190 EC - Première année de l'ère Chuping
L'empereur Ling était prématurément décédé l'année précédente. Le clan impérial avait supporté la succession de son fils aîné Liu Bian, âgé de 13 ans, qui fut intronisé sous le nom de règne Shao. Les eunuques de la cour, puissants et corrompus, préféraient le plus vif cadet Liu Xie, un garçon de 8 ans. Les deux cliques en vinrent à l'affrontement ouvert. La vendetta ne prit fin qu'avec leur élimination totale. Le rustre préfet Dong Zhuo de Tianshui avait été appelé au secours du clan impérial. Lorsqu'on lui ouvrit lui portes de la capitale de Luoyang, personne ne fut en mesure de lui contester le siège vacant de la régence impériale. Il se proclama Grand Tuteur, adopta le redoutable guerrier Lu Bu et commença un règne de terreur.
Dong Zhuo finit par commettre l'irréparable en poussant Shao à abdiquer pour introniser Liu Xie, qui prit comme nom de règne Xian. Une cabale de ministres de la cour complota contre le tyran. A sa tête se trouvait le préfet de Chenliu Cao Cao, qui avait feint la loyauté pour émousser la vigilance de Dong Zhuo. Mais son bras trembla au moment de porter le coup fatal et il dut prendre la fuite, non sans diffuser aux quatre coins de l'empire un appel aux armes pour renverser Dong Zhuo.
Répondant à cet appel, dix-neuf seigneurs de guerre se joignirent pour former une coalition visant à restaurer le pouvoir des Han. Le plus puissant d'entre eux et le leader naturel fut le seigneur Yuan Shao, issu d'une prestigieuse famille de fonctionnaires ayant de larges domaines au nord du Fleuve Jaune. Tous ses suivants étaient des officiels renommés, à l'exception du dix-neuvième et dernier seigneur : Liu Bei.
Liu Bei prétendait descendre de l'empereur Jing des Han par une branche cadette. Il était plus certainement un fabricant de sandales de paille d'un petit village du nord qui s'engagea pour la cause des Han lorsque la révolte des Turbans Jaunes éclata il y a quelques années. Il noua un serment de fraternité avec un fugitif nommé Guan Yu et un boucher nommé Zhang Fei, les trois jurant devant les Cieux qu'ils rétabliront l'autorité des Han sur le pays ou qu'ils périront ensemble. Le trio combattit avec honneur et fut affecté comme officiers dans la petite ville de Pingyuan. Liu Bei s'y forgea une réputation d'homme honorable et vertueux, proche du petit peuple. Les grands officiers restèrent de marbre devant les actes de Liu Bei, jusqu'à ce que Guan Yu triompha du redoutable général Hua Xiong, offrant à son frère juré la place de dix-neuvième seigneur de la coalition.
Les loyalistes triomphèrent de Lu Bu devant la porte de Hulao, s'ouvrant les portes de la capitale. Mais le spectacle qui s'offrit à leurs yeux dépassa leurs pires craintes :
Luoyang a été réduite en cendres, sa population déplacée avec la cour et l'empereur, les tombes sacrées profanées. Dong Zhuo s'enfuit dans la précipitation vers Changan, la capitale primitive de l'empire Han. L'alliance avait échouée et s'embourba dans des querelles internes. La coalition, après à peine six mois d’existence, vola en éclats au printemps 190. Dans le plus grand cynisme, les seigneurs de guerre abandonnèrent l'empereur aux mânes du tyran Dong Zhuo pour retourner dans leurs commanderies respectives pour consolider et accroître leur propre pouvoir.
Mis devant le fait accompli, Liu Bei et ses frères prirent le chemin de l'est avec une troupe. Fuyant les Plaines Centrales dévorées par la révolte et la corruption, ils espèrent trouver refuge auprès des sages lettrés de la péninsule, les gouverneurs Kong Rong et Tao Qian. Après plusieurs semaines de marche et l'épuisement de la plus grande partie de leurs vivres, ils décident de faire étape dans la commanderie de Dong, non loin de la côte. Hélas, ils découvrent que la région est sous la coupe des rebelles turbans jaunes.
(Indicateur vert = Armée du joueur, indicateur rouge = armée ennemie, carré gris = Luoyang, la cité impériale désertée)
Un homme du nom de Zhao Bo a assassiné le dignitaire local et rallié un agrégat de mécontents, de vauriens et de bandits sous la bannière de la Voie de la Paix. Zhang Jue, le fondateur de cette secte taoïste qui ravagea l'empire il y a cinq ans, était trépassé depuis bien longtemps. Néanmoins sa pensée continue de rassembler des petites gens désabusés par l'administration centrale et incapables de comprendre le grand plan des Cieux.
Liu Bei comprend néanmoins la détresse sincère du petit peuple, depuis trop longtemps délaissé au profit des intrigues du palais. Sa traversée du pays lui a douloureusement rappelé les ravages de la nature et des hommes sur les récoltes et les bâtisses. Son empathie lui a attiré les faveurs des basses classes et il s'est attribué le devoir de leur redonner foi dans l'institution déclinante des Han, par la vertu et le juste châtiment délivré de ses lames jumelles.
Son frère aîné de serment, Guan Yu, se révèle être un prodigieux duelliste. Sa face rouge, ses sourcils broussailleux et sa longue barbe de jais le distinguent entre tous dans n'importe quelle assemblée.
Zhang Fei, le cadet, est un combattant tout aussi hors-pair, mais fougueux, imprévisible et excessivement porté sur le vin de riz. Il est un maître dans l'art de tailler les rangs.
Le trio est assisté par Jian Yong, un homme originaire du même village que Liu Bei, qui les suit depuis comme scribe et homme de lettres. C'est un homme efficace mais aux manières grossières.
Les troupes de Liu Bei sont essentiellement composées de volontaires sobrement armés de hallebardes, d'épées et de boucliers en osier appuyés par des milices d'arches. Deux régiments d'épéistes à cheval constituent une troupe de choc destinée à enfoncer les flancs ou neutraliser les tirailleurs adverses. Ces hommes sont dévoués à la cause de leur commandant et à la promesse d'une vie meilleure dans l'est. Le rapport des éclaireurs sur la troupe de turbans jaunes fait état d'une petite troupe mêlant des miliciens fanatiques, des braconniers et des paysans improvisés soldats. Aucune résistance cohérente, en somme. Le conseil de guerre ne s'éternisa pas : Liu Bei ordonna une charge générale sur la bande de maraudeurs, qui fut soufflée comme un fétu de paille.
Les moins zélotes d'entre eux jetèrent leurs armes et implorèrent pitié. Ceux qui le pouvaient furent intégrés dans les rangs de Liu Bei moyennant une pitance quotidienne. Le reste, dont Zhao Bo, fut passé au fil de l'épée. Liu Bei reprit la route en direction de Shanyang, une petite ville de la commanderie de Dong connue pour ses mines de fer. Les prisonniers avouèrent qu'elle était faiblement défendue et que l'armée de Liu Bei serait amplement suffisante pour l'occuper sans coup férir, d'autant plus qu'elle est dénuée de murailles.
Liu Bei et ses hommes arrivent à Shanyang au cours des semaines suivantes et, constant leur net avantage sur les rebelles, déferlent sur la cité. La garnison locale est anéantie.
La longue marche des trois frères s'achève au terme du printemps 190. Sans heurts, les nouvelles autorités des lieux se mettent en garnison. Ainsi commence la longue épopée de Liu Bei dans sa quête de restauration des Han...