8 Novembre 1939
La guerre prend une curieuse tournure.
Tout au long du mois d'octobre, les vaisseaux britanniques ont dégueulé les vagues successives de soldats du corps expéditionnaire sur les ports de la Normandie dans le calme et la tranquillité la plus complète. En Sarre, le GA 2 a établi des défenses suffisamment solides pour être inexpugnable, mais l'accroissement du dispositif ennemi se fait de plus en plus concret chaque jour passant. Le manège dans les gares et les aérodromes proches de la frontière témoigne du rapatriement des troupes stationnées en Pologne. Pas un tir ne se fait pourtant entendre d'un côté comme de l'autre. Dans les tabloïds anglais, on commence à parler de
phoney war, dans les quotidiens français, de drôle de guerre. L'ennui se fait poindre en première ligne, où l'on s'occupe comme l'on peut de ses mains...
Au GQG, les généraux commencent à tirer des conclusions sur le campagne de Pologne. La rapidité et le soudaineté de l'assaut de la Wehrmacht a laissé pantois plus d'un gradé franco-anglais. Des visions divergentes sur la conduite à adopter apparaissent : Gamelin et Gort du BEF restent fermement convaincus du bien-fondé du plan Dyle, ne concédant éventuellement que sur l'hypothèse d'une non-assistance aux hollandais pour se concentrer sur la défense de la Belgique.
Prételat, reprenant les conclusions d'un kriegspiel mené en 1938 dans lequel les forces allemandes traversèrent le massif ardenais en soixante heures pour attaquer la ligne Maginot au niveau de Montmédy dans la foulée, souhaiterait que le BEF soit placé à la charnière du dispositif ardennais. Ceci afin de parer au plus vite à une éventuelle percée en alignant des troupes professionnelles et bien équipées, en lieu et place de troupes territoriales françaises. Il affirme que les conclusions de cet exercice, jugées excessives à l'époque par Gamelin, sont rendues caduques par le tour de force réalisé par l'Allemagne à l'est.
Enfin, le général Gaston Billotte du GA 1, commandant le front des Ardennes à la Manche, estime que la campagne de Pologne fut d'une rapidité évidente en raison d'un terrain propice à l'exploitation par les chars et le manque d'armes lourdes au sein de l'armée polonaise, mais surtout par une utilisation tactique absolument nouvelle et innovante de l'arme blindée. Comparant la plaine belge à la plaine polonaise, il souhaiterait un remaniement total du front afin de prémunir toute offensive massive en Belgique. La clé de ce dispositif serait de dégager les armées présentes sur la Ligne Maginot afin de renforcer le front de manière homogène, en insérant les troupes anglaises au bout du dispositif, près de Calais et Dunkerque. Il faudrait pour cela assigner les corps d'infanterie de réserve sur la ligne, en faisant confiance à la puissance de ses fortifications.
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A l'est, la guerre finno-soviétique a commencée. Les troupes de l'Armée Rouge font face à une résistance bien plus opiniâtre que ce que les prévisions laissaient à penser. Leur pire ennemi est le froid infernal de la Carélie, qui congèle les hommes impréparés vivants. Les finnois, emmitouflés et bien équipés, font des ravages parmi les rangs bolchéviques.
Au Politburo, on se soucie d'autres considérations. Le ministère des affaire étrangères du Reich a adressé au gouvernement soviétique des termes de révision du pacte Molotov-Ribbentrop. A la clé, un retrait des soviétiques de la frontière San-Vistule à la frontière San-Bug, ce qui exposerait considérablement la forteresse de Brest-Litovsk aux nazis en cas de conflit. En revanche, ce retrait s'accompagnerait d'un transfert de la Lituanie dans la sphère d'influence de l'URSS, ce qui autoriserait ultérieurement son annexion dans le cadre de l'occupation des pays baltes. Refuser serait cohérent pour consolider la position russe en Pologne, mais céder la Lituanie à l'Allemagne pourrait aboutir à la constitution d'un dangereux tremplin vers Leningrad. Accepter harmoniserait la frontière et raboterait le gigantesque saillant naturel formé en Pologne.