Chroniques d'Espagne 1623-1640
Le royaume se remet en ordre après la guerre (1623-1630)
L'Espagne n'avait pas été habituée à souffrir de défaites militaires depuis bien longtemps, et les années qui suivent notre guerre perdue contre les turcs et les autrichiens sont consacrées à la restauration militaire du royaume. En effet, l'Espagne n'a plus d'armée suite à l'éradication de ses 180 régiments d'Europe, et des révoltes éclatent ici et là dans son vaste empire de Méditerranée et des Amériques.
La Flotte Royale de Séville, n'ayant pas été endommagée, est tout de même renforcée de 50 galions supplémentaires pour atteindre les 150 voiles. Elle est complétée par la Flotte de Méditerranée (50 caravelles) dans leur port d'attache de Venise.
C'est surtout au niveau de l'armée de terre que nous cherchons à rebondir plus haut que nous ne l'étions avant. L'Espagne disposait 7 ans plus tôt de 180 000 hommes en Europe et de 25 000 dans les colonies; nous portons l'effectif de nos armées européennes à 210 000 hommes, et pour la première fois nous les armons d'une puissante artillerie. En quelques années, les révoltes sont toutes contrôlées et l'Espagne a atteint une puissance militaire dont elle n'avait encore jamais disposé.
Une autre constante des années 1620 est l'accroissement de notre effort de modernisation. L'Espagne fait jeu égal avec l'Autriche sur le plan de la technologie militaire, jeu égal avec l'Angleterre sur le plan naval, et est en avance sur tous les autres pour ce qui est de la technologie de gouvernement. Il est ainsi remarquable que, grâce à la richesse tirée du commerce et de ses manufactures, l'Espagne soit en pointe malgré la taille de son empire colonial.
La préparation de la revanche contre les Turcs et la nouvelle donne diplomatique
Comme notre correspondance le laissait entendre, nous ne considérions la fin de la guerre précédente que comme une trève temporaire devant à nouveau aboutir à une reprise des hostilités. Nos buts de guerre seraient simples: la récupération du Maroc Espagnol (Tanger, Ceuta et Melilla) que nous avions perdu en 1623.
Or voilà que l'Empereur d'Autriche nous contacte et nous offre une alliance de circonstance, alors que lui aussi désire faire la guerre aux turcs. Notre alliance avec la France étant rompue et ne voyant quel autre allié nous pourrions enrôler dans cette guerre, nous acceptons de bon coeur de nous allier à l'ennemi d'hier: même si les sentiments anti-autrichiens n'ont pas disparu à Madrid, ils ne sont rien à côté de la haine contre le Turc. Il est donc prévu que nos deux royaumes se lanceront à l'assaut du Sultan, mais la difficulté réside dans les interventions possibles, sinon probables, d'autres puissances.
- Un premier intervenant pourrait être la France, mais heureusement l'Empereur et la république française trouvent un terrain d'entente qui garantit la neutralité de cette dernière. Pour sa part, l'Espagne considère toujours la France comme une amie, même si plus rien ne nous lie formellement. Malgré la rupture de notre alliance, les relations restent excellentes: elles le doivent peut-être un peu à l'ancienneté de notre amitié, mais aussi sans doute beaucoup au fait que les relations franco-anglaises se tendent fortement dans les années 1620. Nous ignorons les raisons de ces tensions, mais cette rivalité incite la France à soigner ses relations avec l'Espagne, l'autre grande puissance navale du monde. Nous pensons ainsi pouvoir attaquer les turcs sans craindre la réaction française.
- Plus que la France, nous sommes quasiment certains d'une intervention anglaise et/ou scandinave, et les faits nous donneront raison. En effet, la volonté de ces royaumes de s'inviter plus dans les affaire européennes est manifeste. De plus, ils s'appuient sur leur potentiel naval et l'adversaire naturel auquel se mesurer en cette matière ne peut être que l'Espagne. Enfin, l'absence de rivalité entre les anglais et les turcs en fait des alliés naturels. Nous tentons d'amadouer, sans trop y croire, la République anglaise, mais ceci ne l'empêchera pas d'intervenir en emmenant son allié scandinave.
La menace anglaise nous pousse à restaurer nos relations avec l'Empire du Portugal. Bien qu'expulsé d'Europe, celui-ci s'est reconstruit en Amérique et est des plus imposants, puisqu'il détient la moitié de l'Amérique du Nord, du Saint-Laurent jusqu'au Mexique en passant par la Floride, et quelques possessions éparses (un morceau de Cuba, plusieurs provinces au Brésil...). Avec la Russie et l'Espagne, le Portugal est le dernier grand empire catholique. De plus, il contrôle la curie et depuis trop longtemps l'animosité portugaise nous vaut des excommunications à répétition. Tout ceci fournit de bonnes raisons d'expédier quelques caisses de trésors au Roy du Portugal, qui est ravi de revenir en cour auprès du Roy d'Espagne. Un mariage est conclu, une alliance est scellée, et nous comptons sur la contribution portugaise pour fondre sur les colonies anglaises de la côte est de l'Amérique et du Labrador en cas de besoin.
La Reconquista de l'Afrique du Nord
En 1630, nous informons l'Empereur que l'Espagne est prête à entrer en guerre. Nous avons disposé nos 150 voiles autour de Gibraltar, et comptons garder notre armada unifiée pour pouvoir contrecarrer toute réaction anglaise, ce qui exclut de remettre un blocus généralisé sur l'Empire Ottoman comme lors de la précédente guerre. Il est prévu que l'Espagne portera son effort sur l'Afrique du Nord et des débarquements opportunistes en Méditerrannée, alors que l'Autriche mènera la guerre dans les Balkans.
Les premiers mois de guerre se déroulent comme prévu. L'Espagne s'empare de Rhodes et rôde autour des côtes turques. Au Maroc, nous débarquons 105 000 hommes qui se saisissent rapidement de Tanger, Ceuta et Melilla. 60 000 turcs gardent les possessions algéroises et marocaines du Sultan; nous marchons sur eux et ils sont battus à la bataille de Tlemcen, bien que les pertes soient équivalentes des deux côtés et que les turcs ne soient pas tous dispersés. Nous poursuivons ensuite leurs armées, et les 60 régiments turcs seront impitoyablement détruits dans les monts Atlas et les plaines algéroises au cours des mois suivants. L'Espagne s'empare ainsi également de tout l'algérois, jusqu'à la Tunisie.
Mais la réaction que nous anticipions du côté anglais ne se fait pas attendre, et voilà que l'Angleterre nous somme de conclure une paix blanche, et s'allie avec les turcs. Une telle paix alors que nous sommes victorieux sur les champs de bataille ne saurait se concevoir, aussi nous ignorons les menaces anglaises. Celles-ci sont cependant des plus évidentes, alors qu'une flotte de 130 galions anglais rôde entre la côte de Lisbonne et Madère. Toutefois, en constatant notre légère supériorité numérique, l'anglais n'ose attaquer. Il envoie en fait sa flotte en Amérique, où nous avions posté la flotte de 50 caravelles de Méditerranée pour contrer toute attaque contre nos possessions des Caraïbes.
La déclaration de guerre anglaise tombe quelques mois plus tard, alors que l'anglais a disposé sa flotte à côté de nos caravelles qui patrouillent au large de Manhattan. Comme attendu, le Portugal nous suit dans la guerre. Evidemment, 50 caravelles contre 130 galions n'ont aucune chance, et nous perdons la première bataille navale de la guerre - toutefois seules une dizaine de caravelles sont coulées, le reste parvenant à trouver refuge dans un des ports cotoniers du Portugal.En Europe, nous débarquons à Malte (possession anglaise depuis les guerres anglo-castillo-aragonaises du XVème siècle) et prenons La Valette, coulant 6 navires de combat anglais qui y étaient attachés.
Suite à ces épisodes, la guerre se fige pour longtemps. En effet, les anglais ont construit 20 galions de plus (ils en ont donc 150 dans leur flotte principale, comme nous) et ont reçu le secours d'une centaine de navires de combat scandinaves. Cette flotte combinée, trop imposante pour que nous l'affrontions de face, entreprend de nous bloquer dans le port de Gibraltar tout en mettant le blocus généralisé de la péninsule ibérique. Contre l'Empire Ottoman, plus rien ne se passe de notre côté: l'Autriche continue la guerre, mais nous contrôlons déjà l'Afrique du Nord et ne sommes plus en mesure d'envoyer des troupes en Méditerranée. Aussi l'Espagne se met-elle en position d'attente, pour tenir ses conquêtes jusqu'à ce que les turcs soient contraints d'offrir leur reddition.
Les anglais ne sont toutefois pas totalement inactifs. Nous avions négligé de couvrir et de fortifier notre port de Gibraltar, ou nos 150 galions sont réfugiés. Un débarquement éclair s'empare de la province et fait sortir nos bateaux de force. Ceux-ci engagent la flotte anglaise dans une formidable bataille regroupant 300 galions. Comme on pouvait s'y attendre, la bataille est assez équilibrée; néanmoins les scandinaves répartis tout autour de l'Espagne lèvent l'ancre et se dirigent vers Gibraltar,ce qui risque de faire basculer le rapport de force nettement en faveur de nos ennemis; Nous prenons alors la décision de fuir, ce qui nous occasionne la perte de 9 galions capturés par les anglais, pour aller nous réfugier de l'autre côté du détroit dans le port de Tanger. Aucune autre opération navale n'aura lieu pendant la guerre.
Pendant ce temps en Amérique, les portugais malmènent la maigre armée coloniale anglaise et s'emparent des colonies ennemies. Ceci contraint l'Angleterre à une paix séparée avec le Portugal qui lui coûte la vassalité sur le Duché irlandais de Münster. Enfin, nos possessions d'Afrique du Sud, non défendues, sont attaquées par un débarquement scandinave qui s'empare du Cap et de deux provinces environnantes.
Après encore de longs mois d'attente et alors que la situation balkanique reste très incertaine, l'Empire Ottoman finit par craquer car les révoltes s'y multiplient encore plus que chez nous ou en Autriche. Le Sultan demande la paix et accepte nos conditions. L'Empereur obtient trois provinces balkaniques, et l'Espagne récupére ses possessions du Maroc (3 provinces également). Le traité de paix inclut la signature d'une paix blanche avec l'Angleterre et la Scandinavie.
L'Espagne sort donc victorieuse de la guerre, qui a duré 7 ans. Contrairement à la précédente, notre économie a toutefois souffert cette fois-ci, en raison du blocus anglo-scandinave. Toutefois, tous les bélligérants ont été touchés, et l'Espagne a conservé pendant toutes les années de guerre son leadership économique. De plus, notre armée s'est aguerrie. Nous retenons toutefois que l'émergence navale de l'Angleterre et des scandinaves sera une donnée avec laquelle il faudra composer dans l'avenir.
L'Espagne d'après-guerre et la situation diplomatique
L'Espagne a conforté son statut de grande puissance, toutefois sa position reste délicate. Déjà car nos succès font des envieux et que d'autres veulent se mesurer à nous pour affirmer leur statut international, comme le fit l'Angleterre. Ensuite car l'Espagne se doit d'être à la fois une grande puissance navale et terrestre, ce qu'aucun autre royaume ne peut se permettre d'être pour le moment. Ainsi les turcs, les autrichiens ou les français disposent-ils de grandes armées, mais sans flotte significative. A l'inverse, les anglais et les scandinaves se sont dotés de flottes puissantes mais leur puissance terrestre reste relativement anecdotique.
La sortie de guerre, malgré la victoire, est assez douloureuse: les révoltes se multiplient (WE de 19). Elles sont désormais à peu près sous contrôle, et nos revenus remontent régulièrement. L'Espagne est de nouveau prête à affronter toute menace intérieure ou extérieure.
A la France: nous redisons que nous apprécions son voisinage et encourageons son initiative de se doter d'une flotte digne de ce nom, ce qu'elle a commencé à faire. Nous souhaitons maintenir avec la France des relations agréables et des coopérations ponctuelles. Nous proclamons enfin que, malgré notre alliance avec le Portugal, nous reconnaissons le droit à la France de se saisir des colonies brésiliennes de ce dernier.
A l'Autriche (devenue la Prusse il y a peu): notre alliance contre les turcs et le comportement d'allié fiable et courageux de l'Empereur ont fait beaucoup pour l'image des autrichiens à Madrid. Certes les rapports entre la Prusse, puisque c'est ainsi qu'il convient désormais de la nommer, et l'Espagne, ne sont pas pour autant évidents car nous n'oublions pas totalement que nous fûmes assaillis gratuitement il y a une petite trentaine d'années. Néanmoins, c'est sans a priori ni mauvaise volonté que nous envisagerons nos rapports futurs, d'autant plus qu'il n'y a plus de conflits territoriaux ou d'influence entre nos royaumes.
Aux turcs: cela va faire bientôt 200 ans que nos empires sont à couteaux tirés pour dominer la Méditerranée. Nous ne comptons plus le nombre de guerres que nous nous sommes déclarées, et encore moins les centaines de milliers de soldats tombés de part et d'autre, les dizaines de navires coulés, et les provinces ravagées en Italie, en Afrique du Nord, dans les Pyrénées, dans les balkans, en Méditerranée orientale. Cette longue guerre jamais totalement terminée n'a été entrecoupée que de brèves périodes de cohabitation. L'Espagne ne désarme pas et continuera de faire valoir ses intérêts et le rayonnement de la foi catholique en Méditerrannée. Nous espérons qu'après avoir reperdu le terrain gagné lors du précédent conflit, le Sultan est désormais prêt à accepter notre présence au Maroc et à faire avec. Il ne doit pas douter de l'attachement viscéral de l'Espagne à cette région, non seulement pour contrôler le détroit de Gibraltar, mais aussi pour mettre fin à la piraterie barbaresque (avantage en prestige) et capter à travers Tanger le commerce de notre vice-royauté d'Afrique du Sud riche en esclaves et en ivoire.
Aux anglais: l'Espagne comprend les motivations qui ont poussé la République d'Angleterre a intervenir, et apprécie le fait qu'elle ne l'ait pas fait dans la recherche d'un profit personnel, mais surtout pour affirmer son statut international. Les faits sont cependant là, et nous avons assez peu apprécié que, par son action, l'Angleterre nous ait directement nui. L'Angleterre doit prendre conscience qu'elle est certes une puissance navale désormais de grande importance, mais que son pouvoir a des limites. Elle ne peut rivaliser avec l'Espagne sur terre, elle est moins riche que nous, et surtout sa prospérité est fragile car largement fondée sur le commerce. En outre, l'alliance portugaise est devenue un axe majeur de la politique espagnole, et à ce titre l'Angleterre ne devrait pas se considérer en sécurité au niveau colonial alors que nos fidèles alliés sont prêts à fondre sur son domaine à la première occasion. Nous n'avons pas besoin du commerce, et en particulier par dans les places commerciales anglaises, alors que l'inverse n'est pas vrai. Ainsi, si l'Angleterre veut continuer à commercer à Belize, à Séville, à Tanger, à Lisbonne ou à Venise, nous ne pouvons que lui conseiller de ne plus rien tenter contre nous.
Nous rappelons donc sans acrimonie mais avec fermeté à l'Angleterre quel est son rang: une puissance d'importance dans le concert européen, à n'en pas douter capable de peser sur les évènements, mais néanmoins sans commune mesure avec l'Espagne. Nous l'enjoignons à oublier toute forme de diktat, de souveraineté auto-proclamée, ou de leçon sur la façon de se conduire. A ces conditions, nous oublieront les évènements des dernières années et vivront en bonne intelligence. A la première menace, remarque désobligeante ou manoeuvre navale proche de nos côtes, nous la mettrons sous embargo.
Aux scandinaves: Madrid vous fait crédit d'avoir été entraînés dans la guerre contre nous sans l'avoir véritablement souhaité. L'honneur commandait que vous souteniez les anglais, vous l'avez fait à la fois en mettant le blocus de notre métropole et en occupant une partie de la vice-royauté d'Afrique du Sud. Cependant il nous a semblé que c'est l'Angleterre qui menait la danse. Nous n'avons aucun grief contre la Scandinavie, mais nous vous demandons également de ne plus rien tenter contre nous. Le monde est vaste, et la Scandinavie n'a pas besoin de s'opposer à l'Espagne - en particulier si elle ne veut pas courrir le risque, un jour, de voir la flotte espagnole soutenir d'éventuelles menées prussiennes en Allemagne du Nord. A bon entendeur... Si vous restez neutre vis à vis de nous, nous le seront également vis à vis de vous.
Aux hollandais: nous avons perçu l'arrivée de votre nouveau gouvernement et lui souhaitons toute la réussite possible. Si vous le souhaitez, l'Espagne peut s'associer à vous pour vous aider dans votre colonisation africaine et vous conseiller. Nous vous recommandons d'entretenir des contacts avec de nombreuses puissances afin de ne pas rester sous la seule influence des scandinaves. Il pourrait apparaître tentant pour vous de vous rapprocher des anglo-suédois, mais avant de le faire, prenez bien la mesure de la puissance terrestre de vos deux voisins français et autrichien, et cherchez à éviter tout conflit dans les décennies à venir pour reconstruire la puissance économique et militaire de votre République.
Aux russes: votre empire s'est tenu à l'écart des conflits et a plutôt prospéré ces 20 dernières années. Bien que nous soyons très éloignés, nous sentons les russes proches de notre coeur de catholiques fervents et souhaitons que la Russie s'affirme à son tour comme une grande puissance pour équilibrer l'Europe.
Sa Majesté le Roy d'Espagne