Début janvier 1855
Bonne année 1855! L'année passée fut bonne, surtout en ce qui concerne l'opéra. On a découvert une oeuvre composée par le grand Schubert, "Alfonso et Estrella", et 26 ans après sa mort, le théâtre de Weimar décide de la jouer. C'est beau!
Bien plus beau que "La nonne sanglante" de Gounod, que ne feraient pas les Français pour que l'on parle d'eux dans les journaux ... En parlant de galopins, nous n'avons pas encore été en état de rattraper ceux qui courent le comté de Krain. Les Britanniques ont tourné bride et se trainent désormais en Istrie, pourchassés par le comte von Mitrowitz-Nettolitzky.
Après le départ du maréchal von Haynau, le ministère de la guerre a épluché les listes d'officiers supérieurs pour trouver un successeur digne de cet illustre personnage. Comme on a pu le constater, le procédé a duré de nombreux mois. Je me suis laissé dire que le responsable de ce procédé, un colonel à l'état-major au nom belliciste de Lysimachos von Reuß zu Greiz, se serait régalé de nombreuses fois à la table de Franz, comte von Wimpffen, qui a finalement été choisi. Il prendra ses fonctions immédiatement et sera placé à la tête du XXIe corps d'armée, actuellement stationné en Styrie.
Si la menace ne guette pas sur terre, la situation sur mer se fait de plus en plus contraignante. Je me vois forcé d'ordonner le rappel des navires marchands d'Amérique latine, taraudés de près par les frégates françaises. Cette décision me serre le coeur, mais que faire face à la supériorité navale de nos ennemis?
Le baron von Lockenfeld, avec qui je partage ces graves pensées, armé d'une tasse de mokka bien sucrée, voudrait bien améliorer mon humeur. Il me parle d'une multitude de projets académiques, des travaux de génétique du moine augustinien Mendel (un brave Morave, lui!) jusqu'aux révolutionnaires possibilités générées par les champs de pétrole de Bakou. La tête me tourne, mais au moins je ne pense plus aux frégates françaises ...
Sans trop m'en rendre compte, j'ai dû promettre des fonds importants à nos universités. C'est du moins ce que je déduis le jour d'après de la lettre de remerciement du baron, parfumée à la civette palmiste, cet homme sait marquer son terrain. 300 000 couronnes, surtout pour la recherche navale .. . Espérons qu'elles nous aideront!
Cerise sur le gâteau, Frederick Arthur George Room décide d'investir dans une manufacture de luxe à Königgrätz. Rien que les plans de la salle de vente en ville sont fantastiques, on se murmure que M. Budi-Budi serait vert de rage.
Fin janvier 1855
Les Britanniques gambadent toujours, chassés par trois armées ...
Notre flotte marchande venue des Amériques s'essaye avec succès à des prouesses similaires. Bien que la perfide Albion ait signalé à des navires français son passage par le détroit de Gibraltar, elle reste intacte et se trouve maintenant au large de la Sicile.
En Chine, la rébellion Taiping n'en finit pas, et les autorités se résolvent à recourir à des mercenaires européens. "Utiliser des barbares contre des barbares", belle formule, j'en serais jaloux!
Notre marine de guerre reprend un peu de mordant, des frégates modernes sont mises à flot, renforçant considérablement la formation un peu pataude sous les ordres du vice-amiral Dahlerup. Il faudra cependant encore au moins 6 mois pour voir des navires de ligne compléter le dispositif.
Le XXIIe corps a fini son entraînement. Le duc de Nagy-Aheuc a inspecté les troupes, puis transmis l'ordre de marche vers la Bohême, où l'on prépare la campagne du printemps contre la France. Le comte von Efelleturm, lui, envoie des offres de paix blanche vers Paris et Londres ...
Début février 1855
De nouvelles manoeuvres à la voile, hautement risquées, ont rapproché nos matelots de leur patrie. Notre flotte marchande passait au large de Malte pour éviter de justesse des malotrus ennemis, ne se doutant pas que derrière des fortifications a priori abandonnées, des canons à portée suffisante les avaient pris pour cible. Ce fut un massacre. "Tough luck", comme disent les Anglais, avant de manger du lapin cuit à la vapeur.
Le corps expéditionnaire s'est enfui vers les terres croates de notre empire. Wimpffen les poursuit, mais cette mouche m'exaspère. Le maréchal-lieutenant von Clam-Galls est envoyé en renfort, ses cavaliers seront plus appropriés. Grâce à la ligne de chemin de fer Prague-Vienne-Laibach, l'intégralité de ce corps d'armée pourra être transféré en trois jours. À cheval, le trajet aurait mis au moins 26 jours!
La 6e escadre de frégates est prête à l'emploi, de puissants moteurs à vapeur jouxtent les imposantes voiles de ces navires, faits pour prendre de vitesse leurs adversaires. Jetons un oeil à la campagne russe en Suède. L'hiver rend tout mouvement difficile, les navires ne peuvent franchir les eaux glacées qui entourent Stockholm et protègent la ville de bombardements navals. Si les troupes du Tsar s'enlisent, la situation n'est guère reluisante pour Bernadotte et ses sujets.
Fin février 1855
Les Anglais savent courir, il n'y a pas à dire ...
Et ils ignorent toutes nos propositions de paix, nous obligeant à continuer une guerre qui ne peut plus guère nous profiter. Je me console avec un petit dîner en compagnie de M. Budi-Budi. Nous concluons un investissement dans l'agriculture hongroise. Au menu:
Omelette truffée.
Saucisson de Milan.
Langoustines froides à la mayonnaise.
Tournedos monégasque.
Tomates à la provençale.
Fraises à la crème.
Fruits.
Café.
En France, on s'embête plus de ses colonies que de la guerre. Une troupe de disciplinaires est envoyée à Cayenne pour "pacifier" la population locale, visiblement peu éprise de ses gouverneurs.
Début mars 1855
Si l'on entend encore que des Anglais battent la campagne, un autre projet de longue haleine prend forme. Les armées en Bohême quittent leurs quartiers d'hiver et se mettent en marche vers le Wurtemberg. Le moral est gonflé à bloc, tout comme les trains de ravitaillement et les gosiers.
À l'occasion d'un café, Buzzo Fulmine me narre le dernier cri de la pêche méditerranéenne, l'usage de filets maillants. Selon lui, le nombre de poissons sur nos marchés va augmenter de manière exponentielle. Bonjour l'odeur ...
Fin mars 1855
La France se prépare à notre attaque, la mobilisation partielle est décrétée, les troupes se massent en Forêt Noire.
Imbroglio diplomatique: les termes du traité de paix avec l'Empire Ottoman semblent avoir été inexacts. Le comte von Efelleturm consulte bon nombre de juristes de renom pour régler le problème, ce qui ne peut que résulter en une catastrophe (les juristes ont été, à juste titre, bannis de la Société du bon goût et des moustaches élégamment pommadées). La Grèce considère ce territoire comme autrichien et a envoyé une note de protestation. Le mystère règne, sommes-nous les maîtres de cette île?
La synthèse de produits oléochimiques fait de grands progrès ... c'est du moins ce qu'affirme M. Budi-Budi, qui fête un regain de productivité dans ses usines chimiques. Hum, faut-il s'en réjouir?
Début avril 1855
Le calme avant la tempête! Plus de 500 000 hommes attendent à la frontière entre Bade et Wurtemberg, tandis que les Anglais continuent à faire les guignols, cette fois en Bohême.
Nous n'en avons que faire, et bien à l'abri derrière les fusils de la garnison viennoise, le comte von Stratte zu Kömsz observe avec satisfaction l'apposition de ma signature sur un décret nouveau. Il ordonne la levée de 23 régiments de réserve, dont 20 d'artillerie.
Cela alors que notre économie souffre du manque de commerce, et que l'échange de biens atteint un niveau si bas qu'il en serait presque inquiétant.
Fin avril 1855
Un signe d'amitié ou une humiliation? Voilà que le Royaume de Saxe nous envoie son armée pour chasser les Anglais. Notre cavalerie devrait être largement suffisante, mais lentement mon esprit m'insuffle qu'il s'agit là d'une bande d'incapables.
Enfin, concentrons-nous sur des épisodes plus glorieux. Nos trois armées vont franchir le Rubicon, et leurs moyens de coordination sont limités. Tant pis, on ne fait pas d'omelette truffée sans casser des oeufs. Elles devraient arriver d'ici 15 à 17 jours, selon les pronostics de l'état-major.
Je serais particulièrement et personnellement reconnaissant à nos troupes d'obtenir une victoire, car bien trop souvent, je dois passer mon temps avec de véreux hommes d'affaires. Oui M. Thrawn, ce maquereau grillé est d'une délicatesse ... oui, voici vos papiers pour le nouvel arsenal naval de Trieste, un honneur, tout le plaisir est pour moi, au revoir.
Imaginez, sa chemise n'était même pas amidonnée, mon laquais a eu la bonté de lui mettre discrètement le produit adéquat dans sa mallette. N'a-t-il donc pas de personnel?
Début mai 1855
L'archiduc Albert a mis pied dans le Bade! Grâce à la sympathie des habitants de cette ancienne terre d'empire, il a passé le Neckar sans encombre et libéré Heidelberg et Mannheim sans un seul coup de feu. Les ponts sont intacts, il s'installe et prend des dispositions pour défendre la région. Les Français ne tarderont pas à venir, à moins qu'ils n'attendent nos deux autres armées, en route plus au Sud, et à la force de combat amoindrie par les longues marches.
Les Saxons ont réussi à intercepter une partie du corps expéditionnaire anglais! Écharpés, quelques restes de cette troupe de malheur se trainent encore dans les environs de Salzbourg.
Les errements anglais nous ont montré que nos villes hongroises étaient insuffisamment défendues. Par moments, c'est la milice de Presbourg qui a dû prendre position aux abords de Budapest pour éviter tout velléité ennemie. Quelques traits de plume, et voilà la "garnison de la forteresse de Budapest" créé. Il faudra penser à en financer d'autres aussi, notamment dans les régions bordant la Russie ...
Je constate un flottement à la bourse de Vienne, il semblerait que M. Thrawn et ses cols de chemise négligés aient dépassé leurs lignes de crédit. La spéculation qui en a résulté a fait des heureux, des malheureux, et a surtout fait gonfler l'inflation.
Fin mai 1855
Jean-Baptiste Vaillant, maréchal depuis le siège de Rome, se frotte à nos armées. L'archiduc Albert refuse la bataille, se sentant débordé de tous côtés. Malgré ses ordres de tenir la position coûte que coûte, il décroche et repart vers le Wurtemberg. Pleutre!
Von Heß n'est pas plus courageux, il bataille une petite heure avant de décider que le jeu n'en vaut pas la chandelle, et que les plans d'offensive sont trop optimistes.
Pourtant, avec l'appui de l'armée Albert, les Français pourraient être vaincus?
Les aléas de la guerre! Je décide de penser à autre chose, une part de
Sachertorte contribue à me changer les idées.
Le comte von Greiffenau me parle d'investissements saxons en Moravie, fort bien! Et la manufacture de pianos Bosendorfer a commencé ses activités commerciales, très bien aussi! Reste à savoir si les pianos seront vendus à l'export comme prévu, ou si nos bourgeois envisageront une telle acquisition, ce qui ferait du bien à notre marché national, en mal de croissance?
Terminons sur une sortie navale en Adriatique. Une escadre française a été signalée par nos postes d'observation illyriens, le vice-amiral brûle d'essayer ses frégates à vapeur. En avant, et sauvons l'honneur autrichien!