ier de Saxe.
Bien que protestant, ce prince voit d'un mauvais œil l'accroissement de puissance d'un autre électeur. Désireux de s'attirer les bonnes grâces de l'Empereur, Jean-George refusa la couronne de Bohême que Joachim von Schlik lui proposa à la suite de la révolte praguoise. Il laissa ainsi le champ libre à Frederic V, comte et électeur palatin, qui coiffa alors deux couronnes disposant de voies au collège électoral institué par la Bulle d'Or de 1356.
Menant une politique d'équilibre au sein de l'Empire, Jean-George bascula alors dans le camp impérial lorsque la crise éclata.

Jean-George de Saxe :

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En se portant contre lui, Mansfeld a la ferme intention de de ramener la Saxe dans le giron protestant, et de dissiper la menace que l'armée saxonne fait peser sur son flanc nord.
Conscient de l'infériorité numérique de son armée, Jean-George refuse le combat lorsque Mansfeld se présente devant Leipzig. Il se retire alors derrière l'enceinte de la ville. C'est cependant un choix funeste, qui le condamne à plus ou moins longue échéance: il n'a nul secours à attendre de ses alliés catholiques, trop éloignés.

Mansfeld assiège Leipzig :

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De leur coté, Thurn et Schlik regrettent la manœuvre de Mansfled, qu'ils considèrent comme une perte de temps. Briser nette la puissance de l'Empereur leur semble prioritaire. Emmenant à leur suite les levées tchèques, ils marchent au sud et atteignent le Danube à Linz. Mais parvenu là, le bon sens reprend le pas sur l'audace. A l'Est, l'armée impériale de Bucquoy et Gallas monte la garde à Vienne, trop gros morceau pour eux.
Ils entreprennent alors de remonter le Danube en direction de l'Ouest, ravageant et mettant à sac les terres de l'Empereur, s'emparant de chaque bourgade afin d'y supplanter l'autorité Habsbourg ( en dépensant 1 pm de plus, on peut prendre le contrôle d'une "ville"). Apres quelques semaines de marche, l'armée de bohème approche de Regensburg.

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Entre Linz et Regensburg, Passau, sur le Danube :

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Tandis que les protestants allemands étendaient leur emprise au nord et au sud de la Bohême, Kristian IV poursuivait ses ambitions personnelles. Violant la neutralité de Lubeck, ville hanséatique libre, il y imposa son autorité, captant à son profit peu à peu les bases du commerce en Baltique.
Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, il marcha alors sur Hambourg, bien décidé à compléter son emprise sur le nord de l'Allemagne.

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Face à l'incursion protestante le long du Danube, le comte de Tilly devait réagir. Laisser Thurn libre de ses mouvements lui permettrait certainement de venir faire le siège d’Ingolstadt, lui octroyant un verrou sur le Danube, avant de s'esquiver vers le nord.
Tilly regroupa donc l'armée qu'il avait renforcé durant le printemps et se mit en marche. Les déprédations de la soldatesque touchèrent particulièrement la région de Passau.
Tilly appuya sa manœuvre sur le fait que la forteresse d'Ingolstadt barrait la voie de Thurn et Schlik vers l'ouest.
En les prenant à revers, Tilly coupait toute échappatoire à l'armée protestante. Il approchait à grand pas de Regensburg, où il savait trouver l'ennemi.

Cavalier Wallon des régiments de Tilly :

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Thurn était conscient de son infériorité numérique, ainsi que du renom de Tilly. Ce n'était cependant pas un imbécile. Lorsqu'il apprit que Tilly venait à sa rencontre en remontant le Danube, il avait pris soin de reconnaitre le terrain dans les environs de Regensburg.

En arrivant à un jour de marche de Regensburg, Tilly fit faire halte à son armée. Ses éclaireurs lui annonçaient la présence de troupes ennemies un peu en avant de la ville. Il fit donc installer le camp, bien décidé a mener bataille le lendemain. Dans une cacophonie et un désordre apparent habituel, ses différents régiments s'installaient, qui dans des tentes, qui dans les fermes proches, les granges, les maisons isolées. Déja les pillards et les approvisionneurs s'égayaient alentours, en quête de victuaille à saisir pour alimenter la foule affamée que représente une armée en marche. En ce début d'automne humide, Tilly s'abrita dans une petite chapelle de pierre au toit bienvenu pour s'abriter de la pluie fine qui commençait à tomber. Eclairé à la bougie, servis par ses aides de camp qui installèrent bagages, garde robe, vaisselle, archives, Tilly se concentrait sur la confrontation a venir.
Ses officiers, au premier rang desquels Papenheim lui tenait lieu de second, écoutaient les rapports des éclaireurs. Une carte rudimentaire posée sur deux tréteaux dépeignait les environs que Tilly tentait d'identifier en fonction des description de ses éclaireurs. Alors que la nuit s'étendait sur son armée, Tilly dressait son plan. Il marcherait sur Regensburg, appuyé sur sa droite par le Danube, sur sa gauche par un bois épais impropre aux manœuvres militaires.

Alors que l'aube grisâtre et pluvieuse redonne une forme au paysage, le camp catholique s'éveille peu à peu. Des nappes de brouillard s'accrochent encore aux bouquets d'arbres, ou dérivent le long des berges du Danube.

La plaine juste en aval de Regensburg :

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Soudain, une rumeur enfle. Un clairon sonne, sinistre, alarmiste. Quelques détonations éclatent. Par petits groupes, des soldats se pressent vers leur unité. Le désordre s'étend. Surgissant du petit bois encore empli des ténèbres de la nuit, un partie de cavalier se rue sur le camp catholique, talonné par des formations de fantassins. Thurn a surpris l'armée de Tilly !

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Dans le tintamarre général, Tilly et Papenheim surgissent au milieu de leurs troupes. Les ordres fusent, la riposte s'organise. Héraults et sergents rameutent leurs effectifs, formant à la va vite leur formations.

Une ligne de fantassin s'ébauche:

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Déja les cavaliers ennemis s'abattent sur les sentinelles et les piquets de garde, sabrant, lâchant au jugé des tirs de pistolets, renversant tout sur leur passage.
Tilly rallie ses troupes, les premiers régiments à être regroupés, laissant le soin à Papenheim de rameuter le reste de l'armée. Puis il mène la charge, cherchant à contrer l'assaut protestant. Ses mercenaires et stipendiés dressent une ligne d'hommes en arme face à la charge adverse, qui vient buter dessus. Le corps à corps s'engage. Désordonnés, les troupes impériales perdent du terrain et du monde. Il faut du temps avant que la situation se rétablisse.

La matinée avance. Papenheim a envoyé l'aile droite de son armée, plusieurs escadrons, déborder l'armée protestante.

Cuirassiers de Papenheim:

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Couvert par le Danube, il s'empare de Regensburg et commence à se rabattre sur le flanc des protestants. La résistance catholique, une fois la surprise passée, fait vaciller la détermination des hommes de Thurn. La menace de Papenheim sur leur flanc achève de les démoraliser. C'est la déroute.

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Profitant des mouvements désordonnés des troupes protestantes, les soldats catholiques les poursuivent, taillent et percent, frappent, bousculent.
Incapable de retraiter, l'armée protestante disparait. Schlik a reçu un coup de pique à la cuisse et un autre à la hanche en cherchant à rallier les fuyards. Il est prisonnier. Thurn a mené l'assaut surprise. Un coup d'arquebuse l'a atteint à la joue, et il a agonisé une longue partie de la matinée.
Tilly a été évacué en milieu de matinée, une fois sa contre-charge victorieuse a stopper l'assaut protestant. Une balle d'arquebuse lui a brisé le coude, et il a reçu un coup de pique dans le foie. Il ne savourera que peu sa victoire, et mourra de ses blessures une semaine plus tard.
Voila une victoire chèrement acquise, le meilleur général bavarois étant au nombre des disparus dès la première confrontation sur un champ de bataille :? .
Si l'armée protestante a été écrasée et anéantie, les pertes catholiques n'en montent pas moins à 2 unités de mercenaires (sur 8 unités).

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Tour1- round6
Si le parti protestant essuyait une défaite en Autriche sur le Danube, il marquait des points dans le nord.
Mansfeld maintenait le siège de Leipzig, bien qu'incapable de faire tomber la cité.
Kristian IV de son coté parvenait à s'emparer de Hambourg, étendant toujours plus son influence.

L'autorité impériale fut promptement rétablie par Gallas à Linz.
Papenheim, de son coté, conduisit son armée éprouvée en Bavière, où elle serait plus aisément entretenue qu'en campagne.

Phase de paiement

La volatilité des effectifs, le manque de fiabilité des troupes se firent jour rapidement. Les désertions, l'attrition provoquée par les maladies accompagnant inévitablement les masses de soldats, la lassitude, creusaient les rangs des armées.
L'armée danoise stationnée à Hambourg n'était déjà plus en grande forme, et la ville avait subie quelques pillages
( 1 pillage, 1 pas de perte).
Reclus dans Leipzig, Jean-George Ier de Saxe ne disposait plus des revenus de ses Etats. Ses stipendiés mettaient à mal la ville autant qu'une force ennemie. Réquisitions forcées, vols, rapines, le tout aggravé par les privations dues au siège laissèrent la ville exsangue ( 2 pillages, 2 pas de pertes). Maladie et désertion frappèrent l'armée saxonne assiégée qui avait perdue un tiers de ses effectifs sans combattre.

Phase de siège
A bout de souffle, sans espoir de secours, Jean-George fut contraint de se rendre à merci à Mansfeld, lui remettant les clefs de la ville (chute de Leipzig).

Leipzig désormais aux mains de Mansfeld et d'Anhalt :

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Modifié en dernier par gladiatt le lun. mars 02, 2015 9:36 am, modifié 3 fois.
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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par jmlo »

gladiatt a écrit : Les photos n'étant ni nombreuses ni parfaites, cet AAR est plutôt un exercice littéraire ou artistique.

J'espère qu'il vous plaira.
C'est très agréable à lire :clap:
Reste à avoir bon cœur et ne s'étonner de rien (Henri II)

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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par GA_Thrawn »

Je confirme :clap:

Pas de chance pour la mort des chefs...c'est la clé du jeu, éviter les batailles inutiles et gagner du terrain.

Il doit y avoir un aar de Von Aasen et de moi quelque part dans le forum sur le même jeu. De mémoire j'avais perdu car l'armée suédoise n'était jamais arrivée :lolmdr:
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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par gladiatt »

GA_Thrawn a écrit :Je confirme :clap:

Pas de chance pour la mort des chefs...c'est la clé du jeu, éviter les batailles inutiles et gagner du terrain.

Il doit y avoir un aar de Von Aasen et de moi quelque part dans le forum sur le même jeu. De mémoire j'avais perdu car l'armée suédoise n'était jamais arrivée :lolmdr:
Restez à l'écoute, vous verrez que les prochains tours sont.....intéressants :siffle:
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DarthMath
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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par DarthMath »

Vive les bouts de carton !! Il n'y a rien de mieux ... :fete:
Et bonne chance à Madame !! :wink:
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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par gladiatt »

Tour 2

L'emprise danoise de plus en plus forte dans le nord de l'Allemagne donnait des ailes aux espoirs du parti protestant.
Ayant exhorté les populations de son évêché d'Halberdstadt à se révolter contre les catholiques, l’évêque luthérien Christian de Brunswick en vint à prendre la tête d'une armée.

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De son coté, la puissance espagnole reprenait sa longue guerre contre les Pays-Bas révoltés. Spinola, qui commandait l'armée stationnée en Flandres, reçut l'ordre d'entrer en campagne contre les hollandais.
Si, en dépit de la garnison qu'il laissait à Bruxelles ( 2 vétérans), il affaiblissait la présence catholique dans l'ouest de l'Allemagne, du moins pouvait on espérer que son intervention représenterait une contrainte forte pour Maurice de Nassau, au point d'accaparer une bonne partie des ressources de ce dernier, ressources qui feraient défaut au camp protestant de l'Union Evangélique.

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(cette carte doit obligatoirement être jouée en début de tour par le catholique. Le protestant peut en contrer les futurs effets en envoyant une armée soutenir les Pays Bas, la retirant provisoirement du plateau de jeu.
Une fois Spinola aux Pays-Bas, il ne peut plus jamais en revenir. En revanche, des cartes actions "siège" peuvent affaiblir le parti protestant et réduire les aides financières protestantes).

Round 2

Alors que Mansfeld gardait ses quartiers à Leipzig, Christian de Brunswick se montrait bien plus entreprenant (activé sur un 1, Mansfeld sur un 2). En prenant Lutzen, il complétait la conquête de la Saxe ( - 3VP catholiques), faisant basculer l'électorat dans l'escarcelle protestante. Poursuivant sa route, il revint vers l'ouest, progressant vers Kassel.

Dans le camp catholique, Papenheim, qui avait pris la tête de l'armée de la Sainte Ligue, et secondé par Aldringer, entreprit une campagne de recrutement. Mal organisée, hâtive, elle fut un échec ( jet de dès raté, aucun recrutement :sad: ). Le manque de fonds en fut en partie responsable, et les rumeurs des difficultés financières des Habsbourg aggravèrent les choses.

Round 3
En effet, profitant des difficultés engendrées par cette guerre interne à l'Empire, les Ottomans lancèrent un raid profond aux frontières de la Styrie et de la Carinthie, mobilisant des troupes impériales et amenuisant les recettes fiscales pour quelques temps !

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Si la cour de Madrid avait relancé les hostilités contre les Pays Bas en même temps qu'elle menait la guerre contre l'Angleterre (l’événement est toujours actif !), elle n'en abandonnait pas pour autant l'idée de soutenir activement la branche autrichienne des Habsbourg. L'engagement espagnol restait considérable.
Pour remplacer Spinola, l'Espagne mobilisa une armée aux ordres de Gonzalo Fernandez de Cordoba, prince de Maratra (né en 1585). Une imposante force espagnole opérait à nouveau sur le flanc occidental de l'Allemagne.

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Round 4

Sans opposition véritable, parfaitement conscient que les Tercios de Cordoba avaient la bride serrée autour des Flandres et de la vallée du Rhin, Kristian IV poursuivait à son rythme sa promenade militaire. Sans scrupule, il violait la neutralité des Etats qu'il convoitait. Breme, Minden et Hannover tombaient en son pouvoir. Sans même voir de bataille se dérouler sur son sol, le nord de l'Allemagne connaissait à son tour les affres des bandes armées et de leur déprédations qui s'étendaient.

Poursuivant avec une énergie frénétique sa propre campagne, Christian de Brunswick s'emparait de la Hesse et des villes de Kassel et de Wretzlar. Il vint mettre le siège devant Hanau.


Mansfeld aussi s'activait. La Saxe désormais sécurisée et bien en main, il descendit à nouveau au sud, se portant à proximité des forces impériales. Traversant la Bohême, il s’élança depuis Budweis en direction du Danube. A peine prit'il le temps d'une pause pour se désaltérer de la boisson locale :o: .
Par une simple mesure de harcèlement, il amena son armée à Linz, s'en empara, ravageant la région, puis fit route au nord, retournant se mettre à l'abri en Bohème.

A Vienne, les armées autrichiennes restaient paralysées, autant par la menace persistante des armées hongroises de Bethlen Gabor que sous le coup des réductions financières du moment.
Mais la Ligue Catholique ne comptait pas rester inactive face au succès grandissants des protestants dans le nord de l'Allemagne. Un projet se faisait jour à la cour impériale, visant à destituer Ferdinand V de son électorat du Palatinat. Il fallait pour cela procéder concrètement à la confiscation de ses domaines, par la force.

Faisant fi de la neutralité du Wurtemberg, Papenheim mena son armée à l'ouest, en direction du Bas Palatinat. En quelques semaines, il se retrouva face à la forteresse de Mannheim, sise à l'estuaire du Rhin et du Neckar, dont il entreprit le siège.

Une carte de Mannheim en 1645 :

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Le mouvement de Pappenheim :

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Pour épauler son offensive, Papenheim reçut la promesse de l'appui de l'armée espagnole de Cordoba. Coordonnant son effort avec les forces Bavaroises, ce dernier fit mouvement depuis Bruxelles, et remonta la vallée du Rhin, via Liege, Aachen, Mainz, et parvint jusqu’à Oppenheim. Il devait à terme opérer conjointement avec Papenheim pour s'emparer au plus vite du Bas Palatinat.

Oppenheim :

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Le mouvement de Cordoba :

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Round 5
Bien que rival de Kristian IV de Danemark au sujet de la suprématie en Baltique, le roi de Suède Gustave Adolphe se sentait concerné par la situation en Allemagne. Au delà des motifs religieux sincère qui l'habitait, il souhaitait, comme tant d'autres souverains, affaiblir durablement l'hégémonie des Habsbourgs, et transformer le Saint Empire en institution fantôme, afin de mieux le dépouiller de larges portions de territoires sur les rivages de la mer Baltique.
Plus encore, Gustave Adolphe se montrait courroucé et terriblement jaloux du rôle que se donnait le roi Danois de défenseur de la foi protestante, accaparant gloire...et gains territoriaux.

A l'époque, la Suède digère ses guerres passées, contre le Danemark (paix de Knared, 1613), contre la Russie (traité de Stolbova, 1617). Conscient de la faiblesse relative de son royaume (qui s'étend cependant sur les deux rives de la Baltique, en Ingrie, en Carelie, en Estonie), il entreprend avec son chancelier Axel Oxienstierna de nombreuses reformes dédiées au renforcement de l'Etat : registres paroissiaux (afin de recenser et...taxer les populations), création d'une société pour exploiter le cuivre a Falun, création d'une fonderie pour utiliser ce même cuivre a fondre des canons à Finspang, fondation de Goteborg comme comptoir commercial, entre autres.

Ces efforts financiers et le temps nécessaire pour les mener ne lui permettaient pas encore de s'impliquer totalement dans la guerre civile allemande. Il se contenta donc d'apporter une aide financière à l'Union Évangélique.

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Les finances catholiques quant a elles se montraient bien insuffisantes pour entretenir l'ensemble des régiments et escadrons dispersées dans l'Empire. (round 5 et 6 et phase de paye).
Si Pappenheim reçut la priorité dans la distribution de subsides, l'armée impériale stationnée dans les environs de Vienne s'effritait par manque de paye, de conviction, d’hygiène. ( pillage1, 1 pas de perte).
Les Tercios espagnols de Cordoba, pour disciplinés qu'ils furent, ne pouvaient assurer une cohésion sans faille sans la motivation d'une paye régulière, et s’amoindrit elle aussi :sad: (pillage 1, 1 pas de perte sur du précieux vétéran pas reconstructible).

Pataugeant dans la boue de la Tranchée, Gottfried Heinrich Pappenheim enfonce son chapeau à large bord surmonté d'un plumet écarlate pour se protéger de la pluie fine qui lui fouette le visage.
Autour de lui, sapeurs et terrassiers avancent courbés, tout autant sous le poids des paniers remplir de terre que pour rester à l'abri du parapet de terre. Se délestant de leurs charges, ils la déversent sur les rebords surélevés de la profonde saignée qu'ils ont creusés.
Le regard au ras du sol, courbé comme les autres, Pappenheim darde un regard en colère sur le paysage devant lui. La bruine délave toutes les couleurs, rendant une teinte grise et morne à l'ensemble du décors.
Une plaine irrégulière et bosselée détrempée s’étend sur plus de 1000 toises juqu'à un mur de pierre grise et sale. Cet immense parapet arrête la vue sur plus de 6 mètres de haut, et masque ce qui se dissimule derrière, mais de loin en loin en émergent clochers, tours et quelques toits. De minces filets de fumée que la bruine cherche à rabattre s'élèvent au dessus de ces toits, trahissant les quelques foyers d'incendie épars dans la citée abritée derrière son rempart.
Entre ce rempart et la tranchée où Pappenheim s'est posté en observation, plusieurs vestiges éparpillés marquent l'emplacement de bâtiments détruits. Des pans de murs écroulés où s’enchevêtrent des amas de poutres brulées se dressent tels des doigts carbonisés tendus vers le ciel. Abattus par les assiégés pour priver les assaillants d'abris ou victime de tirs mal ajustés des assiégeants, nul ne saurait le dire.
Dans ce décor boueux, Pappenheim devine les lignes sinueuses des tranchées d'approche de ses soldats qui sinuent tel un serpent vers les murs gris de la cité. Quelques sillons peu profonds ont égratignés la terre en scalpant la végétation là où de petits boulets sont tombés.
Un fracas étouffé, comme éructé, trouble la lancinante mélopée de la pluie grésillant sur le sol, tandis qu'un éphémère panache de fumée blanche se disperse et s'étiole au dessus des remparts: une des rares pièces d'artillerie de la place forte à tonné, mais Pappenheim n'en discerne pas le point d'impact.
Les mains souillées de terre humide, les sapeurs continuent leur labeur inlassablement, piochant la terre à quelques mètres de leur général, à l'abri d'un mantelet de lourds madriers.
Autour du général, ses officiers, chapeau vissées sur le crane, gants de feutre ou de cuir sur le main, vestes élégantes, épée au coté, détonnent avec les vêtements ternes et sales des sapeurs.
Le rictus de Pappenheim se crispe, accentuant encore l'irrégularité de ses traits. Devant lui, Mannheim, enserrée entre les rubans gris et froids du Rhin et du Neckar. Derrière lui, un assortiment hétéroclite de tentes, de baraques en bois, de chariots, de sacs, de faisceaux, de feux de camp chichement abrités par des couvertures tendues, et des milliers d'individus, installés dans une ville provisoire qui enserre et semble vouloir étouffer la ville imprenable qu'il contemple.
Un autre fracas, plus sourd, plus proche, résonne derrière lui. Un canon de son armée vient de tirer un boulet de fonte. Au pied du parapet ceignant Mannheim, une mince volute de boue éclos et se fane aussitôt, marquant le point d'impact. Trop court.
Gottfried étouffe un juron. A ce rythme, le siège va s’éterniser, entrainant l'affaiblissement progressif de son armée.
Est-il seulement sûr que les assiégés souffrent autant de la faim, du typhus, du froid ? Surveillant les deux cours d'eau, quelques batteries placées sur les berges doivent empêcher l'approche de toute embarcation susceptible d'apporter secours et ravitaillement à la ville. Mais de nuit, qui sait ce qu'il se trame sur ce fleuve ?
Avec un bref regard sur l'ouvrage des sapeurs s’efforçant de faire progresser la tranchée toujours quelques pas plus avant vers les remparts de la place assiégée, Pappenheim repart vers son camp, soupirant de frustration.

Un siège au XVIIe siecle (le Siege de Tournai en 1667) :

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Siège
La fortune des armes semblait décidément favoriser la cause luthérienne. Alors que Christian de Brunswick mettait fin victorieusement au siège de Hanau, s'emparant du même coup de la Hesse Kassel dans son ensemble, les forces de Papenheim campaient en vain devant Mannheim sans s'emparer de la place.
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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par gladiatt »

Et en attendant de vous rédiger le compte rendu du tour 3, voici une carte de situation montrant le controle exercé par chaque camp dans cette Allemagne du début du 17e siècle.

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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par gladiatt »

Tour3

Dans une Europe morcelée, agitée de troubles religieux depuis l'apparition de la Reforme luthérienne, peu de régions semblaient épargnées. Alors même que l'Allemagne était à feu et à sang, des zones périphériques s'embrasaient à leur tour, propageant guerre et misère, tour a tour alimenté ou alimentant le conflit qui ravageait l'Empire.

Au sud des cantons suisses, une petite région montagneuse avait pris pour la cause Habsbourg une importance cruciale : la Valteline.

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Pour déplacer troupes et quantités d'or pour alimenter la guerre vers leur possession des Pays Bas, les Espagnols ne pouvaient plus compter sur la voie maritime directe le long de la façade atlantique. Le revers de l'invincible armada en 1588 n'avait été que le premier d'une série qui avait affaiblie la flotte espagnole à tel point que la voie des mers n'était plus envisageable.
Les armées espagnoles optèrent donc pour une route bien plus sûre. Celle-ci partait d'Italie, d'où provenait une part importante de leur recrutement, et progressait le long de territoires contrôlés, à travers Gênes, le Milanais. De là elle remontait par la Savoie et la Bresse jusqu'en Franche Comté, puis par la vallée du Rhin jusqu'en Flandre.
L'autre bifurquait dans la vallée de l'Adige pour remonter jusqu'au Tyrol.

j'ai trouvé une carte sur internet...venant du QG et de l'AAR de Von Aasen :shock: . Je me suis permis de la reprendre et de rajouter la route par la Valteline, j'espère que cela ne vexera pas Von Aasen :signal:

Image


Les Dolomites, vallée du Haut Adige :

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Le traité de Lyon de 1601, qui mettait fin à la guerre franco-savoyarde, voyait la cession de la Bresse à la France, ne laissant plus qu'une voie de communication aux Habsbourg. Cette voie remontait du Milanais vers le Haut Adige. En franchissant la passe de Stelvio, cette route arrivait au Tyrol autrichien et à la vallée de l'Inn.

La passe de Stelvio :

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Cette route, cruciale pour les Habsbourg, était menacé par la proximité des Grisons protestants, au sein des cantons suisses, dont les autorités cherchaient à s'imposer en Valteline.

Région des Grisons :

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En 1624, avec l'appui français et des 4000 hommes du marquis de Coeuvre, l'autorité pontificale fut rejetée au profit des Grisons suisses et protestants, coupant de ce fait la liaison si cruciale aux Habsbourgs.

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De leur coté, les chefs catholiques poursuivaient la mise au pas du Bas Palatinat.
Pendant que Pappenheim obtenait, enfin !, la rédition de Mannheim, Cordoba s'emparait du reste de la province, mettant au pas Landau, et revenant sur Oppenheim. Seule la forteresse de Heidelberg restait fidèle à Frederic V. Mais face à la conquête catholique de la province, les édiles firent leur soumission. L’Electorat du Bas Palatinat retombait dans l'escarcelle impériale.

Pendant que Bavarois et Espagnols menaient une campagne somme toute aisée en vallée du Rhin, l'armée autrichienne de Bucquoy entrait enfin en campagne, droit vers l'Est, avec l'intention de mettre un terme à la rébellion hongroise de Bethlen Gabor. Buquoy et ses subordonnés marchèrent droit sur Presbourg, où les attendaient l'armée hongroise. La rencontre eu lieu a quelques lieu à peine de la capitale du prince hongrois révolté, dans la plaine alluviale du Danube.

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Les forces impériales étaient légèrement supérieures en nombre à l'armée hongroise. Elle paraissait surtout bien plus redoutable, composée d'unités de vétérans rompues aux combat. A la veille de la rencontre, pourtant, les chefs de l'armée catholique ne parvenaient pas à s'entendre sur la manière de livrer bataille.

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Buquoy, prudent, optait pour une démarche attentiste, alors que Charles de Lorraine désirait un assaut direct sur l'ennemi, espérant le bousculer en une charge impétueuse.
Au matin de la bataille, rien n'avait été tranché: Buquoy n'avait pas autorité sur les troupes de Charles de Lorraine.
Alors même que Buquoy prenait son temps pour déployer ses troupes, Charles de Lorraine faisait avancer ses régiments de miliciens droit sur l'armée hongroise. Voyant l'écart qui se creusait entre les différents éléments de l'armée catholique, Bethlen Gabor précipita le combat, et lança la quasi totalité de ses troupes contre Charles de Lorraine imprudemment avancé.

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Débordé sous le nombre, les milices de Charles de Lorraine furent étrillées, et commençaient à lâcher pied, un vent de panique soufflant dans leurs rangs.
Buquoy se dut de réagir sous peine de perdre l'aile commandé par son imprudent subordonné. Il lâcha ses escadrons de cavaliers Croates sur les flancs de l'armée hongroise, avant de faire donner toute la puissance de ses vétérans.

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A son tour bousculée, l'armée hongroise reflua pour éviter la destruction, et se retira au delà de Presbourg, entamant une longue retraite vers le nord de la Hongrie.

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La bataille était assez indécise ( 1 aux dé catholique !! et la malchance n'a pas finie de frapper :? ).
Dans le camp impérial, on s'attendait à une longue campagne pour régler le sort des rebelles.
Pourtant, des rapports parvinrent, toujours plus nombreux, à la cour impériale de Vienne et à Buquoy: l'armée hongroise se délitait et se dispersait, réduite à une peau de chagrin. Bientôt, on apprenait la nouvelle: en se portant à la tête de ses troupes, cherchant à les rallier pour éviter l'enfoncement de ses ailes, le prince Bethlen Gabor avait été touché par une arquebusade impériale. Emmené vers l'arrière par ses partisans, il fut emporté dans le train de la défaite. Au bout de quelques jours, il succomba à ses blessures. Nul n'ayant le charisme suffisant pour poursuivre son projet, la rébellion hongroise périclita aussitôt.

Dieu, qui semblait si capricieux à accorder ses faveurs sur le champ de bataille, semblait néanmoins accorder sa divine providence aux tenants de la foie catholique.

A Presbourg, l'armée impériale se servit afin de s'indemniser de ses peines, avant d'être reprise en main par son commandant.


Round 2
Conscient que les forces autrichiennes étaient mobilisées en Hongrie, les Ottomans en profitèrent pour mener une nouvelle série de raids rapides et dévastateurs aux frontières méridionales de l'Empire.

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(la réduction du nombre de cartes dans la main protestante, due à la défausse lors d’événements uniques, crée un effet de retour rapide de certaines cartes, dont le parti protestant va user et abuser au détriment du parti catholique :? ).

Poursuivant ses efforts pour reprendre en mains les rênes de l'Empire, Frederic II de Habsbourg put enfin mettre à profit les victoires de Pappenheim. La confiscation concrète des biens de Frederic V de Palatinat fut suivie de sa destitution du titre d'Electeur !
Maximilien Ier de Bavière, pour récompense de son alliance indéfectible (mais intéressée) reçut alors de l'Empereur cette distinction ( à titre viager et donc personnelle), et reçut en outre une partie du Palatinat pour compenser ses immenses frais de guerre.

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Round 3
La présence des armées de Pappenheim et de Cordoba dans le Palatinat impressionnait Christian de Brunswick-Luneberg. Pour assurer leur puissance, les princes protestants passèrent un accord, et Christian marcha au nord rejoindre à Hannover le roi Kristian IV du Danemark. Leur armée composaient désormais une force considérable.

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Pendant ce temps, poursuivant la reprise en main politique au sein de l'Empire, Frederic II promulgua l'Edit de restitution

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Le document original :

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S'affranchissant des coutumes impériales, dédaignant de consulter la Diete ou le collège électoral, Frederic II dévoilait là sa volonté absolutiste en édictant une loi de par sa seule volonté.
En imposant la restitution des biens ecclésiastiques dont les Protestants s’étaient peu à peu emparés depuis la Paix d'Augsbourg en 1555, l'Empereur contraignit des milliers de protestants, expropriés, à l'exil.

Round 4
Quand bien même le parti catholique avait pris le contrôle du Palatinat Rhénan, et que Christian de Brunswick avait rejoint Kristian IV de Danemark, les partisans de la réforme ne désarmaient pas à l'ouest de l'Allemagne.
Le Margrave de Bade Durlach, Georg Friedrich, décidait de soutenir l'Union Evangélique en levant une armée en Bade, faisant basculer un pan de plus du territoire du Saint Empire du coté de la Réforme.

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De son coté, Pappenheim revenait en Bavière, son armée mettant à mal encore une fois le Wurtemberg sur son chemin. Face aux difficultés financières qui s'accumulaient pour la Sainte Ligue catholique, il préféra se rapprocher de ses appuis politiques, et prévoyait une future levée de troupes.

Le parti impérial cherchait à affaiblir ses adversaires, si possible en minant les relations entre tant de princes plus ou moins indépendants du parti protestant. Arguant des succès récents de la cause impériale, des émissaires catholiques firent miroiter le pardon impérial auprès de Christian d'Anhalt-Bernbourg, lieutenant de Ernst von Mansfeld, s'il rendait les armes. Celui-ci se retira alors sur ses terres.

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Round6

Débarrassé de toute menace dans son entourage immédiat, Georg Friedrich de Bade-Durlach envoya une partie de son armée (une ridicule milice seule en action libre :sad: ) s'emparer de la Lorraine !

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Un témoignage de l'époque des ravages occasionnés par les bandes armées qui sillonnèrent la Lorraine :

" Nous étions égorgés par les Suédois, les Lorrains pillaient tout, les Impériaux nous traitaient en ennemis, les Messins ne nous portaient aucun secours.... nous étions constamment en butte aux incursions des soldats pillards de Thionville et de Sierck qui nous enlevaient chaque jour une grande quantité de bétail. La veille de la fête de saint Michel, une cohorte du marquis de Bade ravit d´un seul coup trois cents boeufs, cinq cents porcs et cinquante chevaux, mit à mort le pasteur des bœufs et cependant m´épargna, moi le pasteur des hommes... mais je ne pus empêcher que nos récoltes ne fussent saccagées et que la moitié du village ne fut incendié. L´armée des Croates et des Hongrois qui séjourna pendant près de six semaines dans la vallée de la Nied anéantit presque tous les villages par la dévastation et l´incendie, confondant tout dans sa rage, le sacré et le profane, elle ne tenait compte ni de la valeur personnelle, ni de l´âge, ni du sexe.

Les objets cachés ou enfouis, étaient partout découverts et enlevés, tout ce qui restait encore de bétail était emmené ; on entendait parler de tous côtés que de jeunes filles violées, de mères assassinées et d´hommes mis à la torture.

Ils donnaient la question en proposant au patient de boire un coup diabolique qu´ils appelaient le coup suédois. L´homme étant couché sur le dos, on lui introduisait de force dans la gorge, jusqu´à rupture des parois de l´estomac, de l´eau ou de l´huile et quelquefois des ordures, pour l´amener à indiquer les lieux où étaient cachés l´argent, les provisions ou les hardes. Vêtu hors de chez lui ou nu à la maison, nul n´était en sûreté... Auparavant on pouvait acquérir et posséder des terres, cette année on se disputa avec acharnement l´espace nécessaire pour un tombeau... »

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Et la Lorraine n'était pas seule à souffrir...

Par les fenêtres béantes et la porte fracassée s'épanchent de claires volutes de fumée et des langues de flammes qui viennent lécher la façade dont l'enduit craquelé et noircit s'effrite sous l'effet de la chaleur. L’intérieur est dévasté, sans dessus-dessous, mobilier et vaisselle fracassés, hardes éparpillées sur le plancher couvert de débris et de gravats. Nul bijoux, nulle valeur dans cette maison, qui a été saccagée de fond en comble par des soudards transformés en pillards sanguinaires. Enroulés tels des tentacules vivants autour des poutres, des flammes ronflent et consument les poutres soutenant la toiture déja carbonisée et prête à s'effondrer dans l'habitation. Déja des pans de murs ont cédés au feu, offrant la maison à tout les vents, à tout les regards.
Des habitants, nulle trace. Impossible de deviner s'ils ont fuit avant l'arrivée des prédateurs lachés en troupeaux avides sur la ville, allant gonfler les rangs de réfugiés haves et désespérés sillonnant les campagnes en fuyant la ville, ou s'ils ont étés extirpés de force, molestés et menacés pour céder tout leurs biens, révéler les cachettes fantasmées de leur trésor dérisoire. Dans tous les cas, ils ont vécus une situation de détresse, les faisant basculer dans le dénuement et la misère, perdant le peu qu'ils ont pu amasser en une vie de labeur.
Adjaçant à cette maison, une autre, puis une autre, des dizaines d'autres, de chaque coté de la venelle sinueuse, sont la proie des flammes. Un sourd vrombissement, le craquement de poutres rongées par l'incendie, le fracas des bâtiments qui s'écroulent sur eux même, vomissant débris et gravats sur le pavé, forment un fond sonore puissant et sinistre. Une forte odeur plane partout, mélange de suies, de brulé, de poussière. Mais à cette odeur se mêlent les effluves écœurantes de chairs brulées venant des dépouilles d'animaux abattus par pure sadisme, chiens de gardes, volaille, mulets, porcs, qui partageaient la vie des habitants. A bien y regarder, gisant dans des postures grotesques, privées de décence, l'on trouve aussi les cadavres d'être humains, fauchés par la mort, bourgeois malheureux qui n'ont pu échapper à la violence prédatrice des pillards. Les effluves de tripes et de déjections empuantissent l'air, et le sol se couvre de flaques putrides et de restes immondes, desquelles des rigoles écœurantes sourdent.
Au loin, au détour d'une rue ou d'une place, des silhouettes fugaces, hérissées d'armes, de pillards à l’œuvre, se déplacent dans les quartiers de la ville encore épargnés par le brasier qui dévore déjà plusieurs bâtiments, n’épargnant rien, ni habitation, ni lieux de culte, ni ateliers ou entrepôts.

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Hanovre, où stationnait l'immense armée des deux Christian, était mis en coupe réglée, saccagé de fond en comble, ainsi que les villages alentours. Les maladies qui rongeaient l'armée protestante, se répandirent au sein des populations des bourgs et des campagnes...
(pillage 2 )
Un AAR Thirty Year War romancé :

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Une histoire de Britannia :

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griffon
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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par griffon »

Alors la Gladiatt tu dépasses les normes des AARS habituels ....

c'est le "Guerre et Paix" des AARS du QG que tu es en train de nous pondre ! :shock: :ko:
SOL INVICTVS

Au printemps, je vais quelquefois m'asseoir à la lisière d'un champ fleuri.
Lorsqu'une belle jeune fille m'apporte une coupe de vin , je ne pense guère à mon salut.
Si j'avais cette préoccupation, je vaudrais moins qu'un chien

gladiatt
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Re: L'Allemagne au desespoiAAR

Message par gladiatt »

TOUR 4

Ernst Von Mansfeld avait stationné son armée, attentiste, durant plus d'un an en Bohème. L'écrasement de la révolte hongroise et le renforcement progressif des effectifs impériaux l'avait passablement inquiété. Laissant le soin à l'imposante armée de Kristian IV de Danemark de venir croiser le fer avec les Etats Catholiques du sud de l'Allemagne, il entreprit une marche vers le nord, parvenant bientôt à Havelberg dans la province du Brandebourg.

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Georg Friedrich de Bade n'avait quant à lui que peu d'efforts à faire pour s'emparer de la Franche-Comté. Tombée dans le giron espagnol par le biais des héritages, elle était terre Habsbourg depuis que Maximilien Ier de Habsbourg (1459-1519) la reçut par son mariage avec Marie de bourgogne, fille de Charles le Témeraire. Sans défense réelle, cette province prise en écharpe entre la France, les cantons Suisses et la Bade, tomba comme un fruit mur.

On apercoit la Lorraine et la Franche Comté aux mains des protestants :

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Un semblant d'accord et de cohésion des princes protestants avait décidé de laisser le soin à Kristian IV de porter le fer contre la maison Wittelsbach. La progression de son armée saccagea les terres tout au long de sa route qui la mena de Hannovre à Nurnberg. Le roi Danois était à portée de la vallée du Danube, l'axe majeur du parti catholique.

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C'est des Provinces Unies que parvint l'annonce de succès pour la foie catholique, mais ô combien dérisoires eu égard aux défis que représentait cette interminable guerre civile.
Le Marquis de Spinola connaissait le succès dans sa campagne contre les indépendantistes bataves. Il mit le siège devant Bergen op zoom dans le Brabant septentrional, sans que nulle armée protestante ne lui défia la place. Les protestants allemands, tout tournés qu'ils étaient sur les affaires de l'Empire, n'avaient envoyés aucun secours à leur allié Maurice de Nassau.

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Round2
Poursuivant sa progression vers le sud, Kristian IV de Danemark parvint sur le Danube, et approchait d'Ingolstadt.
C'est là que Pappenheim stationnait avec les restes de son armée, en attente de fonds et de financements pour recruter de nouvelles troupes. La descente danoise sur le Danube ne lui en laissait pas le temps.
Plutôt que de s'enfermer dans la citadelle d'Ingolstadt, et risquer d'y subir le sort que Johann-Georg von Sachsen connu à Leipzig, Pappenheim opta pour une bataille rangée.

La forteresse d'Ingolstadt :

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Mais face à l'avancée d'une armée danoise extrêmement nombreuse, Pappenheim cherchait le meilleur site pour livrer bataille. Il n'en eut pas le temps. Kristian IV fit franchir le fleuve à ses troupes en aval de la ville, grâce entre autre à une flottille de barges et de gabarres réquisitionnées de force, et se rabattit vers l'armée bavaroise sans lui laisser de marge de manœuvre.

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Allant à l'encontre des volontés de son supérieur, Aldringer, lieutenant de Papenheim, marcha contre Kristian. Il s'exposait à être battu séparément. Pappenheim n'eut d'autre choix que de rejoindre avec ses troupes Aldringer, et en définitive ne put choisir son terrain.

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(décidément, le protestant peut user de ces atouts à chaque tour !).

La manœuvre de Kristian IV:

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La bataille s'engageait sous les pires auspices pour Pappenheim. Inférieur en nombre, soumis à l'initiative de Kristian IV, et avec ses troupes mal positionnés, il ne put strictement rien faire. La charge à caracole de ses cuirassiers fut cueilli par une contre-charge à la pique des lansquenets danois. En quelques heures, la défaite était consommée, Pappenheim avait été écrasé ( 9 aux dès protestant à +1; 2 aux dès catholiques sans bonus).

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Traine-savate. Le terme semblait bien adapté à cette colonne d'hommes dépenaillés qui s’engrenait en flot ininterrompu le long de la piste cahoteuse. Le visage abattu et la mine triste pour la plupart, bien que certains aient dans le regard une lueur de rage ou d'insouciance pour d'autre. Le rythme était lent, pesant, mais rien ne semblait l’arrêter. C’était le rythme de la retraite.
Par dizaines, par centaines, défilaient des hommes aux bandages ensanglantés, aux vêtements souillés par leur blessures mal recousues, mal cicatrisées. Ils portaient leurs armes et leur bagages avec difficulté, et chaque pas, chaque foulée était courte, malaisée. Emporté dans le flot d'hommes, chariots et charrettes, tractés par des mules ou d'éthiques haridelles, servaient à déplacer les impotents, ceux dont le handicap ou les mutilations empêchaient de marcher, ceux que la faiblesse clouait sur place mais dont on espérait un futur rétablissement. Parfois, c'est un canon qui passait, de guingois sur son affut grinçant, qu'un train de chevaux de trait halait au milieu de la colonne. De loin en loin, quelques cavaliers, arquebuse au creux du coude ou lance au poing, remontaient ou descendaient la colonne, éclaireurs ou courriers cherchant à préserver par la simple réalisation de leur tache, l'existence même de l'armée en retraite.
Impassible devant le spectacle de son armée battue, Pappenheim pensait déja à l'avenir. Il envisageait les options qui s'offraient à lui, estimait les capacités de ravitaillement que pouvait offrir la prochaine bourgade que son armée allait rencontrer, Freising, en plein territoire Bavarois, l'emplacement ou il pourrait se reconstituer. Déja quelques uns de ses lieutenants étaient partis avec des lettres quémandant de l'aide à leur protecteur. Il lui fallait des fonds, de l'argent frais, pour enrôler de nouvelles troupes, pour ré-équiper celles qui lui restent, pour se refaire. Pour lui, la guerre continuait.

Dans le nord de l'Allemagne, Mansfeld pour sa part, investissait le Mecklembourg en quelques semaines.
Georg Friedrich de Bade-Durlach revint de Besançon à Tutlingen.

Round2 catholique

L'avance victorieuse de Kristian IV, que Pappenheim n'avait pas réussi à contrer, fit réagir la cour de Vienne. Loin de se désintéresser du sort des armées bavaroises et des déconvenues de Maximilien, l'Autriche comptait bien qu'une bonne coopération permettrait de reprendre l'initiative une fois la vallée du Danube sécurisée.
Le fait que la Hongrie soit rentrée dans le rang permettait d'ailleurs de se focaliser sur le danger danois.
Il fallait cependant réunir rapidement une importante armée, or le temps manquait, et l'argent peinait à s'accumuler.

C'est alors qu'apparut sur le devant de la scène un officier qui sortait un peu du rang.
Albrecht Wallenstein, la quarantaine enrobée, issu de la noblesse tchèque, converti au catholicisme, avait fait campagne au sein de l'armée impériale dès 1604. Ses premières armes furent effectuées en Hongrie.
Lors de la campagne contre Bethlen Gabor, il se fit remarquer de la chancellerie impériale.
Il avait en effet financé et armé un régiment pour le compte de Ferdinand II en un temps record. Lors de la préparation de la campagne qui mit fin à la dissidence de Bethlen Gabor, il prônait une action résolument offensive et rapide, se heurtant à la prudence de Buquoy.
Son entregent lui permit de se faire entendre auprès des plus hautes sphères impériales, et il obtint aisément l'oreille de l'Empereur Frederic II. Il se faisait fort d'assembler une puissante armée, et promettait à l'envie une campagne rapide et décisive contre l'armée danoise.
Aussi obtint t'il de l'Empereur la charge de général en chef de l'armée autrichienne, supplantant même le vieux et fidèle Buquoy à ce poste.

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Dans ses bagages, il amenait un officier florentin dont les qualités avaient attirés l'attention sur lui: Ottavio Piccolimini, duc d'Amalfi. L'italien avait servi parmi les cuirassiers du comte Pappenheim avec brio. Wallenstein le débaucha et en fit son second pour la campagne qu'il préparait.

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Cette ascension rapide n'était guère du gout de tous.
Matthias Gallas, comte de Campo et duc de Lucera, entre autre, acceptait mal la primauté dont Wallenstein bénéficia d'une façon fulgurante. La prétention du Tchèque se heurtait souvent à la susceptibilité toute latine de Gallas ( NB: ce fut différent IRL )

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round3
Du coté protestant, Kristian IV semblait avoir pris ses quartiers dans les environs de Ingolstadt. La cité fortifiée bavaroise ne subissait qu'un siège somme toute fort lâche. Tout accaparé à la tache de trouver un financement, Christian de Brunswick et Kristian IV n'avaient rien entreprise de déterminant pour s'emparer de la place forte.
Pour financer les troupes protestantes qui faisaient peser leur poids sur la Ligue Catholique, le royaume de Suède n'hésita pas, encore une fois, à fournir un effort important en versant d'importantes quantités d'or au parti protestant.

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Fort de l'attentisme affiché par l'armée protestante, Wallenstein préparait sa campagne.
Il attira à lui toutes sortes de soudards sans scrupules, d'aventuriers en quête de butin aisé, de soldats en rupture de contrats, de fanatiques exaltés, de désœuvrés, de crapules cherchant à se faire oublier. Il amalgama à cette foule bigarrée plusieurs unités déjà constitués attirées par des promesses de butin et par son étoile montante.
(recrutement impérial= 1 milice et 1 mercenaire ).
Gallas, pour sa part, fut humilié par Wallenstein qui se moqua ouvertement de la platitude de la bourse de celui-ci, et qui se retrouvait incapable d'armer par ses propres soins de nouveaux régiments.

Round4
Laissant le soin à l'imposante armée impériale de Wallenstein de combattre les deux Christians, Pappenheim mit de la distance entre lui et l'armée danoise. Il abandonna Freisburg pour s'abriter à Munich, où il espérait pouvoir reformer une force digne de ce nom.
De son coté, Cordoba quittait son sanctuaire des Flandres Espagnoles. Le général espagnol y avait ramené son armée une fois le Bas Palatinat conquis, afin d'être au plus près de ses sources de ravitaillement. Mais, au vu des progrès de Georg Friedrich von Bade-Durlach, il reprit le chemin de la vallée du Rhin, avec comme objectif la mise au pas des protestants badois. Depuis Luxembourg, son armée atteint Mannheim.

Alors que l'automne s'annonçait déjà et les paysans débutaient leurs moissons, l'armée de Wallenstein s'ébranla depuis les faubourgs de Vienne. Progressant en remontant le cours du Danube, elle laissait dans son sillage quelques injustices et rapines, mais propageait également la maladie dont souffrait ses soldats.
(nb: attention à ne pas toujours interpréter le terme "pestis" utilisé dans les textes d'époque, correspondant à une pestilence, une infection, et pas forcément la "peste", bien que celle-ci ait été avérée en plusieurs cas durant la guerre de Trente Ans. Elle ne fut pas la seule épidémie qui suivait le trajet des armées en campagnes).

Approchant de Ingolstadt, l'armée impériale s’apprêtait à combattre les troupes protestantes. La rencontre eu lieu à quelques lieu de la ville, par un matin brumeux et froid.
Trompé par le brouillard, Wallenstein ne distinguait pas la totalité du dispositif ennemi. Kristian IV de Danemark avait disposé une partie de ses mercenaires à l'arrière d'un petit bois, pour les conserver en réserve, et Christian de Brunswick Luneberg avait disparu dans la brume glaciale du matin.

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Wallenstein fit l'erreur de détacher Charles de Lorraine en avant pour éclairer son axe de progression. Donnant sur le centre danois, Charles de Lorraine ordonna aussitôt l'assaut de ses régiments. Il donna droit sur les quelques couleuvrines de cuivre de Kristian IV, qui entamèrent les lignes autrichiennes et fauchèrent Charles de Lorraine.

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Inconscient de la mort de son subordonné, Wallenstein prit conscience que son avant garde se faisait écharper. Il fit avancer ses régiments pour soutenir l'avant-garde. Il lui fallait pour cela passer par un passage resserré entre un bois et un marécage que l'on trouve en si grand nombre à proximité des berges du Danube. Ses lourdes formations donnèrent lourdement sur les régiments danois, qui connurent un moment de flottement, encaissant de sérieuses pertes.

Mais en s'étant avancé rapidement vers le centre ennemi, Wallenstein offrit le flanc aux réserves de Kristian IV.
Il aurait fallu dresser un mur de feu face aux troupes danoises. Mais l'humidité ambiante avait gâchée la poudre des impériaux. L'arquebusade des troupes autrichiennes fut un pétard mouillé, et le choc des piquiers danois fut terrible.
Piccolimini se révèla vite conscient que la situation échappait à son camp. Il rallia des régiments pour contrer les réserves danoises, déclenchant un brutal corps à corps des grandes formations de piquiers au sein desquels quelques mousquetaires faisaient le coup de feu.
L'armée impériale aurait encore pu rétablir la situation. Christian de Brunswick Luneberg émergeant du brouillard sur l'aile droite impériale acheva toute idée de l'emporter. Les unités impériales cédèrent et plièrent, dans un chaos indescriptible. Les bouches à feu de Kristian IV profitèrent de l'engorgement créée au point de passage étroit par où été arrivé les impériaux, causant de lourdes pertes. En dépit de tous les efforts de Wallenstein et de Piccolimini, la déconfiture de l'armée impériale était totale.
( armée catholique, 2 aux dès à +3 (soit 5), armée protestante 9 aux dès ).

L'ordre de bataille des 2 camps. La photo étant trop floue, j'ai préféré créer une image par vassal.

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Alors que l'armée autrichienne se retirait vers Regensburg, les critiques se mirent à pleuvoir sur Wallenstein. Chacun des autres officiers de l'armée y allait de son couplet, et même le fidèle Piccolimini critiqua la décision de s'engouffrer dans le passage étroit qui conduisit au désastre.
Le lendemain de la bataille, Piccolimini menait des actions d'arrière garde, s'assurant que l'armée danoise ne menait pas de poursuite. Buquoy avait enfourché son cheval, et avec son état major, ralliait régiments et bandes éparses et cherchait a redonner de l'ordre à l'armée.
Wallenstein occupait une modeste maison réquisitionné pour son usage pour la nuit. Il venait de terminer l'écriture d'une lettre à l'adresse de l'Empereur, excusant sa défaite, en expliquant les raisons, sollicitant bienveillance et patience, et surtout réclamant d'autres fonds, pour assurer la solde de ses troupes et enrôler de nouveaux bataillons.
Matthias Gallas entra dans cette maison, sans avoir été invité ni s'être fait annoncer. Une froide colère l'animait, et il invectiva Wallenstein qui lui battit froid, le considérant comme vétille. Gallas ne le supporta pas. Il poignarda Wallenstein, pendant que l'aide de camp de Gallas maitrisait le serviteur de celui-ci.
La première réaction de Gallas fut la fuite. Mais il obtint bien vite le pardon de l'Empereur. Celui-ci en effet ne paraissait pas attristé par la disparition d'un général qui lui avait promis la victoire et avait échoué.

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(nb: IRL cela ne s'est pas passé ainsi bien sur, mais Gallas fut bel et bien au nombre des assassins de Wallenstein.
nb2 : je n'ai jamais compris l'utilité de faire une règle spéciale pour Wallenstein; dès que je joue catholique, ce type recrute deux ou trois troupes, puis se fait dégommer à son premier comba
t :ko: ).

round 5
Les déconvenues s'accumulaient pour le camp catholique. A l'instigation des princes protestants et de la Ligue évangélique, les Turcs Ottomans lancèrent à nouveau une série de raids contre les possessions impériales. La défaite de l'armée de Wallenstein leur avait donné des ailes.

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(encore une fois, les cartes événements font un retour rapide dans la main du camp protestant qui n'a quasiment plus de cartes à jouer).
Une nouvelle rassurante vint de la Valteline. Les troupes milanaises étaient venues au secours des ligues catholiques locales, et chassèrent les troupes protestantes des Grisons, qui n'étaient plus soutenues par le Marquis de Mercoeur depuis belle lurette. La Valteline était à nouveau ouverte.

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Round6
L'argent venait à manquer dans le camp impérial. Si Piccolimini fit un effort intense pour se faire octroyer des subsides et payer son armée, celle de Cordoba accumulait les arriérés. La soldatesque espagnole avait beau être discipliné, cela ne suffit pas à la maintenir en place: les Tercios se mirent à piller la région de Mannheim, et les désertions affaiblirent les précieuses unités de vétérans ! (1 pillage, 1 pas de pertes).

Fin de tour.
A la périphérie de ce chaudron bouillonnant qu'était l'Allemagne, et où les affaires impériales paraissaient si mal engagées, la puissance des Habsbourgs d'Espagne remportait quelque succès aux Provinces-Unies.
Privé de tout secours, la place de Bergen op Zoom se rendit au marquis de Spinola. Les Provinces-Unies perdaient là un important débouché sur la mer du nord, grévant ses rentrées fiscales et amenuisant le volume de son si florissant commerce. Les aides financières des Provinces-Unies à la cause protestante allait immanquablement se réduire.
Mais l'inquiétude catholique était grande. En dépit de la guerre qui frappait l'Angleterre et des défaites hollandaises, qui allaient dans le sens d'une réduction des subsides au parti protestants, les armées de celui-ci volaient de victoire en victoire.


zones controlées à la fin du tour 4 :

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