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Otto Granpieds
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Message par Otto Granpieds »

pour parler de sujets historiques sans polluer d'autres fils.
Leaz a écrit :La postérité d'Auguste est même largement supérieure. Alexandre crée un empire volatile, qui ne survivra à sa mort que par le biais de royaumes qui vont s'entredéchirer. Auguste pose les bases du principat, un modèle qui continuera quatre siècles après lui en créant au passage le plus grand empire occidental, référence constante à toutes les constructions politique impériale qui se succèderont en Europe. Rien que ça !

J'ai envie de dire, c'est grave le respect Auguste, t'a vu. :o:
Quand je dis qu'Auguste a créé un empire, ça signifie à mon sens qu'il a posé les bases d'un pouvoir monarchique au sein d'une construction déjà existante. Du point de vue territorial, l'empire romain était déjà en grande partie constitué, et son action a été avant tout politique, pour adapter des structures dépassées à cette réalité. S'il a dû conserver l'apparence des institutions "républicaines" c'est parce que, de son temps, la monarchie n'était pas acceptable pour les romains, ou plutôt pour l'oligarchie ex-dirigeante : il n'avait pas envie de finir comme César (le vrai !).

Au contraire, Alexandre le Grand a conquis un empire, qui ne lui a pas survécu, probablement parce que seule sa personnalité totalement hors norme pouvait le maintenir.

Mais il a fait bien plus : il a créé un monde. Sur la base de la civilisation grecque cantonnée à un secteur assez restreint du bassin méditerranéen, s'est dévelopée une civilisation dite "hellénistique" qui s'étendra des Colonnes d'Hercule jusqu'à l'inde, c'est à dire la quasi totalité du monde connu alors. Même la culture de l'empire romain en est tributaire... Autre résultat : la création d'un espace économique beaucoup plus vaste, dont l'apparition de la route dite "de la soie" un peu avant l'ère chrétienne sera une conséquence.

Pour moi, la grande coupure historique dans l'Antiquité résulte de son épopée : il y a un avant Alexandre et un après Alexandre. Il a existé des empires auparavant, par exemple l'empire perse. Mais aucun n'a prétendu ou pu exporter une culture aussi élaborée, vivace et à prétention universelle. Rappelons que la plupart des chefs d'oeuvre que nous attribuons à l'hellénisme, sont en fait hellénistiques : la Vénus de Milo, la victoire de Samothrace, le Colosse de Rhodes, le Phare d'Alexandrie, le Laocoon du Vatican, les bijoux, émaux, camées, verreries qu'on retrouve jusqu'en Inde. Evoquons les centaines de cités comme Ai Khanoum, au nord-est de l'Afghanistan.

Tous les souverains et grands capitaines se sont ensuite référés à lui, d'Hannibal à Pompée, de César à Mithridate du Pont, de Pyrrhus à Antoine, jusqu'à la fin de l'Antiquité... Même Auguste quand il devient un souverain hellénistique en s'appropriant l'Egypte ne fait que l'imiter... :notice: Même Jésus, quand il meurt à 33ans et devient un dieu...
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Leaz
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Re: Discussion historique...

Message par Leaz »

Tu exagère un peu sur la sphère hellénistique quand même, elle recouvre plus les bord de la méditerranée orientale, que l'ensemble du bassin jusqu'en Espagne, où c'est plutôt la culture punique et le culture romaine qui va être la référence (même si, oui, bien sûr, la culture romaine est une culture largement influencée par la culture grecque).

Pour moi on attribue beaucoup de choses à Alexandre qui ne lui sont pas directement attribuable. On oublie un peu le rôle de Philippe II, son pôpa, qui lui a gentiment préparé tout l'arsenal militaire nécessaire à ses campagnes. Et surtout son incapacité à régner sur l'empire qu'il conquis en fait une comète de l'histoire : ça brille, c'est joli dans le ciel, mais elle passe très vite et bientôt il n'en reste plus qu'un souvenir. La brièveté de son règne est quand même frappante : il conquiert, puis meurt. Jamais il ne gouverne.

L'essor de la culture hellènistique est plus à mettre au compte des diadoques : le syncrétisme greco-égyptien des Ptolémée ; les séleucides qui renforcent et exportent le modèle de la Polis ce qui va influencer le développement urbain des territoires orientaux ; la Bactriane (mes préférés) et leur syncrétisme entre bouddhisme, panthéon grec et mazdéisme qui font rayonner cette culture aussi loin de ses origines..
Et puis surtout, rapidement les Parthes arrivent et remettent tout l'espace persan au pas. Ce sont les Parthes qui seront les ennemis invincibles des romains, pas les grecs.

Bon ceci dis, je n'enlève rien a Alexandre quand même hein, ça reste un conquérant de génie, on est bien d'accord.

Mais Auguste pour moi est un cran au dessus : c'est celui qui conquiert et règne. Il pars de rien, bidonne le testament de César, fais montre d'une habilité politique hors-norme pour s'imposer contre ses rivaux, gagne la guerre civile malgré qu'il soit un général médiocre, car il sait bien s’entourer. Et ensuite, il gouverne jusqu’à sa mort, offrant une des périodes les plus stable de l'histoire romaine. Bref il transforme une cité mal-dégrossie en proie à des luttes intestines et des révoltes quasi permanente en un ensemble bien plus homogène, fédéré autour d'une institution nouvelle et capable d'intégrer les élites de l'empire en leur faisant miroiter des postes dans l'ordre équestre ou sénatorial. Alors certes il y à Pompée et César avant lui, qui sont les conquérants, mais le plus dur ce n'est pas la conquête : l'appareil militaire romain est une mécanique de précision, bien rodée, bien huilée, qui n'a besoin que d'un horloger aux compétences médiocres pour donner l'heure exacte. Le plus dur c'est la préservation du pouvoir, spécialement durant l'antiquité ou la religion n'est pas fédératrice (au sens des monothéisme), ou le nationalisme est bien souvent réduit a l'échelle de sa cité / sa région proche ou la culture du "légalisme" est quasi-inexistante.

Bref tout est a inventé et Auguste l'invente. Il invente une nouvelle culture politique.
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DarthMath
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Re: Discussion historique...

Message par DarthMath »

Ah, tenez, j'ai une question juridique romaine qui me turlupine depuis quelques jours !! :yho: :chicos:
Normalement, un dictateur et son maître de la cavalerie sont élus pour 6 mois dans le cas de circonstances exceptionnelles. Cela induit deux questions :
- sont-ils élus en lieu et place des deux consuls de l'année, ou "par-dessus" eux ? i.e., les deux consuls sont-il toujours présents et conservent-ils leurs prérogatives ?
- la seconde question est corollaire à la première ... dans le cas où il n'y a pas de consuls, comment cela se passe-t-il au bout des 6 mois de mandat, dans le cas où celui-ci n'est pas prorogé ? Il n'y a pas de magistrats suprêmes avant le début de l'année d'après ? Cela me paraît étrange ( et du coup, la réponse est probablement incluse dans la question !! :wink: ) ... :signal:
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Message par von Aasen »

Normalement sous la république s'il y a un dictateur, c'est qu'au moins un des deux consuls est mort. Du coup ça règle le problème, vu que (là encore, normalement) c'est le pignouf consul restant qui recevra les droits de dictature.

La dictature ayant pour seul but de garder une continuité décisionelle et de préparer les élections des prochains consuls, un rallongement est implicitement exclu.

Autant pour la théorie, dans la pratique ça dégénère assez vite en "dictature pour 10 ans" ou "dictature à vie" pour "causes honorifiques" (-> vote sénatorial avec les potes armés du futur dictateur surveillant la procédure :chicos: ).
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Leaz
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Re: Discussion historique...

Message par Leaz »

DarthMath a écrit :Ah, tenez, j'ai une question juridique romaine qui me turlupine depuis quelques jours !! :yho: :chicos:
Normalement, un dictateur et son maître de la cavalerie sont élus pour 6 mois dans le cas de circonstances exceptionnelles. Cela induit deux questions :
- sont-ils élus en lieu et place des deux consuls de l'année, ou "par-dessus" eux ? i.e., les deux consuls sont-il toujours présents et conservent-ils leurs prérogatives ?
- la seconde question est corollaire à la première ... dans le cas où il n'y a pas de consuls, comment cela se passe-t-il au bout des 6 mois de mandat, dans le cas où celui-ci n'est pas prorogé ? Il n'y a pas de magistrats suprêmes avant le début de l'année d'après ? Cela me paraît étrange ( et du coup, la réponse est probablement incluse dans la question !! :wink: ) ... :signal:

Oui, le dictateur à pouvoir "par dessus" les consuls, c'est l'histoire des questions d'imperium. Cette notion défini chez les romains la portée du pouvoir accordé par la république, or le dictateur est le seul titre à rassembler l'imperium militaire et civil -> il est au dessus de tous les autres.

Tu peut le voir dans les fastes consulaires, regarde a la toute fin : César est dictateur en même temps que plusieurs consuls.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fastes_consulaires

Et pour ta seconde question, il y à un "consul suffixe" qui est élu pour combler le laps de temps entre la fin de la dictature et le 1er janvier, date traditionnelle d’élection des nouveaux consuls. L'utilisation des suffects va d'ailleurs devenir un peu n'importe quoi avec l'établissement du Principat, celà va permettre encore plus de "bidouillage" au niveau de la charge de consul, les empereurs se nommant consul en début d'année puis nommant un suffect pour le prestige..
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DarthMath
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Re: Discussion historique...

Message par DarthMath »

Ah oui, c'est vrai, j'avais oublié cette histoire des suffects ! Mes interrogations portaient uniquement sur la période républicaine, mais merci pour vos précisions ! :signal:
Et du coup, une petite dernière pour la route ... :wink:
Quid en cas de décès des deux consuls durant leur année d'exercice ? Elections de suffects comme précédemment, ou de dictateur/maître de cavalerie ? Et s'il n'y en a plus qu'un restant, exerce-t-il seul en attendant l'année d'après, ou se retrouve-t-on encore dans le même cas ?
Ah, et il y a les Censeurs qui m'énervent, aussi !! :pascontent: Elus pour 5 ans, que se passe-t-il si un ou les deux trépassent durant leur mandat ?

Voilà, c'est fini, je ne vous embête plus après ça !! :chicos:
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Leaz
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Re: Discussion historique...

Message par Leaz »

DarthMath a écrit :Ah oui, c'est vrai, j'avais oublié cette histoire des suffects ! Mes interrogations portaient uniquement sur la période républicaine, mais merci pour vos précisions ! :signal:
Et du coup, une petite dernière pour la route ... :wink:
Quid en cas de décès des deux consuls durant leur année d'exercice ? Elections de suffects comme précédemment, ou de dictateur/maître de cavalerie ? Et s'il n'y en a plus qu'un restant, exerce-t-il seul en attendant l'année d'après, ou se retrouve-t-on encore dans le même cas ?
Ah, et il y a les Censeurs qui m'énervent, aussi !! :pascontent: Elus pour 5 ans, que se passe-t-il si un ou les deux trépassent durant leur mandat ?

Voilà, c'est fini, je ne vous embête plus après ça !! :chicos:
La règle générale c'est remplacement illico-presto par un CDD jusqu’à la date officielle de nomination.

Si les deux consuls meurent -> remplacement par suffects. Le dictateur n'interviens qu'en cas de menace jugée grave contre Rome. La mort d'un ou des deux consul n'est pas une menace en soi. Si il n'y à qu'un seul consul, il est toujours accompagné par un suffect : c'est la fameuse peur des romains du pouvoir d'un seul homme, liée a la royauté mythique, etc. Même le dictateur ne règne pas seul puisqu'il a son maitre de cavalerie.

Quant aux censeurs, ils sont théoriquement élus pour 5 ans (temps séparant deux recensement) mais en pratique abdiquent au bout de 18 mois. Quant a leur mort accidentelle, c'est une bonne question.. Je t'avoue ne pas savoir là. A mon avis deux cas de figure possible : remplacement jusqu'a la fin du mandat théorique (même règle qu'au dessus) ou alors non-remplacement et attente du prochain mandat. Le poste de censeur n'étant de toute façon pas un poste à "temps plein" dans le sens où les censeurs remplissent leur mission puis ensuite abdiquent je pense que la vacance n'était pas trop grave, du moment que le précédent recensement avait était fait.
Modifié en dernier par Leaz le mar. févr. 16, 2016 3:26 pm, modifié 1 fois.
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Re: Discussion historique...

Message par DarthMath »

Ca se tient ... merci ... :wink:
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Message par Locke »

von Aasen a écrit :Autant pour la théorie, dans la pratique ça dégénère assez vite en "dictature pour 10 ans" ou "dictature à vie" pour "causes honorifiques" (-> vote sénatorial avec les potes armés du futur dictateur surveillant la procédure :chicos: ).
Pour le coup à l'exception de Sylla (dictateur à vie ayant abdiqué) et César (dictateur à vie ayant abdiqué inopinément :chicos: ) aucun autre romain n'a outrepassé ses prérogatives, ce qui est remarquable à bien des égards au vu de certains contextes (l'invasion gauloise du IVe siècle, les guerres puniques, les invasions cimbres et teutonnes, etc). Je pense que ce qui a du motiver Sylla puis César a aspirer à des mandats aussi longs repose sur l'ancienneté de la fonction (tant dans sa création que son utilisation tombée en désuétude jusqu'au Ier siècle) et surtout la fracture marianique qui a définitivement ébranlé les fondations de la Res Publica.
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Re: Discussion historique...

Message par von Aasen »

Après Auguste ce genre de choses n'était plus vraiment nécessaire. C'est vrai que ça a mis son temps avant de dégénérer!
Otto Granpieds
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Re: Discussion historique...

Message par Otto Granpieds »

Leaz a écrit :Tu exagère un peu sur la sphère hellénistique quand même, elle recouvre plus les bord de la méditerranée orientale, que l'ensemble du bassin jusqu'en Espagne, où c'est plutôt la culture punique et le culture romaine qui va être la référence (même si, oui, bien sûr, la culture romaine est une culture largement influencée par la culture grecque).

Pour moi on attribue beaucoup de choses à Alexandre qui ne lui sont pas directement attribuable. On oublie un peu le rôle de Philippe II, son pôpa, qui lui a gentiment préparé tout l'arsenal militaire nécessaire à ses campagnes. Et surtout son incapacité à régner sur l'empire qu'il conquis en fait une comète de l'histoire : ça brille, c'est joli dans le ciel, mais elle passe très vite et bientôt il n'en reste plus qu'un souvenir. La brièveté de son règne est quand même frappante : il conquiert, puis meurt. Jamais il ne gouverne.

L'essor de la culture hellènistique est plus à mettre au compte des diadoques : le syncrétisme greco-égyptien des Ptolémée ; les séleucides qui renforcent et exportent le modèle de la Polis ce qui va influencer le développement urbain des territoires orientaux ; la Bactriane (mes préférés) et leur syncrétisme entre bouddhisme, panthéon grec et mazdéisme qui font rayonner cette culture aussi loin de ses origines..
Et puis surtout, rapidement les Parthes arrivent et remettent tout l'espace persan au pas. Ce sont les Parthes qui seront les ennemis invincibles des romains, pas les grecs.

Bon ceci dis, je n'enlève rien a Alexandre quand même hein, ça reste un conquérant de génie, on est bien d'accord.

Mais Auguste pour moi est un cran au dessus : c'est celui qui conquiert et règne. Il pars de rien, bidonne le testament de César, fais montre d'une habilité politique hors-norme pour s'imposer contre ses rivaux, gagne la guerre civile malgré qu'il soit un général médiocre, car il sait bien s’entourer. Et ensuite, il gouverne jusqu’à sa mort, offrant une des périodes les plus stable de l'histoire romaine. Bref il transforme une cité mal-dégrossie en proie à des luttes intestines et des révoltes quasi permanente en un ensemble bien plus homogène, fédéré autour d'une institution nouvelle et capable d'intégrer les élites de l'empire en leur faisant miroiter des postes dans l'ordre équestre ou sénatorial. Alors certes il y à Pompée et César avant lui, qui sont les conquérants, mais le plus dur ce n'est pas la conquête : l'appareil militaire romain est une mécanique de précision, bien rodée, bien huilée, qui n'a besoin que d'un horloger aux compétences médiocres pour donner l'heure exacte. Le plus dur c'est la préservation du pouvoir, spécialement durant l'antiquité ou la religion n'est pas fédératrice (au sens des monothéisme), ou le nationalisme est bien souvent réduit a l'échelle de sa cité / sa région proche ou la culture du "légalisme" est quasi-inexistante.

Bref tout est a inventé et Auguste l'invente. Il invente une nouvelle culture politique.
Ah... Enfin une discussion intéressante. :clap:

Pour moi, l'empire romain faisait partie de l'aire de diffusion de la civilisation hellénistique : la culture, l'art, l'architecture, la littérature et même la langue (chez les élites, du moins – on ne sait même pas, par exemple, si le célèbre « Toi aussi, mon fils » a été prononcé en latin ou en grec - un noble romain étant tellement bilingue que, même au moment de mourir, il peut s'exprimer dans l'une ou l'autre langue) sont grecs. Sans parler de Néron, un espagnol comme Hadrien est un parangon de culture hellénique. Or, il se trouve que les Colonnes d'Hercule sont en Espagne...

Il est vrai que l'action de Philippe a été d'une immense importance, mais c'est Alexandre qui a conquis son empire en dix ans : il ne l'a pas trouvé tout fait, comme Auguste, dont l'action a été avant tout politique (ses manœuvres insidieuses et sa propagande pernicieuse ont été déterminantes dans la chute d'Antoine). Il lui a d'ailleurs fallu quatorze ans pour parvenir au pouvoir suprême.

Je ne sais pas si Alexandre a gouverné, mais il a sûrement administré : la difficulté logistique d'entretenir, réarmer, approvisionner et fournir en renforts une armée à plusieurs milliers de kilomètres de ses bases, dans des régions d'accès difficile, était colossale, et pourtant il l'a fait. Et il a tenu son empire, sinon, il n'aurait pas pu relever ce défi logistique. Entouré de compagnons macédoniens tous plus turbulents et ambitieux les uns que les autres, il les a maintenus dans le rang, avec une main de fer (et pas de gant du tout !).

Les conséquences de sa conquête n'apparaîtront vraiment que sous les Diadoques. Mais que sont les Diadoques : en langue grecque ce sont les « Héritiers », et que sont les héritiers s'il n'y a pas d'héritage ? Ils sont les ombres du Conquérant, sans lui, ils n'auraient pas existé !

Alexandre n'a pas eu le temps de mettre en œuvre un projet politique, mais à mon avis, il a donné une indication dans ce qu'on appelle les « Noces de Suse » : quatre-vingt dignitaires macédoniens et des milliers de soldats épousent des femmes perses. On a voulu y voir une volonté d'intégration des peuples vaincus et de fusion ethnique dans un empire homogène. En fait, je pense que l'objectif est moins « humaniste » et visionnaire : si on lit, par exemple l' « Histoire de l'empire perse » de Pierre Briant, on constate que l'empire achéménide était organisé sur une base ethnique : un peuple gouvernant, les Perses, doté de droits et de privilèges particuliers, dominant et gouvernant des peuples ayant des statuts particuliers, les plus proches du centre étant plus favorisés. Je crois qu'Alexandre voulait adopter une structure dominée par les gréco-macédoniens et les perses (pépinière de bons soldats et d'administrateurs expérimentés), sans qu'il soit possible de dire si les autres peuples auraient fait l'objet d'une hiérarchisation. A noter que, de tous les mariés connus, seul Seleucos a gardé sa femme perse, ce qui montre que son projet allait contre les idées reçues...

Qu'a inventé Auguste ? Le principat... Mais il y a déjà eu, bien avant lui, des imperatores qui ont dominé la république. La différence est qu'ils n'ont pas pérennisé leur pouvoir : en schématisant, on pourrait dire que Marius n'a pas su, Sulla n'a pas voulu, Pompée n'a pas osé, César n'a pas pu. Mais je suis persuadé qu'un jour ou l'autre, quelqu'un aurait institué la monarchie dans l'empire, si Auguste ne l'avait pas fait (c'était inévitable dans la mesure où les luttes d'ambition et de partis rendaient l'empire ingouvernable, et menaçaient même de le détruire, lui et ses élites).

Le génie d'Auguste, tout empreint d'un pragmatisme bien romain, dirais-je, c'est d'avoir conservé les formes de la république, en concentrant tous les pouvoirs entre ses mains, tout en maintenant le Sénat et l'aristocratie dans le dispositif. Et de d'avoir réorganisé l'empire de façon que son pouvoir ne soit plus contestable et puisse se pérenniser, mettant fin ainsi aux Guerres Civiles.
Ce sont les événements qui commandent aux hommes et non les hommes aux événements.
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