Chapitre XV: 1540-1550
La période de paix continue dans le Saint Empire était un moment privilégié pour s'occuper de réformes administratives. Ainsi, Leopold VIII fit passer tour à tour un édit réglant les sévères punitions réservées aux pirates, un autre lui octroyant le commandement des milices provinciales, un édit introduisant des serviteurs comptables au service de Sa Majesté, ainsi qu'un édit incitant à la sobriété. Ce dernier était adressé en particulier à sa cour, qui se permettait parfois un grain de débauche qui n'était pas sans irriter l'archiduc. L'économie flamboyante du Royaume permettait des excès auxquels personne n'aurait pensé un siècle plus tôt.
Les succès de la colonisation au Grünland n'étaient pas tombées sur des oreilles sourdes en Europe. Peu après l'achèvement d'un campement de colons conséquents, des vaisseaux anglais furent signalés dans ces eaux d'ordinaire désertes. Il avait plu au Roi anglais d'implanter une petite colonie à une centaine de lieues seulement des terres réclamées par l'Autriche. Les perspectives d'expansion dans cette région du monde s'en retrouvaient bien amaigries.
Les activités diplomatiques avaient également perdu en dynamisme. La réélection des Habsbourgs à la tête de l'Empire était plus qu'assurée, et leur monarchie s'était établie comme puissance de rang entre le Royaume de France et le Royaume de Pologne.
Cette paix ne fut pas au goût du Saint-Siège, qui décida que le moment était venu de réduire à néant la principauté d'Aquileia, le foyer du protestantisme. Les rois de Pologne, de Hongrie et le landgrave de Hesse s'empressèrent de suivre le moment. Leopold VIII était embarassé, car les princes protestants du Saint-Empire le poussaient à faire honneur à son devoir de protection envers ses vassaux, et il était dépendant d'eux pour faire accéder son fils à la dignité impériale. Le coeur lourd, il s'engagea dans cette gigantesque guerre.
L'Empereur rendit publique un édit invitant à se battre sous ses armes tous les hommes de bonne naissance, suscitant un enthousiasme fou dans les rues bondées de Vienne pour la guerre. Ses armées marchèrent tout d'abord vers l'ennemi intestin, le landgrave de Hesse Otto IV. On raconte que les deux souverains se battirent en duel à la bataille de Wiesbaden, où les Hessois étaient de toute évidence en infériorité numérique inquiétante. Frappé à la poitrine par le marteau germanique de son adversaire, le traitre hessois s'effondra à terre et offrit la reddition au vainqueur. La Hesse fut intégrée au Royaume d'Autriche en guise de réparations, ne laissant à gouverner au pauvre Otto IV que quelques terres héréditaires du Brunswick.
Les lieutenants du Roi n'avaient pas chômé, et les premiers récits de victoires des armées autrichiennes engagées en Pologne lui plurent fort. Sigismund II fut battu dans l'Ostmark, quelques unes de ses cités étaient déjà en mains autrichiennes. Les incursions de cavaliers pillards orientaux ne parvinrent pas à faire mieux que ravager quelques villages isolés avant d'être tués dans une embuscade.. Les armées papales connurent une rude défaite dans ce qui fut connu plus tard comme la bataille du Piémont.
Ces victoires réchauffant le coeur de tous les Autrichiens, une nouvelle rixe força l'Empereur à faire montre de son pouvoir. Quelques voisins malveillants, donc les infâmes Hessois, en voulaient à Cologne pour une sombre histoire de marchandises volées. Des couriers secrets avaient rapporté que le Pape était mêlé à ces évènements étranges.
La guerre débuta en avril 1545, Leopold VIII était bien décidé à venger son vassal. Otto IV perdit les 1 000 mercenaires qu'il avait payés avant même la prochaine pluie. Pourtant, des batailles sanglantes en Pologne mobilisaient l'essentiel des soldats impériaux. En Hongrie, le Roi jetait d'ailleurs l'éponge et cédait aux demandes modérées de l'archiduc pour une paix immédiate. Depuis longtemps déjà, les derniers cavaliers hongrois avaient été décimés dans les Carpathes.
La campagne de Pologne n'en était pas moins longue et sanglante. La farouche résistance de Sigismund ne put cependant qu'enrayer l'avancée due à une série de victoires quasi-ininterrompue de la part des armées autrichiennes. En 1546, sa situation était si précaire qu'il dut se réfugier parmi dans les montagnes des bergers de Moldavie.
Les agresseurs de Cologne ne firent pas meilleure figure, ils se plièrent rapidement aux exigences somme toute très modérées de l'Empereur: la reconaissance éternelle des frontières du Royaume d'Autriche et de Cologne. Sigismund perdait en eux ses derniers espoirs de reprendre l'initiative militaire, car les promesses des Bohémiens d'entrer en guerre ne se concrétisaient pas. La situation n'étant guère meilleure en Italie pour ses alliés, il préféra jeter l'éponge en cédant quelques territoires.
Les armées papales avaient été écrasées dans les étroits défilés montagneux des Alpes, nombre d'Italiens périrent à cause du terrible froid qui frappa l'Europe cette année-ci. Le Pape avait pu forcer Milan à signer une paix blanche suite à quelques batailles gagnées, mais ses provinces n'était pas assez riches pour pouvoir financer suffisament de régiments capables de tenir tête aux Autrichiens.
Lorsqu'il vit les
Reiter entrer à Rome, il s'enfuya par mer pour la Sicile. Ses tentatives d'excommunier les envahisseurs furent toutes sabotées par les influents conseillers espagnols à sa cour. Pratiquement toute l'élite aristocratique du pays était occupée à faire en sorte que les ordres du souverain ne fussent pas appliqués. Après l'occupation de la botte italienne dans sa totalité, il préféra lui aussi opter pour une paix honorable.
Les provinces lombardes qui revenaient de droit à la couronne impériale furent le prix de la témérité papale. Elles furent, tout comme les acquisitions polonaises, intégrées sur-le-champ au Saint-Empire. Le prestige impérial en fut d'autant plus reluisant qu'il s'agissait là d'un projet enterré depuis les temps mouvementés où régnaient les Ottons. Enfin, Leopold VIII avait particulièrement insisté pour que les chevaliers de Malte retrouvent leurs droits immémoriaux de défenseurs de la Chrétienté dans les mers barbares. Des galères entières remplies d'argent finirent d'apaiser le courroux de l'Empereur lorsqu'elles eurent fait montre de leurs trésors dans les ports dalmates du Royaume.