Introduction - De l'indépendance à la révolution texane (1821-1835)
Figure 1 - Carte topographique du Mexique
En 1836, le Mexique fait face à la première crise de politique extérieure dans sa très jeune histoire. La situation intérieure n'est guère mieux. Depuis l'indépendance proclamée en 1821, il n'a toujours pas trouvé la stabilité politique nécessaire à l'enracinement de l'État¹. Le plan des Trois Garanties a jeté les bases d'un simili-commonwealth constitutionnel avec l'Espagne, mais le gros Ferdinand, en métropole, écarta l'option du revers de la main pour définitivement perdre la Nouvelle-Espagne. La Régence, dominée par les révolutionnaires Agustín Cosme Damián de Iturbide y Arámburu, José Miguel Ramón Adaucto Fernández y Félix dit Guadalupe Victoria et Vicente Ramón Guerrero Saldaña, pensa alors confier le trône à un cadet Bourbon. L'intransigeance du roi d'Espagne ferma à nouveau cette possibilité. Finalement en mars 1822, Iturbide se proclama empereur sous l'influence de ses conseillers. L'Empire mexicain était né.
Figure 2 - Agustin de Iturbide, Guadalupe Victoria et Vincente Guerrero
Le régime n'a pas fait long feu. Mécontentant les républicains Victoria et Guerrero, Iturbide régna avec le faste ridicule d'un Napoléon de la pampa. Son autoritarisme déplu rapidement aux gouverneurs régionaux qui se coalisèrent autour des revendications du plan de Casa Mata, censé rétablir la république. Augustin Ier régna dix mois puis quitta le pays dix mois plus tard sans opposer la moindre résistance. Un pouvoir exécutif suprême (
Supremo Poder Ejecutivo) dominé par Guadalupe Victoria, affublé de l'ex-compagnon d'Iturbide et tourne-casque Nicolás Bravo Rueda ainsi que de l'insignifiant Pedro Celestino Joseph Negrete y Falla, prend les rênes du pays. Le triumvirat accouche d'une constitution et d'une république que Victoria préside de 1824 à 1829.
L'on peut croire que la situation politique du Mexique se stabilise. Les premières élections du Congrès prouvent le contraire. Les forces politiques se polarisèrent entre
conservantes proches des Trois Garanties et les
liberales plus radicaux. Le résultat des suffrages donnent le conservateur Manuel Gómez Pedraza y Rodríguez gagnant, au grand mécontentement du libéral Vincente Guerrero. Celui-ci ne se fait pas prier pour mener un coup d'état, le plan de Perote, en avril 1828. Mal lui en prit, il fut lui-même renversé huit mois plus tard, après avoir été unanimement condamné par sa propre famille politique et ce jusqu'à Simon Bolivar. L'investigateur est Anastasio Bustamante y Oseguera, le premier président à ne pas être issu des leaders de l'indépendant mexicaine, qui décréta le plan de Japala.
Figure 3 - Anastasio Bustamante
Bustamante, conservateur rigide, exerce un autoritarisme encore plus important que celui de Guerrero. Celui-ci voit d'ailleurs sa tête mise à prix. Il finit par être dénoncé et exécuté en 1831 après une résistance armée farouche. Les libéraux toujours plus déçus s'organisent autour d'un autre militaire, Antonio de Padua María Severino López de Santa Anna y Pérez de Lebrón, qui prend la tête d'une révolte armée à Veracruz en 1832. Bustamante quitte la capitale et laisse la présidence à l'un de ses souillons, Melchor de Eca y Múzquiz, mais se fit cuire un canard par les insurgés. Acculé, il accepte l'accord de Zavaleta en décembre 1832 qui replace Pedraza, le gagnant des élections de 1829, dans le fauteuil présidentiel. Pedraza n'est en vérité qu'un "placeholder" pour chauffer le siège au profit de Santa Anna. Il céda quelques mois plus tard.
Figure 4 - Antonio Lopez de Santa Anna
Santa Anna, né en 1794, a d'abord servi dans les rangs de l'armée de Nouvelle-Espagne contre les chichimèques puis les insurgés. A la fin du conflit, il est contacté par Vincente Guerrero qui l'enjoint à rejoindre ses rangs. Il contribue à la prise de Veracruz et s'y fait son premier fait d'armes. Il rejoint l'empire d'Iturbide mais est déçu du manque de reconnaissance de son talent malgré un poste de lieutenant-général. Il soutient finalement les républicains, on lui offre en récompense la gouvernance du Yucatan puis de Veracruz. En 1829, une expédition espagnole arrive à Tampico dans un ultime sursaut pour restaurer son autorité. Il en triomphe et devient un héros national : On le surnomme désormais le Napoléon de l'Ouest. Tel un Cincinnatus, il se retire dans son hacienda et promets de ne plus revenir sauf si son pays à besoin de lui. Il se consacre alors à ses deux passions, les paris et les combats de coqs. Le coup de Bustamante le fait sortir de sa retraite. Acclamé commandant de la rébellion, il chasse le dictateur puis prend le pouvoir à l'invitation du Congrès.
Santa Anna est cependant ennuyé (ou effrayé selon ses détracteurs) par le pouvoir et se dérobe finalement pour l'offrir à son vice-président Valentín Gómez Farías, un
puros (libéral radical) déterminé à réformer le pays et réduire l'influence de l'Eglise et de la classe foncière. Entre 1833 et 1834, il transforme radicalement le Mexique pendant que Santa Anna joue au président d'opérette. Les élites sont effrayées par Farias et souhaitent une suspension des réformes. Santa Anna, qui a finalement un instant de lucidité, constate l'ampleur des dégâts et organisa une remise au pas qui aboutit à l'exil de Farias et des libéraux, le rétablissement des prérogatives de l'Eglise et de l'armée, l'abrogation de la constitution de 1824 et la mise en place des
Siete Leyes (Sept Lois) qui mettent fin au fédéralisme au profit d'une république centralisée dirigée depuis Mexico et organisée en départements à l'instar du modèle français. La nouvelle provoque la fureur dans plusieurs populations d'états périphériques, notamment au Coahuila y Tejas, dont la partie nord est majoritaire peuplée par des colons américains installés à la faveur des largesses économiques et politiques accordés par l'état mexicain. Les colons yankees, sous la houlette de Sam Houston, entrent en révolte ouverte à l'automne 1835. C'est le début de la révolution texane.
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Pour plus d'informations sur la période conduisant à l'indépendance, nous recommandons l'excellent Hubert De Palpatin, Le Sanglot des Maracas : la guerre d'indépendance mexicaine (1810-1821), Paris, Presses du Canard Fourré, 2010.