Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa droite

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mad
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Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa droite

Message par mad »

Des souvenirs ? Ah ça, j’en ai … Je connais à peu prés toutes les rues de cette ville, tous les croisements, tous les lieux mémorables … Oh bien sur, maintenant nul ne pourrait la reconnaître, imaginer quelle était l’opulence de tel quartier, ou la pauvreté d’un autre … Nous sommes tous unis dans la misère, désormais, et certains considèrent qu’on l’a bien mérité. Mais non, m’dame, je ne m’aventurerais pas sur ce terrain … de la politique, j’en ai déjà fais dans ma jeunesse, un peu, comme tout le monde, et je suis finalement heureux d’avoir survécu à ça. Après bien sur, il y a ce poids sur les épaules … Vous êtes américaine, vous ne pouvez pas comprendre ça, vous êtes si jeune … et vos institutions … vous n'êtes qu'une enfant !

Enfin vous n’êtes pas venue pour ça, je le sens bien. Revenons il y a presque 15 ans. Un peu comme maintenant, cette ville était peuplée de morts. Les gens rasaient les rues, et tentaient de ne pas se faire remarquer. Enfin pour la plupart. Certains avançaient en cortège hurlants, pour soutenir le KPD. Hmm ? Oui, c’étaient les communistes. On en a eu pendant encore un an ou deux, puis … Enfin.

En face, on avait ces gusses, avec leurs uniformes bruns. En théorie ils étaient interdits depuis des années, mais depuis quelques mois ils s’étaient remis à battre le pavé au grand jour, et narguaient les flics. Enfin, narguaient … déjà une bonne partie avait commencé à se rallier au parti, sentant le vent tourné. Il y avait ceux qui y croyaient, parce qu’on nous promettait des temps meilleurs … vous savez quel était le prix du billet à bord du bus que je conduisais ? Ben vous voyez, moi non plus. L’inflation était telle qu’il aurait fallu une valise de billets pour un coupon hebdomadaire, et ça si on était le lundi. Le vendredi, il aurait fallu venir avec la malle entière piquée aux grands-parents, et puis nous laisser les vieux en gage. Alors on contrôlait plus trop. On attendait que les temps changent, et que l’époque devienne vivable. Je me levais tous les matins, je me rendais jusqu’au centre ville…


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Et puis je pointais à bord de mon Livingstone Ocelot. 14 places assises, chauffeur compris, et puis les gens qui se ruaient sur la plate-forme arrière.


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Des gars de la Compagnie, je n’étais pas le seul, il y avait toujours le poinçonneur. Herbert Samara, parfois, mais on n’accrochait pas trop ensemble. Il avait des activités … extérieures, oui c’est ça, et ça modifiait un peu sa façon de bosser. Je l’avais vu une fois pousser un pauvre gars depuis la plateforme, le type s’était retrouvé le cul par terre sur la chaussée, complètement sonné. J’ai voulu m’arrêter, mais sa voie m’est parvenue depuis l’arrière : « C’est un rouge, Thrawn, t’arrêtes pas pour ça ! » Et je ne m‘étais pas arrêté, bien sur. L’époque qui veut ça …

Et puis le reste du temps, c’était Gustav Boudibouda. Au moins lui ne faisait pas le coup de poing contre les rouges, et le voyage était plus simple. Rouler, respecter les horaires, ne pas se poser de question, c’était un métier facile.
Surtout, j’avais un circuit sympa. Le centre ville uniquement, la compagnie m’a changé de zone bien plus tard. Je pense qu’un des grosses légumes de la BVG m’avait à la bonne, car j’ai gardé longtemps ce secteur privilégié.
Vous savez, il y a 15 ans, j’étais encore assez naif. Vous dites qu’on est l’année zéro, aujourd’hui? A Berlin, en 1932, c’était la vraie année zéro, et moi, Gerhardt Arthur Thrawn, simple conducteur de bus, j’étais en plein dedans.

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griffon
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par griffon »

Ah , je le sens bien celui la !

croyez moi j'ai du blair pour détecter le futur "hit" ! :D
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par GA_Thrawn »

Ha oui! :clap:
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mad
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par mad »

Hmm, 'tention quand même, tout comme le chauffeur du bus, je ne sais pas encore trop où je vais :lolmdr:
Quant au jeu, j'ai oublié de le préciser mais c'est assez visible finalement, c'est Cities in Motion
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par Nicodédé62 »

mad a écrit :Quant au jeu, j'ai oublié de le préciser mais c'est assez visible finalement, c'est Cities in Motion
Avec ou sans dlc ???? :siffle:
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par mad »

Nicodédé62 a écrit :
mad a écrit :Quant au jeu, j'ai oublié de le préciser mais c'est assez visible finalement, c'est Cities in Motion
Avec ou sans dlc ???? :siffle:
Ba à part le patch SA/SS que j'utilise ... :o:
Non en fait j'en sais rien, j'ai reçu une clé d'activation gratuite hier. Je sais pas si le jeu est complet (ou pas) par rapport à ce qu'il est sensé être. :pigepas:
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par Nicodédé62 »

Oui, je l'ai reçu aussi. Je pense que ça doit être le jeu de base. On sait jamais, des fois qu'on aurait envie d'acheter les dlc.... :o:
Bonne continuation :ok: .
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par mad »

J’ai bossé toute ma vie à la Berliner Verkerhs AG, qui en 1929 a patiemment regroupé tous les services épars de transports en commun à travers la ville : bus, métro et trams.


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Mon trajet typique, chaque jour ? Départ de Alexanderplatz, traversée du fleuve vers le sud, passage par les beaux quartiers, puis je longeais l’extrémité est du Tiergarten avant de revenir par le Reichstag et la porte de Brandebourg, traversée du fleuve vers le nord et retour à la case départ. A l’époque, il y avait encore une gare à proximité de l’Alex, avant que Speer n’en fasse table rase pour y caser tous les pontes du régime. Mais en 1932, la place n’était pas encore devenue le pré-carré de la Kripo, des SS et de la Gestapo. On y voyait encore des gens comme vous et moi. Et tous les matins, cette cohorte de travailleurs qui déboulait de la gare pour embaucher dans les commerces du coin, ou les usines plus au nord, rouspétant face au peu de places qu'on pouvait proposer dans nos bus.


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Enfin, travailleurs … la plupart n’avaient aucun boulot et allaient démarcher en espérant quelques heures de travail mal payées. Le taux de chômage atteignait les 25%, à ce moment, et nul ne pensait pouvoir être épargné. Même au sein de la BVG, on a senti le vent tourner … la compagnie a d’abord dû baisser le prix des tickets, pour que les gens acceptent encore de monter dans nos bus sans trop resquiller. Et comme ça n’a bien sur pas suffit, la direction a diminué le salaire de tous les employés en espérant faire quelques économies de bout de chandelle. Mais c’était trop pour nous … Au mois d’aout, Gustav Rodo, un des conducteurs du métro souterrain, s’est jeté en travers des rails. Brave gars … comme il ne voulait pas que notre travail, déjà pénible, ne soit perturbé, c’est sous les roues d’un train de la compagnie nationale qu’il s’est jeté. Sa veuve, ses enfants … je m’en rappelle encore.


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On a fait un pot commun, le peu qu’on pouvait encore gratter sur notre paye de la semaine, pour l’aider les premiers temps.

La compagnie, elle, n’a rien fait. Le lendemain de l’enterrement, ils lui ont envoyé un huissier afin de récupérer le petit logement de fonction que la BVG avait attribué à ses conducteurs les plus excentrés. Comme elle était d’origine tchèque, toute la petite famille a quitté Berlin en même pas une semaine. Ils sont retourné dans les Sudétes et je n’ai plus jamais entendu parler d’eux. Et puis on a vu de plus en plus de collègues disparaître. Beaucoup de suicides, la période était si noire… et puis des morts beaucoup plus suspectes. Au sein de la BVG, certains avaient voulu lancer une gréve générale, j’avais assisté à l’une des harangues un matin, dans la cour où on stationnait nos bus. Gunther Simileon, un des machinos, lançait des appels à ceux qu’il appelait ses camarades. Quand il est descendu de la caisse sur laquelle il était perché, j’ai vu Boudibouda lui faire une grande accolade en riant.

Certains tiraient la gueule, en revanche. Samara a couru vers l’un des bureaux du premier étage, en hurlant dans l’escalier. Le temps de passer un coup de fil et, dix minutes plus tard, un petit peloton de SA a débarqué dans la cour, en matraquant ceux qui s’y attardaient. Double ration pour ceux qui tenaient un écriteau ou une banderole. Similéon, lui, a eu droit à la barre de fer.
J’ai pris mon service en échappant à cette bataille de rue mais, en quittant le dépôt, j’ai eu le temps de voir dans le rétroviseur le corps de Simileon gisant ensanglanté, tandis que SA et communistes continuaient à se battre comme des chiens. Mais aurait-on pu trouver raison plus serieuse de se battre ? Le pays tout entier était en train de sombrer, les Berlinois se déchiraient entre eux selon leurs idéologies respectives. On m’a dit qu’en partant, les SA ont pris avec eux Simileon, qui respirait encore quand ils l’ont balancé à l’arrière d’une de leurs fourgonnettes. Lui aussi, on ne l’a jamais revu. Certainement un des nombreux corps qu’on repêchait chaque semaine dans la Spree, affreusement défiguré. Camarade ou chemise brune, dans la mort, ils se ressemblaient tous, finalement.

Le lendemain soir, j’arrive un peu plus tard que prévu au dépôt, à cause des bouchons sans cesse plus importants. Je vois mon poinçonneur attitré, Gustav Boudibouda, en train de remplir un bidon d’essence au sigle de la compagnie avec la pompe réservée pour les bus. Il range le bidon à l’écart, et je vois qu’il y en avait déjà plusieurs autres. Il rapproche une petite voiture qui était garée à l’écart, et empile les bidons sur la plage arriére. Il démarre et quitte la cour, la voiture cahotant et pétaradant. Je n’avais pas spécialement cherché à me cacher, il m’a vu au moment de passer le portique de l’arrière cour. Il m’a regardé fixement, sans sourire, sans un geste, sans surprise non plus.
La nuit passe. Un tour de cadran et j’ai pris mon bus, comme chaque matin. Alexanderplaz, Leipzigerstrasse, le parcours habituel. La matinée s’est écoulée, dans une moiteur insupportable. Sur les coups de midi, je passe par la Wilhelmstrasse. Une déflagration devant moi, sur la droite, tout un étage qui s’embrase dans un immeuble bourgeois.


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Je me gare en catastrophe, les passagers sortent du bus en poussant des cris. A l’étage la fenêtre explose, puis un homme s’abat à quelques métres de moi, le corps en partie calciné. D’autres plus chanceux, qui ont réussi à traverser la cage d’escalier en feu, sortent par l’entrée principale de l’immeuble. L’un d’entre eux se débat dans une gerbe de flammes qui consume ses vêtements. J’ai le temps de voir ses cheveux s’embraser à leur tour, puis l’homme s’abat au sol, secoué de spasmes, avant d’abandonner toute velléité face à la mort. Et par dessus, le bruit toujours plus fort de crépitement, l’odeur forte d’essence, et d’autres hommes qui quittent l’immeuble par les échelles de secours. Pour la pupart en uniforme bruns, tous arborant le bandeau à croix gammée.

Nouvelle explosion, dans la rue tout le monde recule. Ma journée est décidément terminée. Déjà j’entends les sirènes des pompiers. Je ne peux quitter des yeux l’objet qui a atterrit à proximité de mon bus après la dernière explosion. Les flammes font rapidement disparaitre l’étiquette au nom de la SVG tandis que sous la chaleur, le bidon commence à se tordre en une masse indéfinissable.
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mad
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par mad »

L’explosion qui avait couté la vie à 7 membres des SA a relancé la violence, qui s‘est déchainée à travers la ville dans des proportions inconnues jusque là. Quelques jours plus tard, Stephen Locke, membre influent du parti communiste allemand, est dépassé par un autre véhicule dans les quartiers sud de la capitale. La voiture se rabat, forçant Locke à s’arreter. Une seconde voiture vient alors le percuter, laissant le chef communiste complètement sonné. Des hommes entourent la voiture et mitraillent le pauvre Locke, qui n’aura pas même le temps de quitter son volant.


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Sous la pression populaire, la police criminelle n’a pas eu le choix que de mener l’enquête sur cet assassinat politique. Au bout de quelques semaines, 3 hommes, tous appartenant à la SA, sont appréhendés puis jugés. Aucune circonstance atténuante, la peine de mort est requise. Mais c’est le nouvel homme fort du pays, qui n’occupe encore aucun poste et rejette toutes les propositions subalternes, qui va plaider en faveur des trois assassins en faisant jouer de ses relations, remontant même jusqu’au vieil Hindenburg. Graciés, les 3 hommes se contenteront de faire quelques mois de prison, attendant que leur parti arrive au pouvoir. Herr Hitler, qui avait agit en coulisses, reprenait chaque matin son avion particulier et survolait la ville avec en vue toujours de nouveaux lands où prêcher pour les énièmes élections qui s’annonçaient.


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Alors que les grandes chaleurs marquaient la fin de l’été, la BVG, tout comme le pays, traversait une période tumultueuse. L’économie allemande était au bout du rouleau : inflation galopante, récession intenable, chômage, tout cela s’additionnait et contribuait aux violences politiques dont on avait déjà vu quelques exemples au sein de la compagnie.


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Pour la premiére fois, notre compagnie de transports publics, qui jusque là avait plus ou moins réussie à éviter la casse, s’est mise à plonger. Chaque mois, le déficit s’affichait autour de 400.000 marks, suite à l’abandon des transports par une population réduite au systéme D. Pas une famille qui ne connut un frére ou un fils au chomage, quand ce n’était pas le pére et tous ses enfants. Le bus ? C’était devenu un luxe pour la moitié des Berlinois, qui préféraient marcher plusieurs kilométres afin d’éviter une dépense superflue. Les usines en périphérie fermaient toutes progressivement, et la BVG décida d’abandonner ces quartiers pour ne plus les desservir à perte. Les bus étaient renvoyés sur mon secteur qui restait le seul à dégager encore des profits. Il y a 14 ans, les touristes venaient encore, et se massaient aux abords des gares ou de l’aéroport. Etrange periode, avec ce centre-ville grouillant de vie, et ou toutes les langues pouvaient s’entendre au sein du même véhicule ! Alors que la ruine financiére guettait la compagnie, sur la ligne 1, nous étions toujours débordés, malgré la 15aine de bus qui avaient été rajoutés.


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Il fallait voir ce qu’était alors l’ocelot … 14 places assises, je vous l’ai déjà dit, une plateforme arriére toujours bondée, et une vitesse moyenne à l’image de la fiabilité du moteur : entre le médiocre et le dégueulasse, tout simplement.

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Combien de pannes j’ai connues … La BVG a eu beau réquisitionner le plus possibles de bus pour notre seul secteur, on était toujours dépassés. Quand les moteurs étaient bien entretenus, on avait une chance sur deux de tomber en panne dans la semaine. Et quand ce n’était pas le cas … Parmi les machinos, on comptait beaucoup de communistes, encartés et tout …
La compagnie était gérée par des financiers proches de Von Papen, et qui n’avaient pas hésité à participer à des barbecues avec le petit Adolphe, pensant qu’ils pouvaient facilement le manipuler. Au final ce sont eux qui se sont retrouvés pieds et poings liés au régime nazi, se réveillant un jour avec la carte du parti en poche, dépendant du bon vouloir d’Hitler, versant sans cesse plus d’argent pour qu’en retour les commandes d’Etat évitent la faillite totale. Ces types avaient voulu jouer au plus fin et finalement, ils se retrouveront culs-nus, à danser dans une ronde endiablée pendant que le maitre de cérémonie taperait des mains, toujours plus fort et plus vite, en se moquant d'eux. Les anciens maitres et le nouveau ...

Du coup, certains cheminots voyaient ça d’un très mauvais œil, encore plus après la mort de Similéon. Du sucre dans le réservoir, des pneus crevés, de l’huile de mauvaise qualité pour le moteur, tout était bon pour saborder l’un des multiples outils appartenant à des industriels proche du NSDAP. Moi, je ne me mélais pas de ça, j’avais un boulot, un salaire, et une famille à faire vivre. La politique … je laissais ça à un Samara, ou dans un autre genre, à Boudibouda.

Ah, Gustav ... Je l’ai recroisé peu après, et il m’a regardé comme si de rien n’était. Il savait que je savais, je savais qu’il savait ce que je savais, et on a fait comme si jamais je n'avais vu de bidon d'essence entre ses mains, comme si ce visage qui coulait sous la chaleur en une vulgaire cire chaude n'avait jamais existé. Deux rigolos qui se tiennent par la barbiche mais qui font tout pour ne pas rire, car la sanction, ce n'est pas une tape sur la joue, et chacun rentre chez soi. C'était au choix une exécution couverte par les chants de l'Internationale, un tabassage à mort par des SA, ou la lame de la guillotine dans la cour intérieure de la prison de Spandau. Du coup je conduisais, il poinçonnait les tickets, et on n’en a pas parlé. Enfin pas à ce moment. Il m’a confié bien plus tard qu’il ne se baladait pas sans un couteau sur lui, les premiers temps, et qu’il n’aurait pas hésité à me planter si j’avais fais mine de vouloir le dénoncer. Mais c’était superflu, il m’avait bien jugé : tant que je ramenais mes quelques marks à la maison chaque semaine, j’acceptais tout. Je n'étais pas le seul. Pensez à ce qu’on a accepté par la suite …

Et puis quand les problèmes ne venaient pas de l’entreprise, ils venaient de la ville même. Une capitale bondée, des chomeurs partout qui traversaient au mépris du bon sens, la pire circulation que j’ai jamais connu. On ne pouvait pas parler d’heures de pointe, car pour ça il aurait fallu qu’il y ait des heures creuses. Cette periode a été assez abominable, le centre ville était toujours bondé.


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Ce n’est que plus tard que la compagnie a commencé à développer le réseau de tramway, afin de désengorger la capitale – et indirectement, nous faciliter un le boulot. Mais fin 1932, les dirigeants marchaient encore sur des œufs. Le gouffre financier était devenu abyssal, les pertes se creusaient chaque mois.
Et puis tout en haut, comme beaucoup d'autres, ils ont tout misé sur un seul homme en espérant voir le bout du tunnel. Hitler avait encore gagné les élections, mais le recul des nazis était important par rapport au mois de juillet. Peu leur importait, à tous ces industriels. Ils se sont dit : on va tout miser sur ce tocard, s’en mettre plein les poches, et puis on le jettera quand il sera devenu un canasson usé par le pouvoir. Un seul des gros actionnaires de la BVG, Von Aasen, un prussien de la vieille école, avait fait entendre une voix discordante. Noyée dans la masse …
En janvier 33, ils ont attelé celui qu’ils considéraient comme une vieille carne. Le cheval les a endormis quelques jours pour mieux ruer dans les brancards et, avant qu’ils ne comprennent, ils étaient déjà au bord de la route, désarçonnés, ayant perdu tous les rennes. Hitler est devenu chancelier, et a lâché ses chiens de guerre dans les rues.


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Emp_Palpatine
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par Emp_Palpatine »

mad a écrit : Sous la pression populaire, la police criminelle n’a pas eu le choix que de mener l’enquête sur cet assassinat politique. Au bout de quelques semaines, 3 hommes, tous appartenant à la SA, sont appréhendés puis jugés. Aucune circonstance atténuante, la peine de mort est requise. Mais c’est le nouvel homme fort du pays, qui n’occupe encore aucun poste et rejette toutes les propositions subalternes, qui va plaider en faveur des trois assassins en faisant jouer de ses relations, remontant même jusqu’au vieil Hindenburg. Graciés, les 3 hommes se contenteront de faire quelques mois de prison, attendant que leur parti arrive au pouvoir. Herr Hitler, qui avait agit en coulisses, reprenait chaque matin son avion particulier et survolait la ville avec en vue toujours de nouveaux lands où prêcher pour les énièmes élections qui s’annonçaient.
C'est voulu ou pas la référence à une affaire judiciaire tout à fait similaire en 1932? :P
Vous pensez tous que César est un con? Vous pensez que le consul et son conseiller sont des cons? Que la police et l'armée sont des cons? Et vous pensez qu'y vous prennent pour des cons? Et vous avez raison, mais eux aussi! Parce que depuis le temps qu'y vous prennent pour des cons, avouez que vous êtes vraiment des cons. Alors puisqu'on est tous des cons et moi le premier, on va pas se battre.
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mad
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par mad »

Effectivement ce n'est pas un hasard, l'affaire (réelle) était assez marquante (quoique pour un procès, combien ont eu une totale impunité pour déclencher les violences dans une Republique agonisante...)
:wink:
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par Locke »

J'aurais pas fait long feu, après l'avoir foutu.. :chicos:

Quelle narration en tout cas :clap:
Greyhunter
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par Greyhunter »

Samara, c'est bien celui qui s'est engagé dans la SS en hurlant qu'il allait défendre la civilisation occidentale contre les hordes bolcho-asiatiques? J'ai entendu dire qu'il est mort d'une réaction allergique à l'huile qu'ils utilisaient pour que leurs muscles soient bien luisants. :chicos:
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par Boudi »

Je vais suivre, j'ai reçu ma clé aussi. :lolmdr: On devrait pouvoir se faire une méga-multi du coup. :lol:
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Un petit calcul, et on s’en va !
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buzz l'éclair
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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Message par buzz l'éclair »

Bravo Mad pour ce début ! Vivement la suite ! :clap:

Et si vous faites un multi comme le suggère Boudi, j'espère que vous en ferez profiter également les membres du forum.
"On commence par dire: cela est impossible pour se dispenser de le tenter, et cela devient impossible, en effet, parce qu'on ne le tente pas", Charles Fourier.

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