A toutes les gloires de la France.

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mad
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par mad »

J'etais completement passé a coté de ce recit :shock:
Ça va occuper mes a/r de train tiens :D
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Chef Chaudard
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par Chef Chaudard »

griffon a écrit : sam. avr. 20, 2019 6:44 pm Chaudard nous avons mieux à faire , A l’hôtel de ville ! :wink:

Avec les drapeaux rouges !
La société secrète de la Griffonerie ne restera pas secrète bien longtemps désormais
- On se bat, on se bat, c'est plutôt qu'on est comme une espèce de poste avancé, quoi. Dans le cas que... comprenez, une supposition, que les Allemands reculent, crac, on est là!
- Pour les empêcher de reculer...
- Non, pour euh..., la tenaille quoi.
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Emp_Palpatine
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par Emp_Palpatine »

Le 28 mai 1848 - Dénouement
Il n'y a guère lieu de développer le trajet vers l'Hôtel de Ville des députés s'étant soudainement vus affublés, mi-consentants, mi-terrifiés, le titre de "gouvernement provisoire".
La foule hurlante entourait le cortège, veillant à ce que ses nouveaux représentants ne profitassent pas d'un relâchement de la vigilance pour s'enfuir. Les radicaux triomphait, 1830 se reproduisait et cette fois-ci il n'y avait pas de Duc d'Orléans pour stopper leurs desseins, lesquels étaient clairs: on n'attendait du gouvernement provisoire la république et s'il ne la fournissait pas, eh bien l'on trouverait d'autres gouvernants.

La plume de M. Hugo résumera bien assez la naissance carnavalesque de la république.
Les quelques hommes qui, dans ces jours suprêmes et extrêmes, tenaient dans leur main le sort de la France, étaient eux-mêmes, à la fois outils et hochets, dans la main de la foule, qui n’est pas le peuple, et du hasard, qui n’est pas la providence. Sous la pression de la multitude, dans l’éblouissement et la terreur de leur triomphe qui les débordait, ils décrétèrent la République, sans savoir qu’ils faisaient une si grande chose.
On prit une demi-feuille de papier en tête de laquelle étaient imprimés les mots : Préfecture de la Seine. Cabinet du Préfet. M. de Rambuteau avait peut-être, le matin même, employé l’autre moitié de cette feuille à écrire quelque billet doux galant ou rassurant à ce qu’il appelait ses petites bourgeoises.

M. de Lamartine traça cette phrase sous la dictée des cris terribles qui rugissaient au dehors :

« Le gouvernement provisoire déclare que le gouvernement provisoire de la France est le gouvernement républicain, et que la nation sera immédiatement appelée à ratifier la résolution du gouvernement provisoire et du peuple de Paris. »

J’ai tenu dans mes mains cette pièce, cette feuille sordide, maculée, tachée d’encre, qu’un insurgé emporta et alla livrer à la foule furieuse et ravie. La fièvre du moment est encore empreinte sur ce papier, et y palpite. Les mots, jetés avec emportement, sont à peine formés. Appelée est écrit appellée.

Quand ces six lignes furent écrites, Lamartine signa et passa la plume à Ledru-Rollin.

M. Ledru-Rollin lut à haute voix la phrase : « Le gouvernement provisoire déclare que le gouvernement provisoire de la France est le gouvernement républicain... »

— Voilà deux fois le mot provisoire, dit-il.

— C’est vrai, dirent les autres.

— Il faut l’effacer au moins une fois, ajouta M. Ledru-Rollin.

M. de Lamartine comprit la portée de cette observation grammaticale qui était tout simplement une révolution par escamotage.

— Il faut pourtant attendre la sanction de la France, dit-il.

— Je me passe de la sanction de la France, s’écria Ledru-Rollin, quand j’ai la sanction du peuple.

— Mais qui peut savoir en ce moment ce que veut le peuple ? observa Lamartine.

— Moi, dit Ledru-Rollin.

Il y eut un moment de silence. On entendait la foule comme une mer. Ledru-Rollin reprit :

Ce que le peuple veut, c’est la République tout de suite, la République sans attendre !

— La République sans sursis, dit Lamartine, cachant une objection dans cette traduction des paroles de Ledru-Rollin.

— Nous sommes provisoires, nous, repartit Ledru-Rollin, mais la République ne l’est pas.

M. Crémieux prit la plume des mains de Lamartine, raya le mot provisoire au bas de la troisième ligne et écrivit à côté : actuel.

— Le gouvernement actuel ? dit Ledru-Rollin, à la bonne heure. J’aimerais mieux définitif. Pourtant je signe.

À côté de la signature de Lamartine, signature à peine formée, où l’on retrouve toutes les incertitudes qui bouleversaient le cœur du poëte, Ledru-Rollin mit sa signature tranquille ornée de ce banal paraphe de clerc d’avoué qu’il partage avec Proudhon. Après Ledru-Rollin et au-dessous, Garnier-Pagès signa avec la même assurance et le même paraphe. Puis Crémieux, puis Marie, enfin Dupont de l’Eure, dont la main tremblait de vieillesse et d’épouvante.

Ces six hommes signèrent seuls. Le gouvernement provisoire en ce moment-là ne se composait encore que de ces six députés.

Le cachet de la Ville de Paris était sur la table. Depuis 1830, le navire voguant sous un ciel semé de fleurs de lys, avec la devise : Prælucent certius astris, avait disparu du sceau de la Ville. Ce sceau n’était plus qu’un simple cercle figurant un grand zéro et portant à son centre ces seuls mots : Ville de Paris. Ledru-Rollin prit le cachet et l’apposa au bas du papier, si précipitamment qu’il l’imprima renversé. Personne ne songea à mettre une date.

Quelques minutes après ce chiffon de papier était une loi, ce chiffon de papier était l’avenir d’un peuple, ce chiffon de papier était l’avenir du monde.

La République était proclamée. Alea jacta, comme l’a dit plus tard Lamartine.
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Modifié en dernier par Emp_Palpatine le mer. mai 08, 2019 5:00 pm, modifié 2 fois.
Vous pensez tous que César est un con? Vous pensez que le consul et son conseiller sont des cons? Que la police et l'armée sont des cons? Et vous pensez qu'y vous prennent pour des cons? Et vous avez raison, mais eux aussi! Parce que depuis le temps qu'y vous prennent pour des cons, avouez que vous êtes vraiment des cons. Alors puisqu'on est tous des cons et moi le premier, on va pas se battre.
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griffon
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par griffon »

Ledru Rollin ! Le premier "radsoc" ! :D
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par GA_Thrawn »

— Je me passe de la sanction de la France, s’écria Ledru-Rollin, quand j’ai la sanction du peuple.
J'ai l'impression de lire du Mélenchon dans le texte :lolmdr:
« Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. »
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par Emp_Palpatine »

On vit, au 29 Mai, surgir sur les murs de Paris ces affiches, reproduites dans le Moniteur.
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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Citoyens!

Le gouvernement provisoire déclare que le gouvernement actuel de la France est le gouvernement républicain, et que la nation sera appelée à ratifier par son vote la résolution du gouvernement provisoire et du peuple de Paris.

Lamartine; AD Crémieux; Ledru-Rollin; Garnier-Pagès; Dupont (de l'Eure); Marie.
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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Le gouvernement provisoire arrête :

La Chambre des Députés est dissoute.

Il est interdit à la Chambre des Pairs de se réunir.

Une Assemblée Nationale sera convoquée aussitôt que le Gouvernement Provisoire aura réglé les mesures d'ordre public et de police nécessaires pour le vote de tous les citoyens.

Lamartine; Ledru-Rollin; Louis Blanc.
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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Le Gouvernement Provisoire de la République déclare adopter les trois couleurs comme elles étaient disposées pendant la République.

Le drapeau bleu-rouge-blanc doit être arboré sans délai sur les monuments et établissements publics.
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Le drapeau portera ces mots : République française - Liberté Egalité Fraternité.

Dupont (de l'Eure); Lamartine; Garnier Pagès; Arago; Marie; Ledru-Rollin; Crémieux; Louis Blanc; Marrast; Flocon; Albert.
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Le Gouvernement Provisoire décrète:

Les fonctionnaires de l'ordre civil, militaire, judiciaire et administratif sont déliés de leur serment.

Les membres du gouvernement provisoire de la République française.
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Le Gouvernement Provisoire adopte les principes suivants :

- L'Assemblée nationale décrètera la Constitution;
- L'élection aura pour base la population;
- Le suffrage sera direct, universel et sans condition de cens;
- Tous les Français âgés de vingt et un ans seront électeurs et que tous les Français âgés de 25 ans seront éligibles.


Les membres du gouvernement provisoire de la République française.
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par Emp_Palpatine »

La saison 2 approche, elle sera pleine de rebondissements.

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Message par griffon »

Les barons De Coelio et Thrawniac y ont ils un avenir ? :?
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par Emp_Palpatine »

Les premiers jours du Gouvernement Provisoire


I. Considérations sur la monarchie de juillet. Stupeur du pays. Suivisme des administrations et de l'armée. Le régime déchu n'est pas défendu. Caractères particuliers de la révolution de 1848 par rapport à 1830.
II. Les premières décisions du Gouvernement Provisoire. Le chaos parisien menace le Gouvernement Provisoire. L'affaire du drapeau.
III. Réception de la révolution par les cours européennes. Lamartine courtise les ambassadeurs. Attentisme et prudence des puissances. La contagion est attendue. Coût diplomatique de la révolution.


I


Incarnée dans les institutions et les pratiques du régime de Juillet, la monarchie libérale et parlementaire avait été le gouvernement de la France pour une génération. Les 18 ans de règne de Louis-Philippe, s'appuyant il est vrai sur les fondations posées par la Restauration, avaient été une époque de prospérité pour l'industrie et le commerce. L'aisance de toutes les classes s'était accrue sans conteste et le bien commun avait bénéficié de la paix intérieure et extérieure entretenue par la politique prudente du régime déchu. Oubliée, à tout le moins marginalisée dans la mémoire nationale du fait des événements ultérieurs, elle resta rétrospectivement dans les mémoires individuelles sous une lumière teintée d'une certaine nostalgie.

A l'annonce, véloce car télégraphique, des événements parisiens et de la chute de la monarchie fut accueilli par la stupeur. De nombreuses questions agitaient l'opinion et les cafés, au premier rang desquelles la réforme électorale et la question dynastique, mais hormis dans les habituels foyers de contestation radicale, personne ne croyait la révolution proche. Dans un pays encore à 70% rural, de nombreux villages n'avaient pas vu l'ombre d'un pamphlet ou d'un harangueur radical et la réforme électorale n'inspirait que désintérêt ou indifférence polie. On comprend donc la surprise qui frappa le pays dans ces profondeurs où, comme en 1830, un caprice parisien faisait chuter un régime qui, à défaut d'être l'objet d'affections profondes, faisait partie du paysage et, surtout, était une garantie de stabilité et de paix.

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Le Gouvernement Provisoire allait devoir composer avec cette réalité et craignait, pour les mêmes raisons, et comme ceux de 1830, un "contre-coup" venu de loyalistes de province.

Pour qui se penche sur les archives, cette crainte du nouveau gouvernement transparaît dans la frénésie de décrets de nominations qui occupa le gouvernement de l'Hôtel de Ville pendant les premières heures et les premiers jours de son existence. Le gouvernement provisoire s'occupa d'abord de la Garde Nationale, puis du commandement de l'armée et enfin des administrations. Pourtant,à sa grande habitude, l'administration courba l'échine et se révéla d'une servilité irréprochable, comme en 1814, 1815 - par deux fois- et 1830. Les préfets, maires ou magistrats les plus âgés avaient, il est vrai, déjà servi cinq régimes et n'avaient pas la bêtise et la grandeur de faire passer leur loyalisme dynastique et/ou constitutionnel avant la continuité de leur carrière. Sans coup férir, peut-être plus facilement encore qu'en 1830, le gouvernement provisoire s'assura le contrôle de la France par le biais de son administration.

Ainsi, la monarchie de Juillet et la dynastie ne furent pas défendus. Elles avaient échoué à le faire elles-mêmes, comme nous l'avons écrit, dans les rues de Paris, par naïveté et par pusillanimité. Mis devant le fait accompli, le pays n'allait pas prendre leur parti alors que la voiture de Louis-Philippe filait vers les ports. Que restait-il des projets, des suppliques de M. Thiers demandant un repli en Province? Les Princes eux-même, à l'image du Prince de Joinville, à Alger, suppliait leurs anciennes troupes et leurs chefs de rester loyales au gouvernement de la France. Enfin, des profondeurs du pays, l'abattement et la surprise ne suffirent pas à provoquer la colère et à allumer les feux de la chouannerie. La dynastie manquait d'attaches sentimentales dans les campagnes où le souvenir de branche aînée mais aussi la concurrence du souvenir Napoléonien venaient refroidir les ardeurs. C'est ainsi que sans être défendue, la monarchie de Juillet s'effaça, périssant d'avoir cru que les services rendus suffiraient à garantir l'affection et à effacer les ambiguïtés qui la poursuivaient depuis 1830.

Certains ont pu écrire depuis que l'Histoire se répétait, comme une tragédie puis comme une farce. 1848 semblait ainsi répéter la geste de 1830. Un régime solide disparaissait soudainement, emporté par une émotion parisienne. La comparaison s'arrêtait cependant là. Ainsi, 1830 avait déchaîné un radicalisme anticlérical qui empoisonna Paris et le pays jusqu'en 1832 et la reprise en main du pays par le ministère Perrier. Presque 18 ans s'étaient écoulés et la France avait connu pendant ces deux décennies un renouveau de la foi impressionnant qui inaugurait ce grand siècle religieux que fut le XIXème. Les émeutiers de 1830 saccagèrent l'archevêché, s'en prirent aux clercs et aux églises. Leurs fils démontrèrent le changement qui avait touché les coeurs. Pendant les journées de mai, nombreuses furent les scènes où des ecclésiastiques s'interposèrent entre la troupe et la barricade, empêchèrent par leur attitude le sang de couler. L'archevêque de Paris lui-même, crucifix à la main, fut acteur de telles scènes.
Le sac des Tuileries par la foule fut ainsi le théâtre d'une scène fort typique de l'esprit des émeutiers et de ce temps : alors que l'émeute pénètre dans l'Oratoire de la reine Marie-Amélie, l'émeute se découvre. Un individu s'empare du crucifix et fait mine de le jeter dans l'amas d'objet promis au brasier qui s’amoncèle dans la cour. Un polytechnicien, assisté du reste de la foule, l'arrête, saisit le crucifix et le présente à la foule "Voici notre maître à tous!". Les émeutiers se mirent ensuite en procession, sur le chemin de laquelle on se découvre et on s'agenouille, et portèrent ensuite l'objet saint à l’église St Roch où il fut confié au curé du lieu.

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Ce genre d'affaires n'étaient pas pour plaire aux plus radicaux, jusqu'au sein du gouvernement provisoire. Les difficultés consécutives à la révolution apparaissaient déjà alors que le rideau n'était pas encore tombé.

II


Contrôler l'émeute et survivre, voilà quelles étaient les priorités du Gouvernement Provisoire le soir du 28 mai et dans les heures consécutives. Porté au pouvoir par une minorité radicale qui avait chauffé à blanc la foule, il savait sa vie -et celle de ses membres- en danger réel.
Les premières mesures devaient donc calmer l'émeute et donner un peu de répit à l’Hôtel de ville. Nous avons vu quels marchandages avaient conduits à la proclamation de la république. Elle s'accompagna des décrets déliant les soldats et fonctionnaires de leurs serments envers le régime et la dynastie déchus puis de celui interdisant la réunion de la dernière institution encore debout de la Monarchie de Juillet : la Chambre des Pairs. Enfin, ceux appelant l'élection d'une constituante élue au suffrage universelle, première victoire des modérés contre les radicaux, furent pris.

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La convocation de l'Assemblée Nationale Constituante au 28 septembre, une fois les travaux des champs qui seraient la priorité de la France rurale seraient achevés.

Au 29 mai, l'émeute grondait toujours et à l'Hôtel de Ville, on ne voyait guère le flot descendre. Partout,des bandes braillardes passaient, arborant drapeaux et armes. Dans la journée, l’Hôtel de ville fit les frais de l'émeute qui l'avait porté au pouvoir et, à la satisfaction de Ledru-Rollin et d'autres radicaux du gouvernement, envahit le bâtiment, drapeau rouge en tête.
En cause étaient les couleurs nationales, adoptées par Louis-Philippe. Déjà, le Gouvernement Provisoire avait décrété un changement du pavillon national en adoptant un ordre de couleurs qu'il estimait plus proche de celui de la Ière république.

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Le drapeau adopté par le Gouvernement provisoire.

Parmi ses premiers décrets, ordre était donné aux bâtiments publics de pavoiser à ces couleurs plutôt qu'à celles associées à la monarchie de Juillet.

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Gravue d'époque où les protagonistes arborent le drapeau de mai 1848.

Cela ne suffisait pas à la foule radicale. Il était hors de question que subsistassent les couleurs de l'Empire et de Louis-Philippe : l'émeute menée par Blanqui exigeait à présent le drapeau rouge. Ledru-Rollin, de l'intérieur du gouvernement, soutenait le mouvement et prépara même un décret dans ce sens.
Lamartine, qui déjà avait fait la chute de la monarchie, allait pour la deuxième fois en une journée décider de l'avenir du pays. Par une harangue célèbre, le poète saisit la foule et la convainquit. Les couleurs nationales étaient sauvées.
« Voilà ce qu’a vu le soleil d’hier, citoyens ! Et que verrait le soleil d’aujourd’hui ? Il verrait un autre peuple, d’autant plus furieux qu’il a moins d’ennemis à combattre, se défier des mêmes hommes qu’il a élevés hier au-dessus de lui, les contraindre dans leur liberté, les avilir dans leur dignité, les méconnaître dans leur autorité, qui n’est que la vôtre ; substituer une révolution de vengeances et de supplices à une révolution d’unanimité et de fraternité, et commander à son gouvernement d’arborer, en signe de concorde, l’étendard de combat à mort entre les citoyens d’une même patrie !

Ce drapeau rouge, qu’on a pu élever quelquefois quand le sang coulait comme un épouvantail contre des ennemis, qu’on doit abattre aussitôt après le combat en signification de réconciliation et de paix. J’aimerais mieux le drapeau noir qu’on fait flotter quelquefois dans une ville assiégée, comme un linceul, pour désigner à la bombe les édifices neutres consacrés à l’humanité et dont le boulet et la bombe mêmes des ennemis doivent s’écarter. Voulez-vous donc que le drapeau de votre République soit plus menaçant et plus sinistre que celui d’une ville bombardée ?
[Ici, Lamartine fut interrompu par des discussions entre les émeutiers qui avaient envahi l'Hôtel de Ville et auxquels il s'adressait. Il reprit :]

Citoyens, vous pouvez faire violence au gouvernement, vous pouvez lui commander de changer le drapeau de la nation et le nom de la France. Si vous êtes assez mal inspirés et assez obstinés dans votre erreur pour lui imposer une République de parti et un pavillon de terreur, le gouvernement, je le sais, est aussi décidé que moi-même à mourir plutôt que de se déshonorer en vous obéissant. Quant à moi, jamais ma main ne signera ce décret. Je repousserai jusqu'à la mort ce drapeau de sang, et vous devez le répudier plus que moi, car le drapeau rouge que vous rapportez n’a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars, traîné dans le sang du peuple en 91 et en 93, et le drapeau tricolore a fait le tour du monde, avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie. »


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Lamartine rejetant le drapeau rouge, 29 mai 1848.

A qui avait suffisamment de clairvoyance apparaissaient limpidement les contradictions et les divisions dans lesquelles était pris le tout jeune gouvernement provisoire et qui ne pourraient être réglées par les urnes ou par le sang.

III


Les cours européennes accueillirent avec autant de stupeurs que la France la nouvelle de la chute de Louis-Philippe. On s'attendait à des troubles, à des querelles dynastiques ou constitutionnelles, au décès du souverain. Mais contrairement aux deux premières années suivant 1830, son règne paraissait bien assuré et les institutions enracinées. Ministères et ambassadeurs se mordirent les lèvres de n'avoir pas retenu les leçons de 1830. S'il y avait eu alors une crainte du retour aux années 1790, l'effet fut pire en 1848 : cette fois, point de Duc d'Orléans, c'était la république et ce mot, associé à la France, provoquait une sainte répulsion aux puissances européennes.

Lamartine, ministre des Affaires étrangères et de facto chef du Gouvernement provisoire, n'économisa pas ses efforts, sa plume, son verbe et son charme en ces jours cruciaux pour rassurer les ambassadeurs. Installé dans l'Hôtel du Président de la Chambre des Pairs, il recevait les diplomates, les charmait, courtisait et séduisait par les paroles les plus douces et rassurantes : le Gouvernement provisoire n'entendait pas mener sa diplomatie autrement que Louis-Philippe, d'autant plus qu'il attendait l'onction du suffrage. D'ingérence ou d'expansionnisme au delà des frontières, il n'y en avait pas à craindre. La république avait fort à faire avec ses propres problèmes et ne voulait que la paix de l'Europe et du monde.

Les puissances européennes écoutèrent avec patience mais, comme en 1830, restèrent attentistes. L'histoire récente leur avait appris qu'en proie à la révolution, la France était fort imprévisible et sujette aux sautes d'humeur et qu'il fallait se méfier de la bonne foi de gouvernements toujours menacés par plus radicaux qu'eux. Attendre était d'autant plus prudent que les puissances continentales constataient la contagion radicale partout à mesure qu'arrivait la nouvelle des évènements de Paris. Qu'importait que les troubles eussent commencé à Vienne avant même Paris, cette première victoire radicale de l'année promettait de galvaniser les révolutionnaires et, de ce seul fait, ne pouvait guère inciter les puissances à la sympathie avec la nouvelle république.

Quelle qu'eût été l'habileté et le charme exercé par Lamartine sur les ambassadeurs, la diplomatie française était un champ de ruine. Des diplomates en poste à Paris, aucun ne pu décemment accueillir chaleureusement le nouveau régime et s'engager sur le respect des traités et alliances conclus sous le précédent règne. Le lent développement de l'influence française en Espagne et en Italie, les relations cordiales avec le Royaume-Uni, tout ça était à refaire. L'Europe monarchique ne pouvait bien sûr pas se réjouir du renversement de Louis-Philippe et de l'avènement d'une république dans la plus grande puissance continentale. Pour Lamartine, la priorité était évidente : rassurer l'Europe, tenter de sauver ce qui pouvait l'être du système de la monarchie de Juillet et empêcher le retour de la Coalition. Les évènements allait servir, pour une fois, les intérêts du gouvernement provisoire.
Alors que la poussière retombait,seules les cours de Turin et La Haye, modérées et, pour ainsi dire, particulièrement liées à la France et prise dans le verbe de Lamartine, n'avaient pas dénoncé leurs traités avec nous. Tant, du moins, que la nouvelle république ne retombait pas dans les errements de l'ancienne.
L'Europe veillait mais elle aurait bien vite ses propres problèmes à résoudre.

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Du système de la monarchie de Juillet ne subsistent que le Piémont et les Pays-Bas.
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par griffon »

Pour qui connait la composition fortement Macron Compatible de l'assemblée constituante de 1848

la suite s'annonce agitée ! :?

Les "républicains du lendemain" vont faire tache ..... :lolmdr:
Spoiler : :
Une assemblée de 900 avec 450 juristes dedans :? , quand même :siffle:
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par GA_Thrawn »

S'il fallait faire une analogie, je verrais pourtant bien plus Macron comme Louis-Philippe, représentant de la bourgeoisie et du parti de l'ordre mou :o:

C'est toujours merveilleusement bien écrit sinon! :clap:
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par Emp_Palpatine »

Victor Hugo, Choses vues

Sortant de l'Hôtel de Ville, une voix m'interpelle soudain dans le tumulte et le chaos qui y règne depuis quelques jours.
C'est M. de Thrawnac, suant à grosse gouttes en ces premières heures de juin et de la république.

« Ah ! Le Grand Homme ! M. Hugo, cher ami ! Quelles heures vivons-nous, quelle exaltation ! »

Je n’avais côtoyé que peu de fois celui dont la bonne forme révélait que la carrière de député sous Louis-Philippe n’avait pas été qu’un sacerdoce.
Je le saluai, poliment.

M. de Thrawnac reprit « Ah, quelle belle chose ! Les républicains de cœur, tels que nous, vivent des heures extraordinaire ! Qui aurait cru notre rêve si atteignable ? »
L’ex-député du centre droit dynastique, me prit le bras et la main.

« Vous sortez de chez M. de Lamartine ? Portez-lui je vous prie mes compliments républicains les plus sincères ! Je suis au service de la République modérée, je l’ai toujours été, cher ami. Si le gouvernement provisoire a besoin de mes services, je suis prêt à me sacrifier »
J’acquiesçais, courbé sous le poids de tant de bonne foi républicaine. M. de Thrawnac termina en me priant de convier Lamartine à l’Auberge des Trois faisans où il se ferait un plaisir et un devoir de l’inviter.

Mon solliciteur daigna enfin s’éloigner. En quittant la place de l’Hôtel de Ville, me retournant, j’aperçus M. l’ex-député héler Ledru-Rollin en protestant de son radicalisme.
Vous pensez tous que César est un con? Vous pensez que le consul et son conseiller sont des cons? Que la police et l'armée sont des cons? Et vous pensez qu'y vous prennent pour des cons? Et vous avez raison, mais eux aussi! Parce que depuis le temps qu'y vous prennent pour des cons, avouez que vous êtes vraiment des cons. Alors puisqu'on est tous des cons et moi le premier, on va pas se battre.
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par GA_Thrawn »

Je devrais bien m'entendre avec cette girouette de Hugo :siffle: :chicos:
« Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. »
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Emp_Palpatine
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par Emp_Palpatine »

Les Ateliers Nationaux et les 45 centimes : le gouvernement provisoire à l'épreuve.


I. Les tâtonnements des premières décrets. Républicains de la veille et républicains du lendemain. L'effervescence de 1848 et l'illusion lyrique. II. Le gouvernement concède la Commission du Luxembourg aux éléments les plus avancés. La création des Ateliers Nationaux. Situation budgétaire du pays. L'impôt des 45 centimes. Mécontentement de la majorité du pays. Le retour inopiné de Louis-Napoléon Bonaparte est une nouvelle source d'inquiétude pour le gouvernement. III. Froideur des relations extérieures. Grave revers diplomatique en Espagne. La nouvelle de l'insurrection hongroise arrive à Paris.

I


Alors que la confusion régnait dans le pays, les premières semaines du gouvernement provisoire apparaissent à l'observateur comme un curieux mélange d'indécision, de fermeté, de conviction, d'illusion et d'hébétude. Peut-être convient-il de rappeler au lecteur que les hommes qui le composaient, au commencement du printemps, ne s'imaginaient pas qu'ils présideraient au destinées de la France alors que juin commençait. A leur décharge, figurons-nous aussi le tumulte et l'agitation dans lesquels ils prirent leurs décisions. Leur avenir n'était pas certain, y compris leur propre survie à court terme. Au rang des décisions fondamentales vient sans hésiter la convocation de l'Assemblée constituante et le décret confirmant le suffrage universel. De chaudes heures de débats avait présidé à ces décisions : les radicaux et les "républicains de la veille" souhaitaient une élection tardive voire, Paris ayant parlé et sa voix étant assimilée à celle du peuple tout entier, pas d'élection du tout; les éléments les plus modérés et les conservateurs voulaient quant à eux une élection rapide afin de contourner les clubs et de profiter de l'effroi du pays. Pour rassurer l'opinion, des décrets étaient publiés quotidiennement. Après une semaine de confusion, les couleurs nationales reprirent leur ordre habituel. Le gouvernement provisoire abolit également la peine capitale en matières politique et les châtiments corporels en matière pénal : il convenait d'éloigner le spectre de la Terreur et de la Première république. D'autres textes ouvrirent les rangs de la Garde Nationale à tous les citoyens, à la fureur des gardes nationaux voyant être injecté dans leurs unités de nombreux nouveaux venus, fréquemment conservateurs, toujours modestes.

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L'absence de mesure de grande ampleur une fois le suffrage universel décrété et l'élection convoquée venait de l'état de la France et de celui de sa classe dirigeante. Le gouvernement provisoire avait trouvé, en définitive, un régime relativement libéral concernant les libertés publiques et manquait de mesures fortes à prendre. Plus encore, son personnel n'y était pas toujours très porté. On connaît les oppositions entre républicains "de la veille", républicains "du lendemain" et radicaux qui rendaient les sessions du gouvernement parfois orageuses. Cet état de fait se répétait jusqu'à la moindre sous-préfecture. Contrairement à 1830, on ne tente pas de poursuivre le personnel de la Monarchie de Juillet. Le souvenir du fiasco du procès des ministres de Charles X était alors encore cuisant. Plus significatif encore, dans les corps constitués ne sont chassés que les fonctionnaires les plus compromis avec le régime déchu : les républicains ne sont tout simplement pas en nombre suffisant pour remplacer chaque juge, chaque procureur, chaque préfet, chaque maire. Ceux qui sont présents localement sont parfois surpris, souvent agacé, du ralliement fort opportuniste de leurs anciens adversaires dynastiques voire même légitimistes à la république. La République manquait déjà cruellement de républicains.

Les trois jours de Mai avaient cependant eut des conséquences importantes. Dans les villes et particulièrement à Paris, les clubs se multipliaient, à l'image des premières années de la Grande Révolution. Quelques semaines après les événements, 250 sont dénombrés rien que dans les murs de la capitale. Avec ces clubs se répandaient les feuilles de presse. Chacun avait la sienne et chaque grand nom se devait d'ouvrir son journal. Partout dans la presse et dans le discours public régnait un unanimisme républicain de façade. Pour les modérés, la république venait clore l'histoire politique française. La révolution était faite et l'ordre pouvait être rétabli dans un cadre modéré, fraternel et soumis à l'élection. Les radicaux ne l'entendaient bien sûr pas ainsi et poussaient à la réforme sociale. Ces pressions radicales, particulièrement sensibles à Paris, renforçait le besoin chez les modérés de l'illusion lyrique de 1848. Comme 60 ans auparavant, on planta des arbres de la Liberté, on se félicita de la nouvelle ère de fraternité et de bien commun qui commençait, on se convainquait d'être enfin arrivé à bon port.


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Plantage et bénédiction d'un arbre de la Liberté en 1848.

Mais tous n'étaient pas dupes, en particulier les radicaux. Malgré l'illusion lyrique et les grands discours, chaque camp attendait les élections et menait campagne de manière agressive pour s'assurer la victoire la plus large et remodeler le pays à son image. Le sort de la jeune république se jouerait le 28 septembre.

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Caricature de Lamartine jouant de la lyre alors que derrière approchent les radicaux.

II


Après tant de gestes de modération, l'agacement des radicaux était patent, aussi bien dans la rue qu'au sein même du gouvernement. Le temps des concessions était venu si le gouvernement provisoire voulait éviter la fracture avec ses membres les plus radicaux et une épreuve de force incertaine dans les rues. Quelques jours après l'abdication de Louis-Philippe fut donc instituée la Commission du Luxembourg. C'est tout naturellement à Louis Blanc que fut confiée la Commission du gouvernement pour les Travailleurs qui l'installa au Palais du Luxembourg. Son programme était clair : « étudier toutes les questions relatives au travail et en préparer la solution dans un projet qui sera soumis à l’Assemblée nationale, et provisoirement d’entendre les demandes les plus urgentes des travailleurs et de faire droit à celles qui seront reconnues justes ».

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Pour tout une partie des Quarante-Huitards, la question sociale devait également être résolue par le nouveau pouvoir qui devait prendre à bras le corps le problème du chômage, du paupérisme, de la solidarité. La commission proposa une série de mesures qui devait être votée par la future Assemblée Nationale, notamment une réduction des heures travaillées. Parmi toutes les mesures proposées par la Commission du Luxembourg, une fut retenue rapidement par le Gouvernement provisoire : les Ateliers Nationaux. Dans ce cadre, les chômeurs parisiens (dans un premier temps, selon les plus avancés le dispositif pouvait s'appliquer à tout le pays) seraient embrigadés dans ces ateliers d'état pour des travaux d'utilité générale.

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Un salaire minimum y était garanti, même en cas de désœuvrement, tout comme une limitation des heures de travail. La Commission ne pouvait pas proposer moins sans se renier. Le Gouvernement ne pouvait pas espérer concéder aux radicaux une réforme du travail si elle n'était pas aussi emblématique. Le décret du 13 juin instaura donc les Ateliers Nationaux et, du moins en théorie, un salaire minimum et le subventionnement des chômeurs sans autre condition que l'embrigadement théorique dans les ateliers.
Les radicaux venaient d'obtenir la législation la plus avancée du monde sur la question du travail et une arme fantastique d'embrigadement des éléments les plus malheureux des classes laborieuses; le gouvernement provisoire venait de s'assurer la survie à moyen terme.

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Les réformes du gouvernement provisoire.

Un programme si ambitieux demandait des financements monumentaux. Les fonds du trésor national fondaient comme neige au soleil depuis le début de l'année, du fait de la crise économique qui frappait le pays. La révolution de Mai avait bien sûr aggravé la situation et les dépenses liées aux Ateliers Nationaux menaçaient d'être la goutte dos qui mènerait le pays à la banqueroute. A peine le danger radical apparaissait-il momentanément sous contrôle qu'un autre ennemi, un autre rappel de la Grande Révolution, se dressait contre les efforts du Gouvernement provisoire.

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La situation budgétaire demandait une réaction énergique et, dans ces situations, il n'y a rarement de bonnes solutions. Alors que les risques de guerre étrangère n'étaient pas encore éloignés et que le recours aux armes pour rétablir l'ordre restait une option, le gouvernement provisoire ne pouvait se permettre de diminuer les dépenses militaires. Les dépenses de fonctionnement de l'Etat, alors que toute l'administration était en plein bouleversement, ne pouvait pas plus être diminuées.
Il ne restait que la possibilité de revenir sur la générosité fiscale de la Monarchie de Juillet. Dans un mouvement d'une ironie historique certaine considérant la propagande républicaine sur la fiscalité des monarchies successives, le gouvernement provisoire de la république se décida à lever des contributions supplémentaires. La plus emblématique fut l'impôt des 45 centimes. Les quatre contributions directes ainsi que les accises sur les alcools et tabacs furent augmentées de 45% : pour un franc versé en 1847 le contribuable devait cette fois verser 1,4 francs.

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L'effet sur l'opinion non radicale et non urbaine fut dramatique et catastrophique. Les craintes sur les partageux et le contrôle du gouvernement provisoire par les éléments les plus radicaux semblaient se confirmer chez une population déjà choquée par la chute du régime précédent et le chaos politique ambiant. Le pays, furieux, découvrait ses impôts augmentés, dans une proportion suffocante pour la plupart des Français. Aucun lyrisme ne pouvait survivre à un tel sentiment d'injustice.
Pendant ce temps, un personnage ayant déjà fait plusieurs apparitions dans notre recensions arrivait en France. Louis-Napoléon Bonaparte avait prévu de repartir aux Amériques en cette année 1848 quand il fut surpris à Londres, en plein préparatifs de départ, par la nouvelle de la révolution et de la chute de la Monarchie de Juillet. Le Prince prétendant au trône impérial continua ses préparatifs et partit dans l'urgence mais cette fois-ci pour Paris.

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(C'est l'événement de Para pour son retour, pas pour l'élection, mais ils ont mis le même texte pour les deux :lolmdr: )

Théoriquement toujours banni par les lois votées à la Restauration et confirmées sous la Monarchie de Juillet, le prince se fit remarquer à Paris un mois après les événements de Mai. Il reçu un accueil curieux et poli de la société parisienne; un accueil beaucoup plus chaleureux des classes laborieuses et paysannes qui le décida de présenter sa candidature à l'Assemblée Nationale Constituante. Pris entre sa gauche radicale et les aspirations profondes du pays, les membres les plus clairvoyants du gouvernement provisoire se trouvèrent ainsi un nouvel objet d’inquiétude supplémentaire.

III


A l'extérieur, malgré les prévenances et le verbe de Lamartine auprès des ambassadeurs, les relations demeuraient froides voire hostiles. Le système construit avec patience sous Louis-Philippe s'était presque entièrement effondré avec la chute de la Monarchie. L'accroissement des troubles révolutionnaires, inspirés par les événements de France, n'incitaient pas plus les cours Européennes à l'amitié envers nous.
Le plus gros des revers dans ce domaine fut bien sûr l'affaire d'Espagne : depuis Louis XIV, une constante de la politique étrangère française était d'assurer la sécurité de sa frontière méridionale en garantissant l'amitié ou du moins la neutralité de l'Espagne. Alors que Lamartine poursuivait l'ambassadeur ibérique de ses charmes, ce dernier se faisait de plus en plus froid et évasif. La cour de Madrid n'avait pas encore pris ses dispositions par rapport aux événements de France et au nouveau gouvernement. Tributaire du soutien de Louis-Philippe pendant les guerres carlistes, marié à un prince français, la Reine Isabelle était aussi courtisée avec ardeur par la diplomatie Britannique qui voyait dans le vide diplomatique une occasion inespérée d'affaiblir la position française sur le continent.
Après quelques semaines de cette comédie, l'ambassadeur espagnol fut reçu par Lamartine et confirma froidement que l'alliance avait été conclue avec le gouvernement précédent et qu'elle avait donc cessé d'exister, que le gouvernement espagnol se refusait à s'engager sur un rétablissement de ce traité.

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Le lendemain arriva la nouvelle de la signature entre le Royaume-Uni et l'Espagne d'un traité d'alliance. L'événement fit scandale dans le pays : l'isolement du gouvernement provisoire apparaissait aux yeux du monde tout comme le désastre diplomatique qu'était la révolution. La signature d'une contre-alliance avec le Portugal, jaloux de se prévenir des puissances Espagnole et Britannique et la confirmation de l'alliance avec le Hanovre (méfiant envers la Prusse) n'étaient que de maigres consolations.

Mi-Juillet, alors que la France se débattait dans la campagne électorale, une autre nouvelle vint bouleverser le fragile équilibre politique du pays et des relations européennes : la Hongrie s'était soulevée contre les Habsbourg.
La révolution de Mai venait d'essaimer en dehors des frontières nationales.

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Modifié en dernier par Emp_Palpatine le mer. nov. 20, 2019 6:03 pm, modifié 1 fois.
Vous pensez tous que César est un con? Vous pensez que le consul et son conseiller sont des cons? Que la police et l'armée sont des cons? Et vous pensez qu'y vous prennent pour des cons? Et vous avez raison, mais eux aussi! Parce que depuis le temps qu'y vous prennent pour des cons, avouez que vous êtes vraiment des cons. Alors puisqu'on est tous des cons et moi le premier, on va pas se battre.
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griffon
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Re: A toutes les gloires de la France.

Message par griffon »

:D

Chaudard , réunion ce soir au club proto socialiste !

Thème de la réunion ? Liberté des peuples ! :clap:
SOL INVICTVS

Au printemps, je vais quelquefois m'asseoir à la lisière d'un champ fleuri.
Lorsqu'une belle jeune fille m'apporte une coupe de vin , je ne pense guère à mon salut.
Si j'avais cette préoccupation, je vaudrais moins qu'un chien

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