9 juin 1862
Nos opérations dans la vallée ont forcé les fédéraux à mobiliser une division importante dans la zone et à retarder leur offensive sur notre capitale. Une deuxième colonne de l’Union, sous les ordres du général Shields marche sur Port Republic.
Nous devons attaquer et anéantir la force de l’Union. Ce sera la dernière bataille dans cette zone. Une victoire pousserait les fédéraux à quitter la vallée et nous pourrions ensuite nous déplacer librement pour aider à défendre Richmond.
Nos éclaireurs ont repéré ce qui semble être l’avant-garde de l’armée du général Shield en train de s’établir dans un bois, au sommet d’une colline : Lewiston Coaling. Je dois conduire un assaut aussi vite que possible et conquérir cette position stratégique afin de la refuser aux nordistes. Je ne peux mener que deux de mes brigades dans cet assaut initial, le reste de mes troupes est en route depuis Cross Keys pour nous rejoindre mais je pense que les troupes de l’Union seront limitées également. Les routes, boueuses, sont difficilement praticables ces jours-ci.
J’ai besoin d’hommes solides pour monter à l’assaut d’une colline boisée mais je rechigne à envoyer les vétérans de la première division… Il y aura des morts. Je choisis donc de déployer la brigade d’infanterie du lieutenant-colonel Wallace de la troisième division. Ses hommes sont déjà montés au feu lors de la bataille de Shiloh et, malgré mes réticences, ils seront appuyés par la brigade Kemper.
5h00
Kemper et Wallace s’avancent en direction de Lewiston Coaling. Avant d’en atteindre les pentes, il faudra traverser un petit affluent de la branche sud de la rivière Shenandoah et passer un bois.
Je fais commander à mes deux brigades de détacher de petits groupes de tirailleurs et de les envoyer en reconnaissance. Les tirailleurs de Kemper passeront le pont, à l’ouest, et longeront la rivière jusqu’au gué pour s’assurer que notre flanc gauche est libre. Ils participeront ensuite à l’assaut sur Lewiston Coaling. Les tirailleurs de Wallace couvriront le flanc droit tandis que mes deux brigades d’infanterie progresseront vers l’objectif.
5h12
Wallace qui vient de franchir la rivière, est pris pour cible par l’artillerie ennemie. Celle-ci me paraît positionnée sur le flanc gauche de l’ennemi, le long de la crête qui s’étend depuis Lewiston Coaling vers le sud-ouest.
5h15
Kemper repère une importante brigade ennemie sur Lewiston Coaling. Pas loin de trois mille hommes selon lui. Tous ne sont pas sous le couvert des bois ce qui laisse envisager deux options : un officier incompétent ou, et c’est la plus probable, les bois grouillent déjà de tuniques bleues.
5h16
Mon flanc droit est menacé par un groupe important de tirailleurs ennemis. Mes légers se replient vers mes lignes, non sans tirer une salve en direction de l’ennemi.
5h21
Kemper, depuis le couvert du petit bois, au pied de Lewiston Coaling, ouvre le feu sur les éléments ennemis à découvert. J’aurai préféré qu’il retienne les tirs encore un peu, la brigade de Wallace s’étant temporairement détournée de son objectif pour éliminer les tirailleurs ennemis qui tentent maintenant de passer sur nos arrières. Tant pis.
J’ordonne aux tirailleurs de Kemper de se préparer à franchir le gué pour prendre Lewiston Coaling de flanc.
5h23
Je constate avec satisfaction que la brigade ennemie peine à s’organiser pour riposter aux tirs de Kemper. Large brigade, mauvais officiers… terrible équation.
5h26
Un groupe de tirailleurs ennemis, alors qu’il tente de foncer vers le gué pour repousser mes hommes, passe dans la ligne de tir de la brigade Kemper. Deux salves bien ajustées suffisent à provoquer la fuite de l’unité.
Wallace, de son côté, est parvenu à fixer les tirailleurs ennemis dans le ruisseau. De l’eau jusqu’à la taille et à un contre quatre, ils ne tiendront pas longtemps.
5h30
Mes renforts arrivent sur le champ de bataille. Je peux maintenant aligner les première et deuxième divisions au complet. Il est temps de passer à l’offensive.
Hampton part sur mon flanc droit avec Canfield. Sweitzer et Forest partent à gauche et franchissent le pont de pierre. Sherer, Marshall et nos vingt-quatre pièces d’artillerie avancent vers le centre. Les trois cents de Dearing font la jonction entre mon centre et mon aile droite.
5h34
La résistance ennemie s’organise et la brigade de Kemper essuie maintenant des tirs. Mes tirailleurs attaquent de flanc mais sont bientôt repoussés. Ils repassent le gué en sens inverse pour se mettre à l’abri.
5h40
De nouvelles troupes de l’Union, menées par le général Tyler, rallient Lewiston Coaling. La situation risque de devenir difficile s’il faut charger une position en hauteur, bénéficiant d’un bon couvert. Ai-je manqué d’audace ? Peut être aurait-il fallu accepter quelques sacrifices pour prendre la colline au plus vite…
5h49
Mon dispositif est en place. Reste à planifier l’assaut.
5h55
Les tirailleurs ennemis, sûrs de l’avantage que leur confère leur nombre, passent le gué. Les cavaliers de Forest fraîchement arrivés, leur tendent une embuscade depuis un petit bois.
Sur Lewiston Coaling, l’ennemi paraît hésitant et se retire sur le versant sud-est. Retraite ou simple manœuvre ? Je ne comprends pas. J’ordonne aux hommes de Wallace de s’avancer.
Pendant ce temps, Canfield me fait savoir que notre flanc droit est sécurisé et qu’Hampton, qui a repéré les canons ennemis, prépare une attaque.
6h00
Wallace s’empare du sommet de Lewiston Coaling sans rencontrer la moindre résistance. L’ennemi s’est replié sur le versant sud-ouest de la colline, dans les bois. Voulait-il ainsi se mettre à l’abri de mes canons ? L’idée ne paraît pas idiote mais ce faisant il a pris le risque de se laisser acculer à la rivière…
Sans attendre, je renforce ma position sur Lewiston Coaling.
6h03
Les tirailleurs ennemis tombés dans l’embuscade de Forest sont fait prisonniers.
6h11
L’ennemi résiste sur le versant sud de la colline mais il manque de place pour se déployer efficacement tandis que j’ai l’opportunité de concentrer tous mes efforts sur lui. Hampton s’empare des canons ennemis. Je suis maintenant libre de manœuvrer à l’ouest.
J’envisage de redéployer Forest sur mon flanc droit.
6h14
L’arrivée imprévue d’une colonne commandée par le général Frémont depuis le nord-est remet tout en cause. Je dois me repositionner au plus vite sans rien lâcher sur Lewiston Coaling.
Sweitzer passe le gué pour se porter à la rencontre de l’ennemi. De combien d’hommes dispose Frémont ? Je ne le sais pas mais il est peu probable qu’il ait pu recevoir des renforts depuis sa terrible défaite à Cross Keys.
6h26
Sweitzer m’annonce qu’il ne pourra pas stopper l’avancée ennemie par ses seuls moyens. Face à lui, Frémont déploie au moins deux brigades d’infanterie et des canons. Forest est envoyé pour soutenir Sweitzer, de même que les trois cents de Dearing qui franchissent le pont de pierre. Sherer passe le gué pour compléter cette ligne de défense montée à la hâte tandis que l’une de mes batterie d’artillerie se repositionne.
6h30
La présence de ma cavalerie pousse l’ennemi à retarder son assaut, soulageant la pression qui pesaient jusque-là sur Sweitzer et ses hommes.
6h49
Ma ligne de défense est en place. Je peux compter sur les deux brigades de Sherer et Sweitzer ainsi que les trois cents tirailleurs de Dearing et la cavalerie de Forest. Seules m’inquiètent les trois brigades d’artillerie que commande Frémont. Elles sont dangereusement proches de mes lignes.
7h03
La colline de Lewiston Coaling nous est définitivement acquise et l’ennemi, acculé à la rivière, est en passe d’être massacré. Je profite de ma position favorable pour détacher la brigade Kemper en direction de la colonne de Frémont. Le général Tyler a fui le champ de bataille, abandonnant derrière lui son convoi de ravitaillement.
Forest prend position avec ses cavaliers sur mon flanc droit dans l’intention de charger les canons ennemis.
7h08
J’interdis à Forest de lancer son attaque que je juge trop risquée.
7h17
Sweitzer déplore de nombreuses pertes du fait des canons ennemis tandis que sur le versant sud de Lewiston Coaling, tout sera bientôt terminé.
7h42
Frémont fait avancer ses canons à portée de fusil. Je n’arrive pas à décider s’il s’agit d’une manœuvre stupide ou désespérément géniale. Ses hommes et ses canons sont très exposés mais une salve de mitraille à cette distance serait absolument dévastatrice.
7h50
N’y tenant plus, j’ordonne à Forest de charger. Son action écarte la menace mais ne se fait pas sans pertes. L’ennemi parvient à sauver quelques pièces d’artillerie.
8h13
Sweitzer vient d’être blessé. Les hommes de Frémont tiennent bon mais leur position n’est guère enviable. Les trois cents de Dearing se comportent comme au champ de tir. Leurs fusils, de facture exceptionnelle, les placent largement hors de portée de l’ennemi.
9h28
Les derniers survivants de l’armée du général Tyler jettent les armes et sont fait prisonniers. Une heure plus tard, Frémont abandonne le terrain à la tête de quelques rares survivants.
La bataille de Port Republic est une franche victoire pour les confédérés. L’ennemi a perdu plus de 80% des effectifs engagés dans la bataille, soit plus de dix mille hommes. De mon côté, je déplore moins de mille huit cents hommes hors de combat.
J’aimerais ici saluer l’intelligence du lieutenant-colonel Wallace qui, à la tête d’une brigade peu expérimenté, aura causé la mort de mille-six-cent-cinquante-huit tuniques bleues pour seulement quatre-vingt-dix-sept pertes.
Notons également l’action du colonel Hardin qui a fait honneur au défunt Dearing. En effet, les trois cents ont mis hors de combat mille-cent-quatre-vingt-sept ennemis sans perdre un seul homme.
A la suite de cette bataille, de nombreux officiers seront promus, dont votre serviteur. En outre, nous faisons plus de mille prisonniers, nous emparons du ravitaillement ennemi, de huit canons napoléons et de deux mille fusils Harpers Ferrys M.1855. En outre, Richmond m’accorde quatre-vingt-mille dollars supplémentaires et quatre-mille-cinq-cents hommes. Je parviens également à faire échanger un millier de prisonniers contre autant des nôtres qui viennent s’ajouter à ma réserve. Excellent.
Sweitzer est remplacé par le colonel Darius Sinclair et la brigade, qui a encaissé de lourdes pertes, est renforcée jusqu’à mille hommes. Les fusils Lorenz qui équipaient les brigades Kemper et Sinclair sont remplacés par les Harpers Ferrys M1855 pris à l’ennemi. Je m’inquiète d’ailleurs de voir que l’Union parvient désormais à équiper ses troupes avec du matériel aussi moderne. Cela n’augure rien de bon.
Les Lorenz sont confiés à la brigade Hampton de la deuxième division. Les vieux canons Field de Smyth sont remplacés par des canons Napoléon.
Remplacer les deux-cents cavaliers perdus par Forest me coûte la bagatelle de trente-sept-mille dollars ! Pour amortir l’opération, je revends pour quinze-mille dollars de pièces d’artillerie obsolètes.
Toutes les pertes des deuxième et troisième divisions sont comblées par des troupes sans expérience. Les hommes apprendront sur le tas. Ils sont bien encadrés et cela ne m’inquiète pas outre mesure.
Il me reste maintenant soixante-cinq-mille dollars et vingt-trois-mille hommes. Il est plus que temps de mettre en place ce fameux deuxième corps d’armée.
J’envisage dans un premier temps de lever des brigades de deux-mille hommes, sur le modèle de la deuxième division, mais je suis rapidement confronté à une grave pénurie de matériel. Les fusils Springfield M1842, déjà obsolètes, viennent à manquer et je ne peux me résoudre à laisser à mes hommes un matériel de qualité inférieure. Je décide donc de former des brigades de mille hommes. Cela représente évidemment des inconvénients mais aussi des avantages. Le corps d’armée sera plus souple, manœuvrera plus rapidement et il sera plus aisé de trouver des officiers capables de diriger un millier d’hommes plutôt que le double.
Je commence donc par lever quatre brigades d’infanterie que je répartie sur deux divisions. Ce n’est pas assez. Je décide donc de faire l’acquisition, pour la brigade Sherer, de deux mille fusils Mississippi M1841. Je récupère leurs vieux Springfield et lève ainsi deux brigades supplémentaires pour les première et deuxième division du deuxième corps d’armée.
Je parviens ensuite, en vendant du matériel dont je n’ai pas l’usage (pour l’essentiel, des fusils pris à l’ennemi, de qualités variables, et en nombre réduit) à lever deux brigades d’artillerie de douze pièces chacune et deux brigades de trois-cents tirailleurs.
A ce stade, je dispose encore de trente-sept-mille dollars et de seize-mille hommes. Je n’ai en revanche plus guère d’officiers capables. Seuls se présentent à moi deux brigadiers généraux, Burnham et Breckinridge, trop qualifiés pour prendre la tête d’une simple brigade. Je les engage néanmoins et leur confie le commandement des première et deuxième divisions en lieu et place des colonels Ames et Willich.
Je crée ensuite une troisième division que je place sous le commandement du général de division Johnston. J’y lève deux brigades de cavalerie que je confie aux bons soins des colonels Ames et Willich. Me procurer les armes et les chevaux nécessaires (un millier en tout) ainsi que le ravitaillement nécessaire aux troupes achève de vider mes coffres.
Je n’ai plus un dollar en poche. Seuls me restent quinze-mille hommes de réserve.
Le président Davis m’a promis que si l’attaque sur Richmond était repoussée au loin, il me confierait une généreuse enveloppe. Je l’espère…mais cela suffira-t-il seulement à combler nos pertes ? J’ai peur de connaître la réponse.