Chapitre XIII: 1520-1530
Franz II Stefan s'était surtout distingué par ses faits d'armes durant son règne. Pourtant il ne négligea pas totalement les autres aspects de la vie du Royaume et s'efforca d'attirer des hommes compétents à sa cour. Il était conscient de l'importance de l'argent pour la guerre, et favorisait tous les marchands qui voulaient s'implanter durablement dans les riches villes d'Europe.
Il fut toujours très libéral lorsqu'il fallut dépenser quelque somme pour améliorer la vie économique de ses cités. De même il maitrisait passablement l'art de garder ses sujets satisfaits de leur sort en leur accordant des libertés limitées et en leur construisant de sompteuses églises et cathédrales.
Finalement, il reconnut ses faiblesses en tant que diplomates et jugea plus prudent d'envoyer les gens de ce métier vers les cours amies. De même, il préféra faire rayonner son Royaume au moyen d'érudits plutôt que de conter lui-même les nombreuses qualités de ses terres natales.
L'importance qu'il accordait à l'armée était toutefois sans commune mesure. En 1521, il reprit à son compte les innovations du génial Moritz de Nassau, l'un de ses nombreux vassaux directs. La nouvelle emphase mise sur les armes à feu avait le don d'irriter les nobles si fiers de leurs montures et de leurs fines armures. Elle n'en améliora pas moins l'efficacité au combat des soldats autrichiens. L'utilisation optimale de l'arquebuse rendit l'infanterie moins vulnérable aux terribles charges des chevaliers ennemis.
Les premiers à en faire les frais furent les rebelles suisses sous le commandement du charismatique Engelbert Luz, un des derniers hommes à avoir endossé les plus hauts postes de la confédération helvétique. Les lourdes formations du
Gewalthaufen, traditionnelles en cette région, furent taillées en pièces par le feu discipliné des vétérans rhénans.
À la suite de cet incident, un
Statthalter fut nommé pour la Suisse. Il venait s'ajouter au "Haut Conseil" qui entourait directement le Roi et Empereur. La tâche fut confiée de manière héréditaire à la maison Schizumvor.
En 1524 de nouveaux troubles dérangèrent la vie dans le Saint-Empire. La ville de Hambourg s'en prit à son voisin du Mecklembourg, déjà convoité quelques années plus tôt par les Suédois. Les dignitaires de Hambourg avaient espéré recevoir l'aide de leurs puissants alliés lituaniens pour mener à bien leur guerre traitresse, mais ils furent déçus. Le Prince de Lituanie s'était drapé de quelques fades excuses pour ne pas avoir à défier l'Empereur.
Franz fit envoyer une solide troupe régler le compte de cette arrogante représentante de la Hanse, tout en dépêchant un second contingent pour éviter une défaite prématurée des quelques régiments entretenus par le Mecklembourg. En chemin, Charles-Hugues von Stichsenstein succomba à la fièvre chaude, contractée au cours d'une nuit passée à la belle étoile. L'année ne prit fin avant que les hostilités ne cessent. Brême fut abandonnée par sa garnison, et arrachée à Hambourg à titre de compensation par le traité de paix subséquent. De plus, cette dernière vit son devoir de vassalité étendu au Royaume d'Autriche pour en assurer un contrôle plus direct.
En cette même période, la très renommée lignée des zu Mora-Dime refit une apparition foudroyante à la cour. Rainer Zwerger se montra si zélé à la gestion de son commerce que le Roi l'éleva à la dignité de conseiller royal.
L'avertissement ne fut pas suffisant. La Suède, cette fois-ci forte du soutien du royaume de Bohême, tenta à nouveau de mener à sa perte le Mecklembourg. L'Empereur leva une fois de plus son glaive vengeur pour discipliner ses vassaux impériaux.
Les fantassins bien entraînés firent peu de cas des Suédois qui tentèrent d'envahir le Brandebourg. Il ne fallut que quelques semaines pour que ces ennemis indignes refluent en toute hâte vers le Danemark et la Poméranie Orientale, où leur fut infligée une terrible défaite.
Deux armées convergèrent vers la Bohême, dont le roi s'affairait à faire tomber la citadelle de Dresde, qu'il revendiquait depuis plusieurs générations. Il ne prit garde à la défense de ses propres terres.
La marine marchande du Mecklembourg une fois armée, les Suédois se gardèrent bien de la défier. Ceci permit aux armées autrichiennes d'envahir la Fionie, puis Copenhague. La coalition ennemie courait au désastre ...
... sans que ses souverains s'en rendent compte. Le Roi de Bohême et le Roi de Suède refusèrent toute entente amicale. En 1525, l'armée impériale débarqua en Suède continentale, et l'armée du Rhin était en passe de forcer Prague à la capitulation. Les deux royaumes étaient à bout.
En septembre 1525, Ferdinand Ier de Bohême se décida quand même à mettre un terme à la grande invasion autrichienne, et livra bataille à Budweis. Sa défaite écrasante consomma les maigres chances de victoire que les cours d'Europe lui attribuaient encore. Résigné, il fit amende honorable et céda la Lausitz, ainsi que la chaîne de montagnes des Sudètes et des Monts Métallifères.
Le comté de Thuringe et la marche de Brandebourg furent ainsi reliées aux autres possessions habsbourgeoises. Seules Brême et la Hollande demeuraient isolés. Les nouvelles acquisitions furent expurgées en temps record des infâmes hérétiques qui voulaient y répandre leur fiel. Le consul de Palpise mit une ardeur certaine à faire rentrer ces provinces dans le giron de l'église catholique.
Pendant ce temps, la campagne de Suède menaçait de s'enliser pour de bon. De vastes provinces avaient déjà été conquises par nos armées, mais les forces ennemies se soustrayaient toujours à nos arquebuses. Ils s'enfonçaient de plus en plus loin vers les terres infinies du Nord, espérant sans doute vaincre les Autrichiens à l'usage. C'était sans compter le soutien de la flotte du Mecklembourg, qui ravitaillait les régiments tour à tour. Il va sans dire que la paysannerie suédoise fut également fortement mise à contribution pour nourrir la troupe.
Malgré tous ces efforts, l'avancée se faisait de plus en plus lente. La résistance suédoise devenait plus ferme et plus massive. La prise de Stockholm marqua la fin de la progression autrichienne. Les routes plus au Nord étaient impraticables pour ceux qui leurs étaient étrangers. Des régiments suédois à pleins effectifs en défendaient les approches, alors que les troupes autrichiennes étaient épuisées par les marches incessantes en pays hostile.
Après des tractations fort longues, les diplomates s'accordèrent à ce que la paix fut signée. La Suède renonçait à la Poméranie et ses très riches marchés, mais gardait ses autres possessions. Le 28 février 1527, la seconde guerre austro-suédoise prenait fin.
Le Roi décida de resserrer les liens avec ses nouveaux voisins. Le duc de Prusse reçut la main d'une de ses nièces, un grand honneur pour un régent si modeste. Il fallait rester solidaire en ces temps où une grande partie des terres d'Autriche était encore contestée par des puissances jalouses du succès des Habsbourgs.
La mort sans successeur du plus grand magnat du Saint-Empire, Otto Großfuss, signifia une mane providentielle pour les caisses du trésor royal. Cet homme hors du commun avait accumulé pas moins de 576 250 ducats vénitiens! Le Roi n'en percevait autant que grâce aux taxes de deux années entières au sein de son royaume! Cette somme fut investie pour moderniser le système de justice. De somptueux tribunaux furent construits dans toutes les nouvelles acquisitions de la couronne.
L'année 1529 vit encore une fois le chaos triompher dans le Saint-Empire. Le Landgraviat de Hesse, soutenu par l'archevêché de Würzburg, le margraviat de Meißen et ... les États du Pape tentèrent de poignarder la ville libre de Lüneburg, pourtant alliée au comté de Württemberg, au Royaume de Suède, et à l'archevêché de Munster. L'Empereur envoya ses troupes rétablir le
status quo, bien qu'inquiété par la participation nominale du Pape dans ces affaires strictement allemandes.
La ville de Meißen fut prise d'assaut très rapidement par l'armée du Brandebourg. Les plénipotentiaires du margrave réussirent pourtant à sauver leur cité du pillage. Ils versèrent 1 389 000 Gulden en argent au Roi comme acte d'humilité. Franz II Stefan, fort occupé autrepart et satisfait de renflouer sa caisse, accepta dans un élan de générosité cette proposition. Il était étonnant que si petit pays accumule de pareilles richesses!
Les premiers combats contre la Papauté eurent lieu à Trévise, où mille mercenaires de Sa Sainteté trouvèrent la mort dans une embuscade. Quelques jours plus tard, l'armée de Wilhelm Ier de Hesse était anéantie à Kassel. Ce dernier comprit que face aux 110 000 hommes de l'Empereur, il ne pouvait tenir longtemps. Il signa la paix immédiatement, faisant entrer cette guerre dans les annales comme la plus courte que l'Autriche eut à supporter! La Hesse versa une compensation financière et renonça à ses revendications sur Kassel. Les diplomates qui se précipitèrent vers le Pape pour éviter le pire furent soulagés de voir que Clément VII n'était plus vraiment en possession de sa pleine raison, et que ses conseillers leurs firent comprendre que cette guerre relevait plus d'un malheureux incident que d'autre chose. L'Empereur pouvait s'en retourner à des occupations plus paisibles.