Une intronisation modeste fut demandée par Frédérique-Louise, l'héritière du trône en l'absence de descendance masculine assez âgée pour assumer le gouvernement. La guerre pour sa succession s'annoncait ardue, aussi voulait-elle donner un exemple de modestie et d'economie. Les Provinces-Unies avaient entendu parler de la flotte prussienne et craignaient pour leurs voies commerciales. L'avènement d'un monarque féminin en Prusse leur donnait une excuse pour déclarer la guerre à ce voisin de part trop encombrant à leur goût.
L'Autriche et la Hongrie étaient elles assoiffées de vengeance et vitupéraient à l'encontre de ceux qui les avaient privés de leurs terres bohémiennes si riches. Les difficultés de leurs alliés bavarois contribuaient encore plus à leur désir de briser les reins de cette puissance émergente s'étendant à leurs portes.
La reine était un personne d'âge mur qui avait passé le plus clair de sa vie dans ses possessions personnelles de Dahlen, dans l'Altmark. Loin des intrigues de cour et de la vie mouvementée des grandes villes de la Hanse, elle était d'un caractère réservé et quelque peu austère. Profondément croyante et dotée de quelque éducation, elle était très attachée à ses principes et avait toujours travaillé à améliorer le sort des paysans, ce qui lui valait une sympathie certaine auprès du peuple.
La noblesse par contre considérait cette personne comme un exote malvenu dans le monde d'apparat et de splendeurs qu'avait laissé Frédéric Ier à sa mort. La cour craignait pour ses avantages et les artistes pour leur paye.
Si Frédérique-Louise était tout sauf préparée à exercer le pouvoir, elle pouvait du moins compter sur un solide gouvernement. Les ministres furent tous confirmés par Sa Majesté, qui avait beaucoup de respect particulièrement pour le Garde du Trésor, Adam von Viereck, un génie sans pareil dans son domaine. Le ministre de la guerre Adam Kurtig fut enchanté par les promesses de la reine de maintenir une forte armée, et encore plus par son désintérêt pour les détails du métier, ce qui lui permettait d'étendre son pouvoir considérablement.

Les opérations militaires furent instantanément dynamisées du fait de la prise en main du pouvoir de décision par Adam Kurtig. Alexander zu Dohna-Schlobitten reçut l'ordre de prendre d'assaut la forteresse de Breslau, clé de la Silésie isolée du reste de l'Autriche, ordre dont il s'acquitta en l'espace d'un mois. Seules quelques milices éparses avaient eu le temps de se former pour combattre son armée. Leopold von Anhalt-Dessau devait lui s'avancer vers Munich pour enfin mettre un terme aux agissements bélliqueux des Wittelsbach. L'Empereur était pressé de toutes parts et ne savait où donner de la tête!

Frédérique-Louise préférait se consacrer au commerce, et signa des traités avec les empires perse et marathe. Des produits manufacturés en Prusse quittaient le pays, et de précieuses épices ainsi que de riches tissus y arrivaient enfin. Les évènements la rattrapèrent cependant et c'est avec anxiété qu'elle apprit que les Autrichiens avaient envoyé une armée pour briser le siège de Munich. Leopold von Anhalt-Dessau se retrouvait dans une situation difficile.
En tant qu'un des des plus grands généraux de son temps, il n'avait bien sur pas omis de retrancher solidement ses régiments. Pas un jour n'avait été perdu à se réjouir d'avoir acculé les Bavarois, leurs forces n'avaient pas été sous-estimées. "Faire couler la sueur plutôt que le sang" est une parole de von Anhalt-Dessau pour laquelle la troupe l'adulait. C'était donc une armée bien préparée qui s'apprêtait à affronter les forces austro-bavaroises.
Les Bavarois, qui devaient affronter les Prussiens à l'abri derrière leurs fortifications rudimentaires, avaient beaucoup de mal à avancer. Mousquets et bayonettes leur barraient le passage déjà obstrué, et les Autrichiens ne semblaient pas vouloir arriver. Beaucoup de soldats tombèrent dans des pièges, se blessèrent sur des pieux ou s'enfoncèrent dans les masses de paille et de terre qui protégaient leurs ennemis des nuées de plomb qui les aurait fauchés par rangs entiers en temps normal.
Et justement ces Autrichiens qui devaient apporter la victoire étaient aux prises avec les dragons et hussards prussiens, empêchant toute aide rapide. L'infanterie avait du mal à se frayer un chemin à travers la neige, et ne pouvait qu'observer de loin la sauvage forêt de sabres qui s'affrontait au loin.
La cavalerie prussienne était d'ailleurs bien supérieure en nombre et n'avait pas souffert d'une longue marche pour arriver sur le champ de bataille. Le moral ennemi flanchait rapidement après la disparation des drapeaux des régiments de cavalerie.
L'infanterie qui avait déjà vu ses rangs clairsemés par les nombreuses attaques infructueuses sur les positions d'artillerie, fuyait le champ de bataille, désorganisée. Ci et là, les combats continuaient, mais le gros de l'armée austro-bavaroise était en fuite. Le colonel zu Hohenlohe, qui commandait les fringants hussards, demanda la permission de poursuivre l'ennemi en déroute, et fit montre d'un rugissement atavique en entendant la réponse positive. Peu de Bavarois et d'Autrichiens échappèrent à leur fureur.