Fin août 1853
Les mines de Cracovie sont opérationnelles, notre extraction quotidienne de houille explose! C'est une bonne occasion de sabrer nos imports de charbon et d'augmenter notre autonomie.
Mieux encore, des rails modernes en acier remplacent peu à peu les vieilles lignes faites de fer. Les coûts d'entretien baissent, l'efficacité augmente, tout le monde profite!
Et pour compléter cette tournée économique des plus réjouissantes, signalons l'ouverture prochaine d'une nouvelle scierie en Bohème. Il semblerait qu'il y ait suffisamment de demande sur le marché autrichien pour du bois travaillé, et dans le pire des cas quelques stocks ne feront pas de mal, surtout au vu des besoins futurs des chantiers navals de Trieste.
Début septembre 1853
L'incapacité permanente du maréchal von Heß à accrocher le baron Raglan fait jaser les cercles aristocratiques de tout l'Empire. Le XVIe corps d'armée est détaché pour renforcer l'archiduc Albert, qui devrait bientôt soutenir activement von Heß, et ce malgré la saison d'automne, qui approche lentement.
Occupé une fois de plus à une partie de bridge nocturne avec le comte zu Dunkelmath, une nouvelle majeure, scandaleuse même, nous parvient par télégramme: l'Empire de Russie a signé une paix séparée avec l'Empire Ottoman! La Bosnie devient un état indépendant! Nous sommes seuls contre l'alliance franco-anglo-ottomane!
Cette traitrise sans nom nous met dans une situation particulièrement difficile. Les territoires occupés par des troupes russes sont remis en mains ottomanes, c'est à nous de les réoccuper aussi vite que possible, avant que des garnisons substantielles ne s'y installent.
Les services du palais d'hiver de Saint-Pétersbourg ne répondent pas à nos télégrammes répétés, se refusant à expliquer leurs motifs, alors que nous étions des alliés fidèles. Le comte von Efelleturm me presse d'envoyer des propositions de paix blanche aux Français et Britanniques, ce à quoi nous finissons par acquiescer. Nous envoyons un fin diplomate, vétéran de l'ambassade de la Sublime Porte, pour mener les négociations: Hugo Wladimir Emanuel Karl Borromäus Franz de Paula Johannes Nepomuk, Comte Logothetti.
Une petite goutte de consolation dans cet océan de tragédies: suite aux imports de charbons annulés, notre balance commerciale bihebdomadaire s'améliore de 26 000 couronnes.
Fin septembre 1853
Les Ottomans tentent de reprendre pied à Adrianople, mais le verrou qui sépare Istanbul de la partie occidentale de l'Empire tient fermement. C'est un massacre pour les recrues grecques envoyées au feu sans préparation aucune.
Les Britanniques redoublent d'efforts pour mettre à mal notre marine commerciale. L'effet de cette campagne est limité.
La Hongrie commence à se développer, le pays est sillonné de chantiers ferroviaires. Incidemment, nous pouvons déployer en quelques heures des bataillons entiers pour combattre d'hypothétiques mutins.
La situation en Thrace: les renforts du corps Albert sont attendus avec grande impatience.
Les divers impôts et taxes ont fait généreusement couler l'or dans nos coffres. Il y a des capacités suffisantes dans nos usines pour armer et équiper de nouvelles unités militaires, alors pourquoi se priver? Un corps d'infanterie, des brigades de chasseurs, de l'artillerie lourde et légère, des troupes du génie seront mis sur pied.
Début octobre 1853
Mus par l'énergie du désespoir, les troupes du baron Raglan trainent leurs bottes le long de la Mer Noire, en quête de navires pouvant les rembarquer. Privés de ravitaillement depuis des semaines, ce n'est plus une troupe combattante, mais une bande de mendiants rachitiques et en loques. Ils sont tellement faibles que le corps Albert part également les chasser, sans attendre les renforts.
Nos uhlans ont fait du bon travail, les quelques tentatives de résistance ottomane en Grèce ont été avortées par leur présence. Ils rejoignent maintenant les environs d'Istanbul, eux aussi ont pour but de saisir le baron Raglan.
J'en ai entendu une bonne au sortir de l'opéra avant-hier, M. Budi-Budi et Alfred Leaz seraient devenus amis et s'entretiendraient régulièrement d'informations boursières de première main. Leur viril compagnage est accompagné de petites attentions, de cadeaux à la hauteur de leur richesse. Récemment, M. Leaz aurait offert une collection de joyaux venus du sous-continent indien!
Fin octobre 1853
6 octobre 1853, les divisions de pointe de l'armée von Heß reprennent Varna, et capturent quelques canons Paixhans laissés là par l'éphémère corps expéditionnaire français. Les uhlans essaiment les faubourgs pour trouver trace des Anglais en fuite, et enfin, ils surprennent l'arrière-garde du baron Raglan! Les renforts affluent vite, et sous peine de perdre tout son train de ravitaillement, les
red coats sont forcés de livrer bataille. Quelques pièces lourdes s'installent sur les collines avoisinantes et font feu sur nos colonnes d'attaque, tandis que l'infanterie du 1er corps britannique brûle ses cartouches dans l'espoir de retenir le furieux assaut autrichien quelques heures.
Que nenni, ce moment, nous l'avons attendu trop longtemps! La troupe britannique est submergée en peu de temps, les compagnies décimées finissent par se rendre, et toute la ligne du baron s'écroule comme un château de cartes. Désespéré, il ordonne une charge ultime de dragons, tout en pressant les chariots de l'armée à fuir encore plus vite. Dans un effort sans nom, ces derniers parviennent à s'enfuir, et même emporter quelques pièces d'artillerie. Les dragons sont purement et simplement annihilés. Le corps Raglan n'est plus que l'ombre de lui-même, perdant 3000 hommes au feu et 6800 à nos camps d'internement.
C'est ainsi presque en vain que le maréchal-lieutenant de cavalerie Friedrich Adalbert, prince von und zu Liechtenstein, a été muté d'Italie vers le théâtre d'opérations ottoman pour accélérer la poursuite. Connu pour son impatience et son caractère sulfureux, c'est l'homme idéal pour traquer une bête blessée.
Cette victoire permet la jonction tant espérée des armées von Heß et von Haynau devant Istanbul. Les Ottomans ont eu le temps de considérablement renforcer leurs positions, et l'afflux de troupes libérées de leurs devoirs dans le Caucase n'est pas pour faire pencher la balance en notre faveur. La cavalerie s'occupera de ce qui reste du baron Raglan.
Nous fêtons grassement la tournure positive de la campagne dans l'aile léopoldienne de la Hofburg, ne lésinant pas sur le champagne. Le comte von Stratte zu Kömsz en profite pour me faire part de ses idées de réformes militaires, sur lesquelles il avait planché des nuits entières. Il procède à la présentation de son plan audacieux, qui visait à dissoudre la Landwehr pour répartir les corps de troupes dans l'armée régulière, de manière si fiévreuse que je n'aai d'autre choix que de donner mon approbation. Grand bien cela fasse à l'Empire!
La bonne humeur rend généreuse, et c'est sans grands accrocs que j'assigne des fonds publics pour acheter les tramways prévus pour Kronstadt, et que je reçois Buzzo Fulmine, feu et flamme pour l'extension des manufactures de soie en Vénétie.
Une humeur que trouble médiocrement la principauté de Bosnie, qui se trouve la fantaisie de se renommer "duché de Bosnie-Herzégovine" et de nous envoyer une note de protestation parce que nous "occupons" l'Herzégovine. En voilà qui cherchent les ennuis.
Début novembre 1853
La dissolution de la Landwehr ne semble pas trop troubler la population, il faut dire que le service correspondant n'était pas estimé de tous.
Enfin, enfin! Les derniers restes du corps Raglan se rendent dans les montagnes bulgares. Nous voici enfin libres d'organiser l'assaut sur Istanbul!
La pluie incessante ralentit tous les mouvements, il faudra encore quelques semaines pour que von Heß rejoigne von Haynau à Adrianople. Le corps Albert devient l'armée Albert, et s'apprête à intégrer un corps d'armée et deux divisions de cavalerie.
Lentement, nous nous rapprochons de ce qui pourrait s'avérer un traité de paix lucratif avec l'Empire Ottoman. Les Britanniques restent eux têtus comme à leur habitude, et estiment qu'ils sont en train de gagner la guerre.
L'ouverture d'une usine de meubles dans le bassin des Carpates creuse un déficit dans le flux de marchandises. Nous manquerons bientôt de bois, alors que nous voulions augmenter les réserves. La scierie de Königgrätz aidera, mais il faut planifier à plus long terme. Messire Boudi se laisse convaincre d'en construire une autre à Grosswardein, non sans vider tous les plats au menu de notre petite rencontre:
Potage Bisquel.
Turbot sauce Diplomate.
Truite du Rhin à la Richelieu.
Suprêmes de soles Bagration.
Turbans de Homards à la Russe.
Croûtes aux champignons à la crème.
Sarcelles rôties, cresson.
Pannequets glacés en couronne.
Fruits.
Desserts.
Ah, et j'ai lu ce matin dans la
Linzer Zeitung que nos orfèvres ont développé un système de galvanoplastie, censé apporter des avantages, notamment dans l'application d'une fine couche d'argent sur la vaisselle. Les petit-bourgeois vont donc pouvoir se payer quelque chose qui ressemble vaguement à une vaisselle correcte? S'ils le disent ...
La
Wiener Zeitung est également une bonne lecture. On remarquera que dans les "faits divers", on annonce l'arrestation du baron Azerty-Liebkenstein pour atteinte aux bonnes mœurs. Personne n'est étonné, c'est un sacré galopin. Son oncle va devoir faire la tournée de quelques salons pour le sortir de ce mauvais pas. La jeunesse n'est plus ce qu'elle était!