Epilogue
Les Empereurs Guillaume II et Charles Ier, le Tsar Ferdinand Ier et le Sultan Mehmet V confèrent à Bruxelles sur le nouvel ordre à établir en Europe et dans le monde. Les coûts de la guerre ont été très hauts, dévastateurs même. Toute une génération d'adultes est mutilée, des millions de cadavres parsèment l'Europe et le monde. Qui est responsable ?
Après la capitulation française, le Royaume-Uni a signé un armistice, au bout de ses forces. Les États-Unis d'Amérique ont fait mine de ne pas être intervenus et se sont réfugiés dans leur neutralité derrière l'Atlantique.
Au cours de longues conférences ayant lieu dans les différentes parties de la ville, d'intenses tractations prennent place. L'Empire Ottoman reste relativement passif et ne demande que la réintégration de l'Egypte dans son orbite, ainsi que le protectorat de la Tunisie, de l'Algérie, du Maroc . La Bulgarie se contente également d'interférer dans des questions territoriales relatives à son voisinage, et s'arroge de larges parts de la Serbie et de la Grèce. Jusque-là, l'harmonie règne parmi les empires victorieux.
La question de la culpabilité pour cette guerre sans mesure reste longtemps sans réponse. Les travaux de la commission d'enquête de l'OHL dans les archives françaises renforcent peu à peu les préjugés politiques de Guillaume II, fervent adversaire du Royaume-Uni, en qui il voit la principale nuisance pour une domination de l'Europe. Avec sa colonisation à outrance, son énorme essor industriel, sa perfidie, sa flotte destinée à soumettre les autres, son arrogance, sa volonté d'ordonner les affaires européennes à sa guise, ses traditions surannées, son expansionnisme hors de toutes proportions, il n'y a plus de doutes : le Royaume-Uni est reconnu seul coupable et portera l'écrasant poids de la culpabilité pour cette guerre.
"La liberté des mers" – l'Angleterre, suceuse de sang
En conséquence, le Royaume-Uni perd toutes ses colonies, que se partagent l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. L'Inde retrouvera son indépendance, l'Irlande passe sous administration de la ligue impériale, une organisation qui sera créé sous peu et regroupera les états voulant participer constructivement à l'établissement d'un monde plus serein. L'Ukraine et les pays baltes en seront les premiers états signataires après les fondateurs.
De plus, le Royaume-Uni déjà déchiré par grèves et manifestations devra dissoudre selon le traité de Boitsfort son union avec l'Écosse et le Pays de Galles. Peu après la publication des demandes impériales, un coup d'état aura lieu à Cardiff, devant les yeux médusés d'une maigre garnison britannique. La république de Galles est proclamée, rapidement renversée par les socialistes, puis en proie à une longue guerre civile. À Londres, des extrémistes républicains, les "Gardes de Cromwell", veulent continuer la guerre, alors que tout le pays est à terre. Ils soulignent que les Allemands n'ont jamais mis pied en Grande-Bretagne, et que la défaite n'est due qu'aux socialistes, catholiques, juifs et aristocrates imbibés qui ont trahi le pays. Les origines allemandes de la maison royale ne plaident pas en sa faveur, la maison Saxe-Cobourg-Gotha devra rendre des comptes. On murmure même que Sa Majesté George V aurait envoyé des documents secrets aux Allemands dès 1916 via l'ambassade de Suisse pour s'assurer qu'il resterait au pouvoir après la guerre.
La Royal Navy doit abandonner tous ses navires de plus de 10 000t. Chars, avions et artillerie lourde sont également interdits sur le territoire anglais. Une nouvelle guerre doit être évitée à tout prix.
Et l'Ouest, me direz-vous ? L'Empereur Charles a de justesse pu éviter les annexions les plus folles dont rêvait Guillaume II. Le chancelier Bethmann-Hollweg, outré par ce veto, se serait écrié "Vous êtes pro-français !", provoquant un tollé. Néanmoins, de nombreux commentateurs ont critiqué l'annexion du bassin minier de Briey, de Liège et de Namur, du Luxembourg, des colonies françaises. Ne sème-t-on pas les fondements d'une nouvelle guerre ?
L'Autriche-Hongrie sera-t-elle vraiment en état de contrôler la Libye et l'Afrique du Sud, alors qu'elle a également repris le contrôle de toute l'Italie du Nord, comme il y a un siècle ? La question est vaste, et si la France ne s'en est pas trop mal sortie par rapport à son voisin insulaire, la colère n'en est pas moins grande. Jean Pierre Clément Marie d’Orléans avait hérité du pouvoir à la chute de la IIIe République, et son autorité initialement assez forte a été dangereusement élimée par les clauses du traité de Beauvechain, réglant la paix avec la France. Le connétable Palpatine, avec l'approbation des forces d'occupation, a formé des unités paramilitaires nourries par les flots de vétérans désormais sans emploi. A la réputation sulfureuse, ces troupes sont employées pour réprimer toute forme de protestation. Le maréchal Griffon milite à main armée pour une séparation de la Bretagne, ses milices tiennent plusieurs places fortes et contrôlent ce qui reste de la marine.
L'Italie, amputée de ses centres industriels, est dépendante d'importations venues d'Autriche-Hongrie. Le traité de Grimbergen reste une tâche sur l'honneur du pays, le mouvement fasciste compte bien la laver. Moins connu, le traité de Rixensart impose des réparations de guerre au Japon.
Les conférences de Bruxelles auraient dû régler tous les problèmes européens et créer un nouvel ordre international. L'Europe, loin d'être apaisée, bouillonne de toutes parts. Les populations d'Allemagne et d'Autriche-Hongrie, épuisées, saignées, ne veulent pas de nouvelles guerres et refusent catégoriquement d'envoyer des contingents en Russie pour décider la guerre civile en faveur des Blancs. Les caisses sont vides, les artères aussi, un gigantesque travail de reconstruction attend le continent. Sur le chemin à prendre pour surmonter ces défis, les avis divergent, en Allemagne comme en Europe.
Un avenir radieux ? Ce sont plutôt les nuages de la discorde qui traversent à nouveau l'Europe ...
